jeudi 22 juin 2023

Editorial: Pagaille à ciel ouvert

Tel habitant d’un quartier résidentiel remarque la rénovation d’appartements attenant à sa maison. Jusque-là, rien que de très normal, me direz-vous. Mais le voilà bientôt fort désagréablement surpris de voir leurs fosses septiques construites…juste devant chez lui ! Un autre subir l’érection d’un hôtel devant son domicile, lui bouchant la vue sans autorisation. Un autre encore une fenêtre de cuisine d’un immeuble attenant au sien s’ouvrir… sur celle de sa chambre à coucher !Des villas à Tevragh Zeïna destinées à être louées quelques jours à des couples nouvellement mariés provoquent un véritable tintamarre, au grand dam du voisinage dont les plaintes auprès des autorités restent sans effet. Des espaces publics sont squattés à longueur de journée. On les clôture, on y entrepose du matériel et on y construit même des villas. Même la plage n’est pas épargnée. C’est le hideux spectacle qu’offre désormais Nouakchott, particulièrement à Tevragh Zeïna où les terrains se négocient à prix d’or. Et le ministère de l’Habitat et de l’urbanisme dans tout ça ? Il brille par sa présence… et son incompétence. Ses équipes sillonnent les rues, mettent des croix sur les maisons et les clôtures construites illégalement… mais n’ont jamais rien démoli. Devant tant d’incurie, les occupations illégales se sont multipliées. Tevragh Zeïna est devenu une pagaille à ciel ouvert. Interrogée, il y a quelques années, sur les capacités d’un journaliste qui avait travaillé un moment sous ses ordres, feue Mariem Daddah avait eu ce trait, bientôt devenu célèbre : « C’est la carence par excellence ». Une formule sans peine applicable au ministère de l’Habitat depuis des décennies. Et que la formation du prochain gouvernement s’emploierait, enfin, à démentir ? Ha, Seigneur de la miséricorde et des sociétés heureuses, fasse qu’il en soit ainsi ! Ahmed ould Cheikh

jeudi 15 juin 2023

Editorial: Problématique

 Après la mort en février dernier de Souvi ould Cheïne dans les locaux d’un commissariat de police à Dar Naïm, suite à des tortures que lui ont fait subir le commissaire et ses agents, le décès d’un autre citoyen entre les mains des agents d’un autre commissariat, cette fois à Sebkha, a failli sonner le glas d’une institution dont la main paraît devenir démesurément lourde lors des interpellations. Elle s’est pourtant lavée de tout soupçon, dans le cas d’Oumar Diop, en déclarant que celui-ci était déjà sous les effets de substances psychotropes lors de son arrestation. Mais personne ne l’a crue. Des hommes politiques sont montés au créneau et ont fait monter les enchères, en accusant, sans preuves, la police d’avoir liquidé Diop. Il n’en fallait pas plus pour embraser la rue. À Sebkha, El Mina, Kaédi, Boghé et Bababé, des jeunes ont affronté pendant deux jours les forces de l’ordre, brûlant des voitures et pillant des commerces. Des troubles qui ont provoqué la mort, à Boghé, d’un jeune homme victime d’une balle tirée, selon ses parents, par un policier. Après un déploiement sans précédent de la Garde nationale et de la police, la situation a été rapidement maîtrisée. Dans le même temps, l’autopsie du corps de Diop était réalisée en présence d’un membre de sa famille et de son avocat. Envoyés au Maroc pour analyses, les prélèvements n’ont pas tardé à révéler les véritables raisons du décès. Elle résulte, selon l’expertise, « d’un arrêt cardiaque avec une affection aigue du système nerveux central en rapport à une présence à forte dose de cocaïne, en plus de la consommation récente d’alcool ». On en accepte le verdict mais tous ces évènements n’en révèlent pas moins une vraie problématique entre les différentes communautés cohabitant en Mauritanie. Ce n’est pas fortuit et exige un traitement approprié, dans une pratique magnifiée de nos échanges fraternels entre gens de couleurs différentes…

                                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 10 juin 2023

Editorial: Accidents ou bavures policères?

Comme Dakar ces derniers jours, Nouakchott a connu, la semaine dernière, des journées d’enfer. Suite à la mort « accidentelle » – encore une ! – du jeune Oumar Diop entre les mains de la police, plusieurs quartiers de Nouakchott se sont embrasés. Voitures brûlées, commerces vandalisés, forces de l’ordre attaquées par des groupes de jeunes. À Nouadhibou et Boghé – où un second jeune, Mohamed Lemine ould Samba, a trouvé la mort à la suite des manifestations ! – la même tension a prévalu. Une véritable atmosphère d’intifada. La police aurait-elle eu encore une fois la main trop lourde ? Si « l’enquête diligentée par le procureur de la République à Boghé est en cours », sans laisser filtrer la moindre information supplémentaire, le communiqué de la Sûreté nationale affirme, en ce qui concerne le cas du regretté Oumar Diop, que le défunt a été extirpé d’une bagarre et serait « mort à l’hôpital suite à une insuffisance respiratoire ». L’autopsie réalisée en présence de l’avocat et d’un membre de la famille révélera sans doute les véritables raisons du décès. 

Dans l’un ou l’autre des deux drames, si la police se retrouve impliquée, comme dans le cas de feu Souvi ould Cheïne, des sanctions exemplaires doivent être prises à l’encontre des fautifs. Pour qu’à l’avenir ce genre de bévues ne se reproduise plus. Et éviter ainsi de donner, à ceux qui profitent du désordre, l’occasion de s’attaquer à des biens publics et privés, comme on l’a vu lors de ces journées de folie qu’ont connues Nouakchott et Nouadhibou. Auxquelles « de nombreux étrangers auraient participé », selon la version officielle. Leur expulsion a d’ailleurs déjà commencé. Mais attention à l’excès de zèle ! Nous avons-nous-mêmes des communautés installées dans ces pays et l’ombre des évènements de 1989 au Sénégal plane toujours…

                                                                                              Ahmed ould Cheikh

dimanche 4 juin 2023

Editorial: Des élections et des surprises

 Après le deuxième tour organisé le samedi 27 Mai, les rideaux sont enfin tombés sur les élections municipales, législatives et régionales. Plusieurs partis ont dénoncé la désorganisation qui a entaché le scrutin en certains endroits, la fraude à ciel ouvert et l’intervention des démembrements de l’État au profit du parti au pouvoir…Ces scrutins n’ont donc pas dérogé à la règle non écrite qui veut qu’aucune consultation électorale ne se déroule normalement. Autre tradition, chaque élection apporte son lot de surprises. L’une d’elles – et non la moindre, sans contestation aucune – est l’affaiblissement fatal des partis de l’opposition traditionnelle (RFD, UFP et APP) qui se retrouvent sans aucun député à l’Assemblée nationale. Un véritable coup de tonnerre dont on n’a pas encore saisi toute l’ampleur. La faute à quoi ? A l’érosion progressive de l’électorat observé depuis quelques années ? Au discours modéré face aux problèmes du citoyen? À la politique d’apaisement vis-à-vis du pouvoir depuis l’arrivée de Ghazwani? A l’émergence de nouveaux partis et sensibilités aux discours plus véhéments ? Au vote tribal et identitaire qui a marqué plus que jamais ces élections ? Il y a en tout cas comme un nivellement de l’électorat. L’opposition-ère nouvelle (Tawassoul, FRUD, SAWAB/RAG et AJD/MR) se retrouve avec une trentaine de députés. Comme à son habitude, le parti au pouvoir obtient une majorité confortable (107 députés) et n’a donc plus besoin de ces partis-cartables qui ont servi de refuge à tous ses mécontents et l’ont tout de même battu à plate couture dans certaines localités. Prendra-t-il sa revanche, comme il l’a promis ? Réponse dans quelques jours lorsque le nouveau gouvernement sera formé.

   Ahmed ould Cheikh