dimanche 31 août 2014

Editorial: Tant qu'il y a de la vie....

Il nous a fallu trois semaines. Vingt et un jours d’un suspense insoutenable. Cinq cent quatre heures d’attente, de rumeurs et de supputations. Avant qu’Ould Abdel Aziz ne daigne lever un coin du voile sur ce que sera son accompagnement, au début de son deuxième – et réputé dernier – mandat. Trois semaines au cours desquelles tout et son contraire furent avancés. Oui, oui, Ould Mohamed Laghdaf sera maintenu, avec la majorité de ses ministres. Non, non, c’est un expatrié qui viendra se frotter à la dure réalité de son pays. Mais après quelques jours de bouillottement, plus personne ne s’avançait à prédire ce que pouvait bien mijoter le président de la République. Et la surprise fut telle que même le plus courageux des bookmakers n’avait parié un sou, sur Yahya Ould Hademine. Natif, comme son prédécesseur, du grand Est – une condition apparemment sine qua none au poste de Premier ministre chez les « Rimiens », pour reprendre un terme cher à notre Derwichette nationale – le ministre de l’Equipement et des transports sortant cultive la plus extrême discrétion sur les relations, privilégiées, qu’il entretient avec notre leader bien aimé. Alors qu’il était directeur de l’ATTM, la filiale de la SNIM qui s’occupe du BTP, c’est, en effet, à la croisée d’Ould Abdel Aziz que l’homme prit goût à la politique. Grand soutien de la rectification de 2008, il sera directeur de campagne du candidat Aziz au Guidimakha, en 2009 et en 2014. Et propulsé, dans l’intervalle, à la tête du ministère de l’Equipement et des transports. Un secteur dont le Président faisait la cheville ouvrière de son premier quinquennat et où il lui fallait un homme de confiance. Yahya, qui associe l’efficacité de l’école de la SNIM à la docilité, est le prototype même de la perle rare dont le président risque de ne pas se défaire avant longtemps.
C’est ce qui explique, d’une part, sa longévité au gouvernement – à un poste sensible, de surcroît – et son ascension, d’autre part. Même si elle s’inscrit en porte-à-faux des promesses du candidat qui avait claironné, à maintes reprises, la priorité désormais accordée aux jeunes et aux femmes. Certes, sept membres du sexe dit faible (un record) font leur entrée au gouvernement mais les jeunes en restent les grands absents. Ils se consoleront, peut-être, en se disant que cette équipe, qui conserve la même ossature que la précédente, a été concoctée dans l’urgence. Et qu’ils auront plus de places, dans la prochaine. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
                                                                                                     Ahmed Ould Cheikh

dimanche 24 août 2014

Editorial: Aziz a de la marge

Ould Abdel Aziz a été enfin investi le 2 août dernier. Au  cours d’une cérémonie marquant le début de son deuxième – et dernier ?- mandat. Qu’on voulait grandiose, avec toutes les invitations lancées par-ci et par-là. Et qui n’a pas été, finalement, aussi importante qu’on le présageait. Seuls cinq chefs d’Etat africains (Sénégal, Gambie, Mali, Tchad et Guinée-Bissau) ont fait le déplacement de Nouakchott. Aucun président, roi ou émir arabe ne nous a honorés de sa présence. Aucune délégation européenne de haut niveau n’a foulé le sol de notre « belle » capitale. Même Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l'Union africaine que dirige Ould Abdel Aziz s’est fait porter pâle. Seuls les africains proches et liés par de multiples intérêts avec nous ont tenu à partager notre éphémère joie. Désaveu de notre guide bien-aimé ? Qu’aucun dirigeant arabe n’ait fait le déplacement lui est certainement resté en travers de la gorge. Mais n’a pas tardé à passer, puisqu’à peine une journée après son investiture, il prenait les airs pour diriger, avec Barack Obama, la grande messe afro-américaine. L’Oncle Sam y a promis monts et merveilles à une Afrique de plus en plus sensible aux charmes des investisseurs chinois. Plus de trente milliards de dollars seront ainsi investis dans nos contrées, entre dons, prêts, subventions et financements. Les Etats-Unis ne font pas dans la demi-mesure, lorsqu’il s’agit de leurs intérêts. Et pas un mot sur les violations des droits de l’Homme, le tripatouillage des lois fondamentales que certains dirigeants africains s’apprêtent à commettre. On attendait, du gendarme du Monde, sinon mise en garde, du moins allusion, à ce déni de démocratie. Mais rien n’est venu assombrir l’entente de façade, clôturée par une séance-photo avec chaque couple présidentiel, à défaut d’entretien en tête-à-tête réclamé parles chefs d’Etat et qu’aucun n’a pu décrocher.
C’est donc la tête plein d’images et encore groggy par cet aller-retour éclair qu’Ould Abdel Aziz est rentré au pays. Où l’attendait les questions existentielles : faut-il ou non changer d’équipe gouvernementale ? Reconduire le Premier ministre ? Quels ministres ont-ils donné satisfaction ? Qui doit partir ? Quels nouveaux visages feront leur entrée ? Tout au long de la dernière campagne électorale, notre leader éclairé nous avait bassinés avec la nécessité de renouveler la classe politique. Le nouveau gouvernement sera un premier test à l’aune de laquelle on mesurera jusqu’où faut-il croire ces fameuses promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. L’auteur de cette célèbre saillie parlait en connaissance de cause : vingt-et-une fois ministre, sous la 3ème et la 4ème République française, Henri Queuille était encore, quarante années après le début de sa carrière politique, l’homme politique le plus populaire de France. Aziz a de la marge.
                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh