mardi 25 octobre 2011

Editorial : Une avancée… soporifique?

La session officielle du dialogue politique, ouverte il y a plus d’un mois, est achevée! Voilà deux ans qu’on l’attendait, que tout le monde l’appelait de ses vœux et pfuiiiiiiit, la voici apparue et disparue, sans rien changer à notre présent! Et certainement pas grand chose à notre avenir. Qu’aurons-nous de plus, en effet, suite à plus d’un mois de discussions et de marchandages? une CENI, une criminalisation des coups d’Etat – ceux qui auraient lieu après le dialogue, les précédents étant, explicitement et définitivement, prescrits – et de l’esclavage, dans le préambule de notre Constitution; 146 députés, au lieu de 95; une loi interdisant le nomadisme politique de ceux-ci; une HAPA politisée; la dissolution des partis ayant obtenu moins de 1%, lors de deux consultations électorales successives; l’interdiction, pour l’armée, d’interférer dans le jeu politique et l’obligation, pour le leader institutionnel de l’opposition, d’être un élu. Certains y ont vu une grande avancée, pour une démocratie qui balbutie depuis sa naissance. D’autres, comme la Coordination de l’opposition (ou ce qui en reste), n’y voient que de la poudre aux yeux pour continuer à endormir l’opinion et les partenaires au développement. En tout cas, cette «avancée», pour être complète, aurait dû englober le Sénat dont tout le monde attendait la suppression, tant il coûte cher au contribuable, pour un résultat nul; le nomadisme politique des conseillers municipaux dont les voix, achetées à vil prix, profitent, surtout, au parti au pouvoir; les moyens de rendre la justice réellement indépendante et l’école véritablement efficiente et des «garanties fiables sur la neutralité de l’institution militaire» – pour reprendre les termes du communiqué de la COD – qui nous a déjà joué de bien mauvais tours.
Que faut-il en déduire? Que nous avons, désormais, une démocratie parfaite qui ne sentira plus les odeurs de Rangers? Ou que nous sommes, encore, sous la tutelle d’une institution militaire qui nous aime au point de ne plus vouloir nous quitter des yeux? Il y a, en tout état de cause, deux dangereux précédents : le coup d’Etat du 6 août 2008 qui a mis fin, brutalement, à une expérience démocratique unique, dans le monde arabe, et les Accords de Dakar, signés, en 2009, en présence des représentants de la Communauté internationale, et dont la seconde clause – après celle prévoyant une élection présidentielle –n’aura été appliquée que deux ans après. Et au rabais, s’il vous plaît! Si ce n’est pas un irrespect des engagements, ça lui ressemble, quand même, étrangement. Faut-il, du coup et par déduction, s’attendre à ce que le pouvoir louvoie, de nouveau, et essaie de gagner du temps, pour ne pas avoir à appliquer ce nouvel accord? Contrairement à 2009, il dispose, cette fois, d’une plus grande marge de manœuvres, de nouvelles élections ne pouvant être organisées avant deux ou trois ans. Les anciennes cartes d’identité sont périmées et, si le gouvernement décrétait qu’elles sont encore valables, des milliers et des milliers de jeunes ayant atteint l’âge de voter ne disposeraient pas du précieux sésame, pour s’acquitter de leur devoir civique. Et personne ne sait quand les nouvelles cartes d’identité, issues de l’enrôlement, malmené mais toujours en cours, seront disponibles. Il va falloir, donc, se taper notre Parlement actuel, pendant un bout de temps encore. Heureusement que les députés de l’opposition apportent un minimum de contradiction, dans ses assoupissements monocordes...
Ahmed Ould Cheikh

jeudi 13 octobre 2011

Editorial : La Mauritanie avant tout!

Notre pays a connu, la semaine dernière, des événements d’une rare violence. A Kaédi et à Maghama, des jeunes, qui protestaient contre l’enrôlement ‘’discriminatoire’’, se sont, violemment, heurtés aux forces de sécurité. Un jeune est même mort, victime de la bêtise humaine. D’autres ont été blessés par balles. A Nouakchott aussi, le jeudi dernier a été chaud. La Médina 3 avait un air d’Intifada. Des dizaines de manifestants se sont retrouvés sous les verrous, après l’intervention, musclée, de la police.
Comment en est-on arrivé là? Depuis quelques mois déjà, la rumeur n’a cessé de s’amplifier, comme quoi les Négro-mauritaniens seraient dans la ligne de mire des commissions d’enrôlement qui contestent leur mauritanité. D’illustres membres de cette communauté se seraient même vus refuser l’enrôlement, au motif qu’ils ne connaissaient pas un tel ou un tel. Des personnalités maures, connues elles aussi, ont fait les frais du zèle de ces commissions. Pourtant, personne n’a crié à la discrimination. Il n’en fallait pas plus pour que les sites et autres forums de discussion s’emparent de la question et tentent de réveiller les vieux démons. Chacun d’entre nous a encore en mémoire les tristes événements de 1989 et personne n’a intérêt à ce qu’ils se renouvellent. Il faut combattre, d’abord, les pêcheurs en eaux troubles. Il y a une lutte à mener, comme pour le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire. Nous les avons menées et les menons, ensemble. Et les gagneront, ensemble. Faisons de même pour celle-là. Sans haine, ni exclusion. L ‘enrôlement est discriminatoire? Battons-nous tous, mains dans la main, pour qu’il ne le soit plus. Les commissions d’enrôlement sont inégalitaires? Marchons, écrivons, dénonçons, pour que tout le monde ait les mêmes chances de s’inscrire. A quoi sert-il de se frotter au système de répression du régime, quand les forces sont inégales? De s’attaquer aux membres d’autres communautés au risque de se faire des ennemis? De piller les biens d’autrui? De détruire tout sur son passage? Un facebookeur rappelait, l’autre jour, ce que disait un sage: ‘’Le pire ennemi d’une cause noble, c’est le comportement ignoble’’.
La Mauritanie est un pays trop fragile pour supporter des secousses à caractère ethnique. Elle est notre bien commun. Faisons en sorte de la préserver de nos propres turpitudes. Battons-nous, dans la légalité, pour faire prévaloir nos droits. Luttons contre ce régime, s’il s’avère qu’il cherche à nous diviser. Les peuples tunisien et égyptien ont démontré qu’on peut avoir raison de pouvoirs solidement assis, sans recourir à la violence. Qui, à son tour, appelle la violence. Cercle vicieux. Alors qu’il s’agirait d’établir un cercle de vertus et de solidarité. En lançant, par exemple, un mouvement national de désenrôlement, appelant tous les citoyens à signer nominativement une pétition en ce sens… Jeunes du TPN et autres militants de février, soyez inventifs, à la rencontre de tous les Mauritaniens! C’est en réalisant son unité que le peuple devient invincible!

AOC

Faire simple quand on peut faire compliqué ?

Combien y-a-t-il de diplomates mauritaniens? Quelques centaines, à tout casser. Combien d’entre eux sont-ils susceptibles d’avoir à se rendre en France? Guère plus du quart, probablement. Bref: un petit monde connu; qui devrait l’être, en tout cas, de la diplomatie française, de si longue date amie de la nôtre. Hé bien, non, cela semble trop à notre chère ex-coloniale. Un diplomate mauritanien, s’il doit se rendre en France, doit passer, comme le moindre quidam, par le service des visas du consulat français à Nouakchott. Et ce n’est pas si simple. Car les nouvelles procédures, pour obtenir un rendez-vous avec l’ambassade obligent de passer par un opérateur basé au Sénégal. Pas un français ni un mauritanien, non, un sénégalais. Peut-être faudrait-il envisager de sous-traiter notre diplomatie au Sénégal?
L’Espagne, quant à elle, a compris l’inanité de telles procédures, assez humiliantes, c’est le moins qu’on puisse dire. Vous imaginez un diplomate français, devant se rendre en Mauritanie, obligé de s’adresser à un opérateur russe ou chinois, voire teuton? Bref. Les Espagnols, disais-je, ont décidé, tout simplement, de dispenser de visa tous les détenteurs de passeports diplomatiques mauritaniens. C’est poli et de bon ton. Même pragmatique, si l’on prend la peine d’y réfléchir à deux fois. Mais bon, la France sarkozienne ne semble guère avoir de tels soucis. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? La question ne cessera de tarauder, probablement, l’immigré de seconde génération en charge de l’ex-puissance impériale, jusqu’à sa non-réélection très attendue. Et l’on se prend à espérer que son suivant – ou suivante – soit plus à l’aise dans ses pompes…