lundi 22 décembre 2014

Editorial: Tout et tout de suite!

Notre guide éclairé l’a dit et répété, la semaine dernière. Ici, lors d’un passage à l’agence Tadamoun ou là, dans un centre de formation professionnelle. Le genre de déclarations qu’on provoque à l’occasion d’une visite pas si inopinée que cela, dans une structure de l’Etat. Un journaliste du service public est commis pour poser la « bonne » question, au moment où le Président achève son parcours et sort, attendant qu’on lui tende le micro. Commence alors un long monologue où le rectificateur en chef délivre son message sur l’actualité chaude du moment. Cette semaine, c’était, encore une fois, la gabegie et le détournement des deniers publics qui étaient « à l’honneur », deux thèmes chers à notre leader maximus. Question d’autant plus brûlante que plusieurs milliards d’ouguiyas viennent de s’envoler des caisses du Trésor public, à Nouadhibou, Aioun et Néma, et de celles de la SOMELEC, à Kiffa, Sélibaby, Akjoujt et Rosso. Durant quelques années, des percepteurs et caissiers indélicats ont fait main basse sur ces rondelettes sommes, sans que personne n’y trouve à redire, malgré des trains de vie des plus fastidieux, sans commune mesure avec les revenus modestes de ces fonctionnaires.
La « bonne » question du jour n’avait, on l’espère, rien à voir avec les organismes visités. Elle portait, en effet, sur la Journée mondiale de lutte contre la corruption. Et Ould Abdel Aziz d’y répondre avec volubilité, sans crainte des répétitions et redondances qui faisaient, ici, office de clous à marteler : « La lutte contre la gabegie et la corruption sera poursuivie dans le pays […] Notre combat contre la gabegie n'est pas un slogan […] Nous continuerons à lutter contre la gabegie, la corruption et le détournement des deniers publics et les lois se rapportant à ce sujet seront appliquées à tous, avec toute la rigueur requise […] ».
Tremblez, prévaricateurs ! Ceux qui ont été pris la main dans le sac seront punis, selon les lois de la Mauritanie nouvelle : ils ne rembourseront pas une ouguiya, resteront quelques mois ou années en prison, comme d’autres qui les ont précédés et se retrouveront libres comme l’air, sur intervention d’un général, d’un gros bonnet ou d’un chef de tribu. Peut-être même que ce laxisme a encouragé certains à tenter leur chance, provoquant cette saignée dont on n’est pas prêt de situer les débuts, encore moins les montants, le contrôle n’ayant concerné que les quatre dernières années.
Cela dit et quoique ce crime économique soit impardonnable, il n’est que l’arbre qui cache la forêt. La gabegie, ce n’est pas seulement piquer dans la caisse. C’est les nominations de complaisance, l’attribution de marchés de gré à gré, le trafic d’influence, pour obtenir des avantages indus, l’exclusion de cadres compétents, parce qu’ils ne sont pas du « bon » côté, la toute-puissance de la parentèle à laquelle aucun ministre ou directeur général ne peut rien refuser… C’est ce culte, généralisé, de l’argent avant tout, par-dessus tout, sans aucune considération de juste rémunération de compétences, travail bien fait, engagement tenu. La jeunesse soixante-huitarde des pavés parisiens clamait : « Ce que nous voulons ? Tout et tout de suite ! » Et certes : si la Mauritanie contemporaine en a fait son slogan, il est vrai qu’elle est fort jeune. Même si les plus acharnés à appliquer cette maxime ne sont pas tous nés, loin de là, de la dernière pluie…
                                                                                                 Ahmed Ould Cheikh
    

dimanche 14 décembre 2014

Editorial : La foi de Mokhtar


Depuis quelques semaines et à l’occasion du 54ème anniversaire de notre indépendance nationale, une campagne de dénigrement systématique est menée, sur plusieurs fronts, contre feu Mokhtar ould Daddah, le premier président de ce pays et son fondateur ex nihilo. Il est tout à fait compréhensible qu’on ne soit pas d’accord sur le parcours de l’homme, sa politique, sa façon de diriger, les décisions, qu’il a prises : nul n’est infaillible. Aucun homme, quel qu’il soit, n’a jamais fait l’unanimité chez lui. Le proverbe ne dit-il pas à juste titre que ‘’nul n’est prophète en son pays’’ ?  Comment pourrait-il en être autrement d’un homme que la modestie étouffait et dont toute l’action a été guidée par un désintérêt total pour les biens de ce bas monde ?
Il a fait l’objet de critiques et c’est tout à son honneur de dire qu’il a reconnu ses erreurs et essayé de les corriger. Reconnaissons-lui, au moins un mérite : celui d’avoir cru en ce pays et de s’être battu pour qu’il voie le jour, dans un environnement plus que défavorable. Il avait, certes, le soutien de l’ancienne puissance coloniale mais qui pouvait prétendre diriger, à l’époque, quelque territoire de l’ancien empire français sans le soutien de l’Hexagone ? Et, si les Français l’ont installé sur le « trône », il n’en a pas moins essayé de voler de ses propres ailes. Il a renoncé à la subvention française, dite d’équilibre budgétaire, pour permettre au pays de vivre et fonctionner par ses propres moyens. Il a nationalisé la MIFERMA, révisé les accords avec Paris et fondé une monnaie nationale. Quel dirigeant africain a le courage, de nos jours, de prendre une seule décison de ce genre ?
Mokhtar n’avait qu’un seul objectif : consolider l’indépendance de la Mauritanie et lui donner voix au chapitre. Et il a réussi, au-delà de toute espérance. Que ce soit au sein de l’Organisation africaine, dont il fut l’un des fondateurs, à la Ligue arabe ou au Mouvement des non alignés, la voix de notre pays n’avait rien à voir avec son poids réel. Il a combattu le sionisme, l’apartheid et les colonisations portugaise et espagnole en Afrique, avec la dernière énergie. Les leaders palestiniens, sud-africains, cap-verdiens ou bissau-guinéens étaient accueilis à Nouakchott, avec tous les honneurs et avaient droit à des passeports mauritaniens, pour ceux qui le demandaient.
Le président fondateur possédait aussi une qualité dont il peut, seul, se prévaloir, parmi tous les autres chefs d’Etat, d’ici ou d’ailleurs : le désintéressement. Les milliards qui lui furent offerts, à titre privé, furent automatiquement reversés au Trésor public. Si bien qu’à son départ du pouvoir, il n’avait, pour tout bien, qu’une villa à Nouakchott, construite grâce à un prêt bancaire et qui sera confisquée, par les militaires, pendant de longues années.
Qui dit mieux ? Qui d’autre que lui peut se prévaloir d’un tel bilan ? Qui d’autre que lui a porté aussi haut les couleurs de notre pays ? Il serait assurément exagéré de dire que l’homme n’avait que des qualités. Il avait aussi ses défauts, comme tout être humain, et a fait des erreurs dont une, au moins, la guerre du Sahara, fut fatale à son pouvoir. Mais avait-il le choix ? La guerre ne lui a-t-elle pas été imposée ?
Alors, à quoi rime toute cette campagne ? Quel intérêt a-t-on à houspiller les morts ? Même si l’on n’est pas en phase avec les fondateurs de notre pays, pour des raisons idéologiques ou plus terre-à-terre, reconnaissons-leur, au moins, qu’ils avaient un idéal et qu’ils y ont cru. Ce qui, par les temps qui courent, ne court pas les rues. Avant même d’être un homme de bonne religion, Mokhtar ould Daddah était un homme de foi. L’un allait avec l’autre et ceux qui s’acharnent à salir sa mémoire ne prouvent, seulement, que leur propre incapacité à entendre le sens de cette conjonction. Fondamentale, pourtant, dans l’établissement de notre nation. Et ce n’est pas peu dire…
Ahmed Ould Cheikh

dimanche 30 novembre 2014

Editorial: Nécessité vitale

La maison Mauritanie va-t-elle brûler ? Entre des FLAM qui réclament l’autonomie pour lesgions du Sud, IRA qui en appelle à une refonte totale d’un système social bâti sur l’injustice, des maures « blancs » qui veulent, désormais, en découdre avec ceux qui rejettent l’ordre établi et un pouvoir qui laisse pourrir la situation, s’il ne souffle pas carrément sur la braise, il y a de quoi s’inquiéter pour la maison commune. La Mauritanie a certes connu beaucoup de secousses, par le passé, qui ont mis à mal sa cohésion et ont failli l’entraîner vers des lendemains plus qu’incertains. Mais elle a toujours fini par se rattraper, ce qui unit ses différentes composantes étant plus fort, et de loin, que ce qui les sépare. Les évènements de 66, les troubles scolaires qui faillirent dégénérer, en 1979 ; la déchirure de 1989, les plaies de 90/91 ont tous été, plus ou moins, dépassés. Non sans séquelles, il est vrai. Les multiples intrusions militaires et les manipulations électorales des civils ont été contenues et raisonnablement gérées, par la sagesse incommensurable d’un noyau de patriotes qui fait encore – mais pour combien de temps ? – prévaloir l’intérêt général sur les petits calculs personnels. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. Et la mère du voleur ne continue pas toujours à « youyouter » … c’est connu. Le peuple mauritanien n’est pas exceptionnel. Rien ne le prémunit contre les débordements. Rien. Surtout que mes mêmes causes produisent, jusqu’à preuve du contraire, toujours les mêmes effets.
Jusqu’à quand va-t-on continuer à tirer sur la corde, avant qu’elle ne se brise ? Un élan national est nécessaire, une sorte de maïeutique socratique, pour que tout un chacun dise ce qu’il a sur le cœur. Pour qu’enfin l’abcès soit crevé. La Mauritanie est une et indivisible et elle a besoin de tous ses fils. Mais elle ne les rassemblera qu’autour d’un projet vraiment commun, juste, équitable. La réalité pigmentaire de notre nation est majoritairement noire, mais, tandis que nos médias nationaux s’acharnent à la blanchir à outrance – ouvrez un peu votre télé et constatez – la quasi-totalité des pouvoirs sont entre les mains d’une oligarchie qu’il n’est pas outrancier de qualifier d’arabo-berbère. Non pas que tous ceux-ci soient également pourvus, loin s’en faut. Mais il faut se rendre à l’évidence des déséquilibres, probablement plus statutaires que raciaux, au demeurant. Les constater, les reconnaître, proposer des remèdes efficaces. Autour d’une même table. Chacun conscient de ses particularités, chacun défendant sa part de gâteau, mais tous convaincus de former une même nation. Un pari insoutenable ? Non, une nécessité vitale, tout simplement.

                                                                                             Ahmed Ould Cheikh

dimanche 23 novembre 2014

Editorial : Le vent souffle partout



Depuis quelques jours, une rumeur insistante fait état d’un accord entre l’opposition regroupée au sein du FNDU et le pouvoir, pour décrisper une situation politique tendue depuis plus de six ans. Les négociations seraient à un stade avancé entre les deux camps. L’accord prévoirait une dissolution de l’Assemblée nationale, des élections législatives et municipales anticipées et un amendement constitutionnel visant la suppression d’un Sénat sur lequel personne ne verserait une larme, tant la chambre haute du Parlement paraît superflue, dans le contexte mauritanien où l’Assemblée suffit amplement à « applaudir » les lois. Vous aurez sans doute remarqué que tout le paragraphe est au conditionnel, puisque rien ne permet de dire, à l’heure qu’il est, qu’une éclaircie de quelque nature pointe à l’horizon. Qui a, d’ailleurs, la fâcheuse habitude de paraître de plus en plus bouché. Les exemples tunisien, égyptien, libyen et, plus récemment, burkinabé, n’ont apparemment pas fait réfléchir nos képis étoilés. « La Tunisie n’est pas la Libye », disait Kadhafi, après la Révolution de jasmin qui avait remporté Ben Ali. Quelques mois plus tard, c’était à son tour d’être emporté par une bourrasque dont les effets risquent, si l’on n’y prend garde, de déstabiliser, non seulement toute l’Afrique du Nord mais aussi tout le Sahara et le Sahel.
Ould Abdel Aziz ira-t-il jusqu’à paraphraser celui qui, alors président de l’Union Africaine, avait pris fait et cause pour le putsch mauritanien de 2008 ? Certes, le Burkina n’est pas la Mauritanie mais la ressemblance est quand même frappante. Aziz et Compaoré sont tous deux d’anciens militaires arrivés au pouvoir par coups d’Etat. Reconvertis en « démocrates », ils ont gagné des élections présidentielles taillées sur mesure, leur parti respectif régnant en maître sur la scène politique. Leurs clans ont fait main basse sur les maigres économies de leurs pauvres pays et ceux, parmi leurs opposants ou leur presse, qui refusent de courber l’échine n’ont pas voix au chapitre ; sont même diabolisés. Les deux pays caracolent en tête des nations les plus corrompues du monde et leur indice de développement humain ferait honte à la Somalie ou à la Syrie, pourtant en guerre.
Oui, la Mauritanie n’est pas le Burkina. Pas encore. Mais le vent souffle, ici et là. Que lui faut-il pour déraciner les arbres qu’on croit – ou qui se croient – les mieux enracinés ? Comment font ceux-là pour se prémunir, efficacement, contre ses bourrasques ? Voilà des questions très universellement saharo-sahéliennes, par les temps qui courent…

                                                                          Ahmed Ould Cheikh


lundi 17 novembre 2014

Editorial : Voyage, voyage…

Ould Abdel Aziz est parti ce lundi à Ouagadougou. Un voyage-éclair d’une journée. Pour porter la « bonne » parole et apporter le soutien de l’Union Africaine au processus en cours visant à instaurer une transition consensuelle. Notre ancien putschiste, reconverti en démocrate et bombardé président de l’UA, faute de concurrent, sait-il de quoi parler aux auteurs du coup d’Etat ? Qui n’en est pas un, en fait, puisque les militaires burkinabés, malgré une longue tradition de putschs, ont, cette fois, ramassé le pouvoir dans la rue. Notre rectificateur en chef a, lui, déjà deux coups d’Etat à son actif, en 2005 et 2008, sans avoir, à aucun moment, songé à mettre en place une transition consensuelle ou à remettre le pouvoir aux civils – si l’on exclut la parenthèse Mbaré qui n’a duré qu’à peine un mois. Les démocrates burkinabés pourraient d’ailleurs lui faire remarquer, à juste titre, qu’au moins sur ce point, il est mal placé pour donner des leçons. Ils ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, en se tournant d’abord vers la CEDEAO dont trois présidents (véritablement démocrates ceux-là) ont débarqué au Burkina pour encourager les différents pôles à se mettre d’accord sur un processus garantissant le retour rapide à un ordre constitutionnel normal. Aziz ira donc prêcher en terrain conquis. Il aurait pu faire l’économie d’un voyage inutile. Surtout qu’il est à la veille d’un marathon qui le mènera jusqu’à la lointaine Australie, pour assister au Sommet du G 20, en tant que président de l’UA.
Voyage, voyage… Comme si tout se passait bien chez nous. Comme si tous les problèmes étaient derrière nous. Comme si le prix du fer n’avait jamais baissé. Comme si le poisson s’arrachait comme des petits pains. Comme si l’hivernage avait été bon. Comme si une petite minorité de privilégiés n’avait pas fait main basse sur nos maigres ressources, chacun s’appropriant un domaine : banques, BTP, importation de produits alimentaires, fournitures aux établissements publics, marché de gré-à-gré, taxes imaginaires (dont la plus célèbre demeure celle de 3% du prix de chaque produit débarqué au Port de Nouakchott, une sorte de prime d’assurance obligatoire, versée comme une obole à un favorisé qu’on ne nommera, puisque tout le monde le connaît).
Aux pauvres, « non-agréés », il ne reste que des miettes. Des sociétés, qui avaient, il y a peu, pignon sur rue, mettent la clé sous la porte. Cinq ans encore dans cette galère et il ne nous restera plus grand-chose. A moins que d’ici là, un voyage de trop… ou la rue… qui sait ?
                                                                      Ahmed Ould Cheikh
  

dimanche 9 novembre 2014

Editorial: Automne sahélien?

Le peuple burkinabé a parlé. Il s’est levé, comme un seul homme, pour dire non à une dictature imbécile. Il a donné l’exemple à toute une Afrique asservie par des tyrans accrochés à leur trône. En une journée d’émeutes et de bravoure, il a balayé un pouvoir, vieux de 27 ans, qui refusait de voir plus loin que le bout de son nez. Un régime qui voulait toujours plus. Un président assassin qui s’entêtait à vouloir changer la Constitution, pour briguer un troisième mandat et, pourquoi pas, un quatrième ou un cinquième. Et qui n’a pas compris, ou trop tard, que le monde a changé. Que la caution de l’ancienne puissance coloniale ne suffit plus pour se maintenir au pouvoir. Que la jeunesse africaine aspire, désormais, au changement. Que le printemps arabe a fait des émules au sud du Sahara.
Une journée, une seule, et voilà un pouvoir de plus d’un quart de siècle qui s’effondre, comme un château de cartes. Celui qui voulait apparaître, aux yeux du Monde, comme un « sage », un médiateur de tous les conflits, un militaire devenu démocrate, n’était, en fait, qu’un pompier pyromane, attisant la haine en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone, au Liberia et au Mali. Qu’un leurre, un fétu de paille que la première bourrasque a emporté.
Et les vautours, qui rôdaient dans les parages, n’ont pas tardé à entamer leur parade macabre. Les militaires, jusque-là tapis dans l’ombre, transis de peur, se proclament, chacun, calife à la place du calife. Le vaillant peuple du Faso devrait être plus vigilant, pour qu’on ne lui vole pas une victoire arrachée de haute lutte et au prix du sang. Un militaire qui s’arroge le titre de président de transition n’est jamais un bon signe. Demandez, aux Mauritaniens, ce qu’il est advenu de leur première transition. Les militaires ont, en effet, une déplaisante propension à prendre rapidement goût au pouvoir et à chercher, par tous les moyens, comment s’y incruster.
Les nouveaux-venus burkinabés y parviendront-ils ? Ou « l’automne sahélien » est-il l’annonce, enfin, de leur hiver ? Un peu de fraîcheur, après tant de canicules militaires, ne serait vraiment pas de trop. Peuple burkinabé, boutez-nous, une bonne fois pour toutes, cette galonnade à ses casernes !

                                                                     Ahmed Ould Cheikh

lundi 3 novembre 2014

Editorial: CQFD

Secret de Polichinelle : Nouakchott croule sous le poids de ses ordures. Depuis la rupture du contrat avec la société française Pizzorno, qui s’occupait, tant bien que mal, de la collecte et de l’enfouissement des tonnes d’immondices produites, quotidiennement, par la mégapole de bédouins qu’est devenue Nouakchott, la Communauté urbaine, à qui a été dévolue cette tâche dans l’urgence, ne sait plus où donner de la tête…Dépourvue de moyens humains et matériels, elle a été obligée de faire appel à des sociétés privées et à des particuliers, pour la location du matériel, et à l’Etat, pour financer une opération que son budget ne prévoyait pas. Mais bonne volonté ni efforts ne parviennent à venir à bout des détritus qui s’entassent, en un clin d’œil, à chaque coin de rue, causant de multiples désagréments aux citoyens, particulièrement ceux des quartiers périphériques où la rotation des camions de ramassage n’est pas aussi régulière que dans les zones huppées.
Dilemme pour le président de la République à qui l’on doit l’initiative de la rupture du contrat avec Pizzorno. Rappeler cette société et se renier publiquement ? Ou se coltiner la responsabilité de l’insalubrité publique ? Publiquement, public… Pourquoi ne pas renvoyer publiquement le public mauritanien à sa propre responsabilité ? Passer du « je suis responsable » au « vous êtes responsables » ? Et voici nos chargés de com’ présidentielle à plancher sur un nouveau coup médiatique…
On commencera, donc, par « nous sommes tous responsables ». Preuve à l’appui, avec la descente, sur le terrain, de notre guide, éclairé, de plus en plus souvent, à la loupiote du volontariat d’Haïdalla. Allez hop, tout le staff aux poubelles ! Samedi dernier, c’était ainsi branlebas de combat partout dans Nouakchott. Ministres, secrétaires et directeurs généraux, directeurs tout court, généraux et générales, personnel gradé et subalterne, tous en tenue de combat contre les ordures ! Pelle ou râteau à la main, regard furtif vers la caméra, histoire de s’assurer de la réalité du film, l’exemple à suivre est bel et bien donné d’en haut.
Après deux jours de labeur, certaines zones ont effectivement été nettoyées. Mais qui s’en occupera, demain, après-demain et après-après-demain, jour après jour, lorsque les ordures s’entasseront de plus belle ? Faudra-t-il que notre leader bien-aimé – lui qui se disait, il y a peu, obligé de s’occuper lui-même de tout – consacre, chaque semaine, un ou deux jours au nettoyage de notre vitrine nouakchottoise ? Allons, citoyens, laissez votre président présider, vous guider à vos pelles et râteaux, soyez, enfin, responsables ! CQFD.

                                                                       Ahmed Ould Cheikh

dimanche 26 octobre 2014

Editorial : Non-diplomatie

Deux ambassadeurs rappelés par ci, un chargé d’affaires sommé de rentrer, dare-dare, par là, deux comptables convoqués de toute urgence. La diplomatie mauritanienne a connu une semaine tourmentée. On savait certains de nos « diplomates » indélicats, « nantis » de relations « particulières » avec l’argent du contribuable, mais on n’aurait jamais pensé, en cette période de guerre contre la gabegie si chère à notre guide éclairé, qu’ils iraient jusqu’à faire main basse sur de telles importantes sommes, sans prendre la peine de respecter un semblant de procédure. Les frais de visas, le budget de fonctionnement, les bourses des étudiants, les salaires des employés, tout est passé dans les poches de ces voraces diplomates. L’Inspection générale d’État n’a eu besoin que d’un petit tour, pour se rendre compte de l’immensité du gâchis. A se demander si les auteurs de tels forfaits avaient un minimum de bon sens…
Au-delà du vol qualifié, passible de prison en droit commun et d’une ablation de la main droite, si l’on appliquait littéralement la Chari’a, se pose le problème, récurrent, de la qualification et des compétences de nos ambassadeurs. Certains, venus de nulle part, ne doivent leur promotion qu’à des liens de parenté, mariage ou autres relations privilégiées avec des généraux, voire seule volonté du big-chef. Pratiquement aucun n’a été choisi pour sa carrière dans la diplomatie, sa formation, son expérience. Presque tous parachutés. Nous ne récoltons, du coup, que ce que nos gouvernants ont semé. Des ambassadeurs ordinairement ronflants et, accessoirement, voleurs, pour ceux qui ont la main leste. Leurs budgets ont été pourtant tellement allégés que les représentations diplomatiques ont toutes les peines du monde à joindre les deux bouts. Aucune activité ne leur est désormais autorisée ou budgétisée. Leur quotidien : gérer le… quotidien, payer les salaires, les bourses des étudiants, s’il y en a ; le loyer, les factures d’eau, d’électricité et de téléphone, répondre aux invitations des collègues, accueillir les délégations et envoyer le comptable, de temps à autre, courir, à Nouakchott, entre le Budget, le Trésor et la Banque centrale, pour que le budgeton alloué à l’ambassade ne se perde pas dans les méandres des Finances.
Aucune ambassade n’a les moyens d’entreprendre la moindre action pour améliorer l’image du pays, le faire connaître, lui attirer d’éventuels investisseurs ou donateurs. Coquille vide, tout juste bonne à caser quelque privilégié. A-t-on voulu paraphraser Clemenceau, en supputant que la diplomatie est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des diplomates ? On y a, en tout cas, gagné une non-diplomatie. Un concept qui convient, probablement, à notre non-administration traditionnelle…
                                                                                 Ahmed Ould Cheikh


lundi 20 octobre 2014

Editorial: Porté disparu

Ould Abdel Aziz est finalement rentré jeudi dernier à Nouakchott. Après une dizaine de jours passés en villégiature (ou en consultation, selon les versions) dans la capitale française. Deux ans, jour pour jour, après la balle « amie » de Tweila, qui l’avait contraint à près de deux mois de soins, la santé de notre guide éclairé fait à nouveau parler d’elle. En l’absence de communiqué officiel sur les raisons de son séjour parisien, les rumeurs les plus folles ont commencé à circuler sur la toile : le Président serait hospitalisé dans un hôpital parisien, il aurait subi une opération chirurgicale, ferait une batterie d’analyses. Tout y est passé. La nature ayant horreur du vide et n’ayant pas été édifiée sur les vrais raisons de cette escapade parisienne (on aurait pu nous dire, tout bêtement, que le Président prenait quelques jours de vacances, comme tout être humain), l’opinion publique ne s’est pas privée d’enfourcher le cheval des on-dit. Surtout que notre raïs n’avait raté, en six ans d’exercice du pouvoir, qu’une seule fois la prière de la fête du Mouton. C’était contraint et forcé, lors de son hospitalisation à Paris, en 2012. Cette fois, ou il était réellement malade ou il nous prenait pour des nouilles. Comme le dit si bien Mohamed Ould Maouloud, le président de l’UFP, « il y a lieu de distinguer entre la personne et la charge de président de la République. Si l’une peut disparaître, sans avoir de comptes à rendre et sans que personne ne s’en soucie, l’autre est l’affaire de tous les Mauritaniens; ils ont le droit de savoir où est passé celui qui détient les clés de la maison Mauritanie. »
Dans une démocratie normale, le président doit jouer franc jeu et rendre compte de tous ses déplacements. Malade ou en vacances, il doit en informer l’opinion publique, cette res publicae qui l’a fait roi. Le nôtre en est certes loin, dans ses privilèges hexagonaux, même s’il se prétend président des pauvres mauritaniens qui s’apprêtent, eux, à de nouvelles froidures : l’hivernage n’a pas été vraiment bon, les prix du fer chutent, le poisson se vend mal. Des soucis en perspective, encore. Porté disparu dix jours, Ould Abdel Aziz nous ramène-t-il quelque bonne pilule, pour affronter les frimas ? On le lui espère car, d’absences en manquements, il pourrait bien finir par disparaître, un jour, pour de bon…
                                                                                       Ahmed Ould Cheikh


dimanche 12 octobre 2014

Editorial: Merci Claude!

Il nous a quittés ce vendredi 26 septembre. Comme il est venu. Sans faire de vagues, ni tambours ni trompettes. Il, c’est Claude Mohammed Noureddine Khelloua que nous connaissons tous sous son célèbre surnom : Claude K, le webmaster du portail CRIDEM. Une assez courte, mais assassine maladie l’a emporté. Mais qu’elle fut longue et vivifiante, son histoire d’amour avec la Mauritanie ! C’est pourtant probablement en France, en l’école des enfants de troupe du Mans, où il entre en 1966, qu’il commença à côtoyer notre pays, via plusieurs de ses condisciples, tels Ely Ould Mohammed Vall ou Moustapha Diop qui lui devient particulièrement proche. Encore des gamins, fils de sous-officiers ayant servi dans l’armée française, mais déjà des amitiés suffisamment fortes pour donner naissance, près de trente ans plus tard, au premier site mauritanien d’informations en ligne. C’est en effet en février 2004 que Claude, encore alors en France, se lance dans l’aventure, à l’appel de Moustapha Diop exilé suite aux dramatiques évènements de la décennie précédente.
L’engagement pour la défense des droits de l’Homme et la démocratie est profond, nourri par un sens aigu du débat. A cet égard, il n’aura eu de cesse de déplorer l’intolérance, la bassesse et l’injure, si souvent maîtresses du forum mauritanien. « La finalité du débat, n’est pas plus de s’aligner sur une opinion contraire à la sienne que de conclure à la traîtrise de l’adversaire », dira-t-il, « mais d’exposer, clairement, une position, et d’échanger des arguments. C’est ainsi que naît l’étincelle de l’intelligence… […] la franche opposition n’exclut pas le discernement ». De fait, si le soutien aux négro-africains est clair, le CRIDEM des débuts n’hésite pas à donner parole à leurs adversaires… Une indéracinable ligne éditoriale d’information plurielle qui va fonder le succès de l’entreprise.
Août 2005 : le coup d’Etat d’Ely Ould Mohammed Vall ouvre les portes physiques de la Mauritanie à ce débat tant espéré ; un an et demi, donc, après ses débuts virtuels. Que se dirent Ely et Claude, lors de leurs retrouvailles ? Le premier soutint-il discrètement le projet du second ? Qui lui rendit une relative monnaie de sa pièce, en soutenant, plus ou moins directement, la candidature de Sidioca ? Claude K. s’en est lui-même défendu (1). En tout cas et quoiqu’en ait pensé Ould Daddah, le CRIDEM n’en cessera pas, pour autant, d’offrir tribune à tous, sans exception, et ce n’est pas la moindre des justices que Jeune Afrique Economie plaçât bientôt Claude K. au rang des cent personnes les plus influentes du continent africain. D’autres iront se rhabiller, en dépit de leurs mégakilométriques déclarations démocrates. Ce n’est pas tout d’hurler au débat : encore faut-il l’organiser, quotidiennement, sans relâche.
Grâce à Dieu, c’est en musulman que Claude K. va se présenter au Grand règlement de comptes. Ce n’est une petite cerise sur le gâteau. C’en est le parfum même, le couronnement naturel d’une lutte consacrée à l’exaltation de la différence, d’abord au service de ce qui la transcende, avant d’entendre, enfin, la réalité de « Celui » qui la transcende ; en est la source, l’aboutissement. Probablement Claude Mohammed aura-t-il cœur à y répéter ce qu’il déclarait, il y a peu, à propos de la situation tendue au pays des hommes bleus (et, dessous, indifféremment blancs ou noirs) : « Mes vœux les plus chers sont de voir la Mauritanie sortir, enfin, de cette situation de méfiance, de stratification ethnique, tribale. Pour cela, il faudra réconcilier, naturellement, les Mauritaniens. Soigner urgemment les plaies du passé et du présent, avec intelligence, engagement sincère ». Oui, Mohammed Nouredine, la lutte continue ! On compte sur toi, pour nous insuffler, de là-haut, cette foi qui ne cessa de te conduire ! Et que Dieu t’en accorde la plus belle des récompenses, amine.
                                                                                                Ahmed Ould Cheikh


(1): Voir l’interview exclusive que lui consacrait « Le Calame » le 12/04/2007, in http://docteurkleib.blogspot.com/2007/04/qui-se-cache-derrière-cridem.html

dimanche 28 septembre 2014

Editorial: Corruption et courte-vue

Le gouvernement a adopté, la semaine dernière, lors de sa réunion habituelle du jeudi, une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Vaste programme, aurait dit de Gaulle. La corruption, ce mal qui nous gangrène, au même titre que la gabegie à laquelle notre guide bien aimé a déclaré une guerre sans merci, depuis son arrivée au pouvoir. Avec le résultat que l’on sait. Car, si le détournement des deniers n’est plus aussi systématique qu’avant, d’autres formes de gabegie, tout aussi dangereuses, ont fait leur apparition. Sinon comment appeler l’attribution de marchés de gré à gré, comme l’éclairage public de Nouakchott, ses routes ou son nettoyage ? Demandez, un peu autour de vous, à qui furent cédés ceux-ci et vous aurez une idée de cette gabegie new-look. Comment qualifier l’attribution de privilèges indus, agréments bancaires et autres domaines portuaires ? La cession de permis de recherche minière ? Les nominations de complaisance ? Les transferts de devises ? La liste est loin d’être exhaustive… Et qu’on n’essaie, surtout pas, de nous faire croire que la Mauritanie, depuis qu’elle a pris le chemin de la Rectification, est, désormais, débarrassée de ses gabegistes ! Malgré ses discours incendiaires, Ould Abdel Aziz en a, quand même, élevé quelques-uns et pas des moindres. Il ne suffit pas de dire que tout va bien, pour en convaincre ni, même, s’en convaincre soi-même. Sinon, comment expliquer la nécessité d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption ? Sera-t-elle réellement appliquée, tant aux civils qu’aux militaires ? Seront-ils soumis aux nouvelles règles, ces galonnés qui ne peuvent être contrôlés ni par l’Inspection générale d’Etat, encore moins par la Cour des comptes, malgré les milliards qu’ils brassent – 400 millions ont fini, par exemple, l’année passée et par on ne sait quel miracle, dans les poches d’un jeune homme apparemment chanceux ? Rien n’est moins sûr. Ould Abdel Aziz a fait, de la Grande Muette, une de ses chasses gardées, nantie de toutes les faveurs et dispensée de justifier le « peu » de moyens que l’Etat lui consent…
Comment parler de transparence, quand les marchés sont attribués avec autant de complaisance et autant de milliards dépensés, sans laisser de traces ? Transparency International ne s’y est pas trompée, en faisant dégringoler, chaque année un peu plus, notre pays dans son classement. Car à la roublardise astucieuse, si bien développée, en Mauritanie, des petites combines à court terme, bailleurs et institutions occidentaux opposent un regard, constant et appuyé, sur le long terme qui dévoile autant les courtes vues que la rentabilité réelle des investissements. Ce qu’on construit, en Mauritanie n’est destiné qu’à être détruit, au plus tôt. Et c’est, probablement, cette incapacité à bâtir dans le temps qui fait de si beaux jours à la gabegie et à la corruption… Et inversement.
                                                                                        Ahmed Ould Cheikh