dimanche 27 décembre 2020

Editorial: Vénéneuse anguille

 Mais qu’attend donc le dossier de la corruption pour être transmis à la justice ? Plus de trois mois après transité, en provenance de la CEP, par le bureau du procureur de Nouakchott-Ouest, il reste coincé à la police chargée des crimes économiques et financiers. L’enquête s’est avérée longue et palpitante, tenant en haleine une opinion publique incrédule devant l’inimaginable gâchis mis à jour, mais les auditions ne sont-elles pas achevées ? La rédaction du rapport poserait-elle problème(s) ? Aurait-on assigné à ladite police de mettre la pédale douce ? Qui ? En attendant quoi ? Après avoir interrogé plusieurs fois l’ancien Président, ses ex-Premiers ministres, divers ministres qui travaillèrent sous ses ordres, plusieurs hauts responsables et autres hommes d’affaires ; mis la main sur des documents aussi accablants les uns que les autres, il ne restait plus qu’à renvoyer le bébé au procureur avec l’eau du bain. Et c’est là que le bât blesse.

Le dossier finira-t-il par être enterré ? Pourquoi tout ce temps perdu ? Les responsabilités n’ont-elles pas encore été situées clairement ? A-t-on peur d’ouvrir une boîte de Pandore qui risque fort d’emporter plus de monde qu’on ne peut l’imaginer ? Ces questions taraudent l’opinion qui voit, en ces atermoiements, une sinon plusieurs, anguille(s) sous roche. « L’imagination est la folle du  logis », disait Nicolas de Malebranche, et la laisser se nourrir de la pire de ces anguilles – l’implication du pouvoir actuel, non seulement dans la rétention du dossier mais aussi dans son fond – n’augure rien de bon pour notre république…

                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

Editorial: Au jour le jour

 La deuxième vague de Coronavirus est là et bien là. Plus sournoise que la première et apparemment plus meurtrière. Il ne se passe en effet pas un jour sans son lot de contaminés et de morts. Pris au dépourvu et devant l’inconscience d’une grande partie de nos citoyens (qui n’ont toujours pas mesuré l’impact réel de la situation et le danger qu’elle fait peser sur leur santé), le gouvernement a été obligé de recourir au couvre-feu. Un moindre mal par rapport aux restrictions qu’il aurait dû imposer dès le départ pour éviter d’en arriver là. Conséquence de ce laisser-aller : nos structures sanitaires ne sont plus loin du seuil de saturation. Une situation qu’on a déjà vécue il y a quelques mois et dont on n’a pas tiré la leçon, croyant sans doute que le pire était passé. Or, dans ce genre de pandémie, on n’est jamais sûr de rien. Et, comme gouverner, c’est prévoir, on aurait dû penser à l’avenir pour ne pas être pris au dépourvu une seconde fois. L’argent étant disponible, si l’on en croit nos gouvernants, il fallait être prévenants et équiper les hôpitaux, les centres de santé et les structures spécialisées du minimum vital au moins. Les médecins avaient en leur temps tiré la sonnette d’alarme : en cas d’augmentation substantielle du nombre de covidés, on se dirige tout droit vers une catastrophe. Mais la mise en garde est tombée dans l’oreille d’un (demi) sourd. La situation s’est certes améliorée mais elle est loin de répondre aux exigences dans le cas où, à Dieu ne plaise, les cas se multiplient. Champions de l’urgence et de l’au jour le jour, les Mauritaniens vont-ils enfin entendre qu’en  leur entassement citadin imposé par la modernité, il est devenu urgent de penser demain, voir plus loin que le bout de leur nez ?

                                                                                                                                        Ahmed ould cheikh 

dimanche 13 décembre 2020

Editorial: Corona, le retour

 Alors qu’on pensait un peu naïvement que le pire était passé, le Corona frappe à nouveau. Après plusieurs mois d’accalmie, le voilà qui refait surface. Cette deuxième vague que plusieurs scientifiques disaient inévitable s’est bel et bien levée. Beaucoup moins virulente qu’en certains pays, elle n’en est pas moins en train de ravager le nôtre. Pas un jour ne passe sans sa centaine et plus de personnes déclarées positives, alors que les tests sont loin d’être généralisés. La faute à qui ? Au gouvernement qui a relâché la pression un peu tôt et autorisé des rassemblements comme lors de la visite présidentielle à Kaédi ou des festivités de l’Indépendance ? Pensait-il que l’immunité collective serait la solution devant l’impossibilité de recourir au confinement ou au couvre-feu ? La faute à nous tous qui avons laissé tomber les masques sans penser aux conséquences et sans respecter ni distanciation sociale ni gestes- barrières ? À ce maudit virus refusant de baisser les bras et n’attendant que l’occasion propice pour faire à nouveau parler de lui ? Devant l’incapacité de contenir le fléau, faut-il donc recourir au vaccin, malgré les mises en grade d’une partie du monde médical ? Le jeu vaut-il la chandelle ? Corona a installé son cycle, comme H1N1, H5N2, VHS et autre BK. À l’instar de milliers de virus variablement dangereux pour une humanité de plus en plus confinée dans des villes surpeuplées. De fait, le vrai problème n’est-il pas civilisationnel ?  

                                                              Ahmed Ould Cheikh     

dimanche 6 décembre 2020

Editorial: Hommage à un preux chevalier

 Juste après la prière de vendredi dernier, alors que les fidèles étaient encore assis, un homme se lève et demande à tous de prier pour le repos de l’âme du colonel Oumar ould Beibacar. « J’étais un garde. J’ai travaillé sous ses ordres et je peux vous garantir que c’était un homme pieux, juste et foncièrement bon. » Une immense émotion envahit l’assistance. Peut-il y avoir meilleur témoignage pour un homme à qui l’on ne cessa pourtant de tresser des lauriers, tant son parcours fut des plus exceptionnels ? Brillant officier, le colonel – E/R, comme il tenait à l’écrire lui-même, chaque qu’il signait un article dans notre journal – laisse toutes les grandes causes orphelines. Grand baroudeur, il est connu pour n’avoir jamais tenu sa langue dans sa poche, sinon par pudeur  et respect d’autrui. Une anecdote qui circule encore à l’état-major de la Garde en dit long sur l’homme. Juste après le coup d’État d’Ould Abdel Aziz (que le défunt affublait du sobriquet de « général de bataillon »), le général Félix Négri convoqua les officiers de la Garde et commença à parler du Président. Oumar l’interrompit : « Vous parlez de Sidi ? ». Stupeur dans la salle. Officier visionnaire, il fut à l’origine de la fondation de la Caisse du Garde dont les effets bénéfiques, surtout pour les soldats, sont innombrables. Profondément humain, il contribua à rendre le séjour carcéral des négro-mauritaniens à Oualata beaucoup moins rigoureux et, de l’avis de plusieurs d’entre eux, sans son intervention, personne n’aurait pu survivre à un tel enfer. Repose en paix, preux chevalier !

                                                                                                                             Ahmed ould Cheikh