samedi 26 mars 2022

Editorial: Otage d'un système

 Ould Abdel Aziz l’a dit en son temps, se proclamant même « président des pauvres ». Ghazwani vient de le répéter devant des membres de la communauté mauritanienne installée en Espagne : nous sommes un pays pauvre. Est-il désormais permis d’en douter ? Si, comme n’a pas manqué de le développer le Président dans l’audio qui a fuité – et qui a été sans doute extrait de son contexte…  –  nos mendiants sillonnent encore les rues et sommes incapables d’offrir l’eau et l’électricité à nos concitoyens – entre autres exemples cités – comment nous qualifier autrement ? Misérables, nous sommes, et misérables nous resterons. Tant que nous demeurerons incapables de profiter des immenses richesses dont Allah nous a pourvus. Un cheptel immense, des terres fertiles et de l’eau en abondance pour nourrir toute l’Afrique – alors que nous importons des carottes et des tomates, les légumes les plus faciles à cultiver… – des côtes parmi les plus poissonneuses du Monde, de très grandes potentialités minières… Des pays avec beaucoup moins  de ressources que le nôtre ont pu assurer leur essor économique et sont passés du stade de pays en voie de développement à celui de pays à revenu intermédiaire. Pourquoi pas nous ? Quelle malédiction continue à nous frapper pour rester encore à  la traîne ? Notre problème est pourtant simple et il a un nom : la gouvernance. Le choix de bons dirigeants, alliant à la fois compétence, rigueur et technicité ; une vision stratégique à court, moyen et long termes et des règles de gestion strictes, sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à présent ; devraient nous permettre de sortir la tête de l’eau. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Ce pays est l’otage d’un système et, au rythme où l’on va, beaucoup d’eau coulera sous les ponts avant qu’il ne s’en défasse…

                                                                    Ahmed ould Cheikh

dimanche 20 mars 2022

Editorial: Moins disant, mal faisant........

 Quarante kilomètres qu’on n’arrive pas à réhabiliter, deux tronçons de cinquante kilomètres chacun attribués à deux sociétés (fictives ?) il y a plus de deux ans et qui avancent à pas de tortue. La route qui relie le PK 110 de Nouakchott à Aleg est devenue un véritable calvaire pour les mécaniques, les dos et…les nerfs. Le ministre de l’Équipement s’y est pourtant rendu à plusieurs reprises, tenant réunion sur réunion avec les responsables des sociétés… sans que les travaux n’avancent d’un pouce. Ni avertissement décerné, ni pénalité de retard imposée. Trouvez-vous d’ailleurs normal, qu’en soixante années d’indépendance et malgré tous les déboires qu’ont connus nos routes, les retards dans l’exécution des travaux, le travail mal fait et mal fini, aucune société n’ait jamais été blacklistée ? Et, après une décennie de laisser-aller, au moment où l’on pensait que les choses iraient désormais mieux, voilà qu’on retombe dans les mêmes travers. Qu’est-ce qui empêche, par exemple, le ministère d’amender ces sociétés et de leur retirer les marchés pour que plus personne ne se hasarde à agir de la sorte ? Un simple regard sur nos routes nationales en dit long  sur l’état de déliquescence du secteur. Une seule d’entre elles est praticable à ce jour : la route Nouakchott-Rosso. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’elle a été construite aux normes par une société française. Pourquoi ne pas attribuer la construction ou la réhabilitation de nos routes à des sociétés étrangères si les nôtres en sont incapables ? Éternel problème du « moins disant » financier qui permet de réaliser de petites économies mais vous en fait perdre beaucoup plus dans le non-respect des délais, la qualité des matériaux et du matériel, ainsi que dans l’exécution des travaux…

                                                                      Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 mars 2022

Editorial: Ras-le-bol

 Ce qui se passe à nos frontières Est avec le Mali est d’une extrême gravité. Et, apparemment, on n’en a pas pris toute la mesure. Après l’assassinat de sang-froid il y a un peu plus d’un mois de sept de nos compatriotes par un contingent de l’armée malienne qui a refusé de reconnaitre le forfait…mais a promis une enquête sérieuse pour trouver les coupables, le Mali a encore frappé.

Des éléments de son armée, accompagnés cette fois de paramilitaires – ou de mercenaires, c’est selon – de Wagner, ont attaqué deux puits gérés par des mauritaniens à l’intérieur du territoire malien. Et de tirer sur une voiture, blessant grièvement deux de ses occupants, charger deux véhicules de moutons et arrêter une vingtaine de personnes qu’ils ont dévalisées, avant de les amener vers une destination inconnue. Une façon pas très catholique de s’approvisionner à moindre frais. Les témoignages des deux blessés, acheminés par les leurs à l’hôpital de Néma, sont sans équivoque. Cette fois-ci et contrairement à la précédente, aucun doute : c’est bien l’armée malienne qui a provoqué ce grabuge.

Recevant une délégation mauritanienne de haut niveau après les assassinats de Janvier, les autorités de la Transition avaient promis que toutes les mesures seraient prises pour que la sécurité de nos concitoyens soit dorénavant assurée en territoire malien. On sait à présent ce qu’il faut penser de ces promesses : soit le pouvoir malien ne contrôle ni ses troupes ni ses mercenaires, soit il laisse faire au risque de se mettre la Mauritanie sur le dos. Avec l’embargo que lui impose la CEDEAO, si nous décidons de taper enfin du poing sur la table et fermons nos frontières à un État incapable de contrôler lui-même les siennes, cela lui serait fatal.

                                                               Ahmed Ould Cheikh

samedi 5 mars 2022

Editorial: Enfin renait de ses cendres, l'opposition?

 On n’y croyait plus. Huit coalitions et partis – Coalition Vivre Ensemble (CVE), Coalition Vivre Ensemble/Vérité et Réconciliation (CVE/VR), Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (TAWASSOUL), Union des Forces du Progrès (UFP) et Union Nationale pour l’Alternance Démocratique (UNAD) – se sont enfin décidés à faire front commun autour de constats clairs. « Notre pays connaît une situation difficile », ont-ils publié ensemble le 22 Février, relevant « la cherté de la vie […], la propagation de la pauvreté et le chômage, […] particulièrement chez les jeunes ». Et d’embrayer « sur la généralisation de la corruption, la déliquescence de l'administration, le rétrécissement du champ des libertés et les atteintes à l'unité nationale, du fait de l’exclusion et de la marginalisation subies par certaines composantes nationales »…

Autant de« menaces à la cohésion de notre peuple », s’alarment-ils, tandis que « l'insécurité intérieure et sur nos frontières, […] [ainsi que l’instabilité géopolitique au Sahel et au Maghreb [les] interpellent gravement ». Fermement convaincus que « la conduite d'un dialogue national inclusif, dans le but de parvenir à un large consensus sur les questions nationales fondamentales, serait à même de protéger le pays de […] toutes ces menaces », ils n’ont cessé « d’œuvrer sans relâche pour le lancement de ce processus ». Jugeant aujourd’hui « réunies les conditions acceptables » de ce dialogue, en dépit des « manœuvres dilatoires de certains milieux » visant « à saper cette dynamique », les huit organisations signataires insistent alors sur l’urgence d’engager les débats.

« Il est grand temps […] de redonner espoir aux Mauritaniens et aller de l’avant pour le renforcement de la cohésion nationale, l'enracinement de la démocratie, la réalisation de la justice sociale et la mise en œuvre d’un vaste programme de développement économique et social pour la prospérité du pays ». Faute de ce faire « dans des délais raisonnables », concluent-ils en soulignant cependant leur actuelle disposition à participer à cette dynamique, « nous ne serons plus en mesure d’attendre indéfiniment son hypothétique lancement, maintes fois repoussé pour des considérations incompréhensibles… »

L’avertissement est clair : retenue jusque-là sous le boisseau, notamment en raison de la conjoncture sanitaire, la contestation sociale est en passe de prendre une singulière ampleur. Si le pouvoir ne se décide pas à lancer le dialogue national inclusif, les partis de l’opposition n’auront plus, à l’approche de conséquentes consultations électorales, que l’option de prendre ensemble, haut et fort, le flambeau des revendications populaires. La renaissance du sphinx paraît bel et bien à l’ordre du jour…

                                                                     Ahmed ould Cheikh