lundi 26 décembre 2011

Editorial : Impénétrables voies

En Europe et aux Etats-Unis, les économies, du fait de la crise, sont, désormais, à bout de souffle. Les agences de notation n’arrêtent plus de dégrader les pays et l’avenir de l’euro semble, plus que jamais, compromis. Ces pays, riches qu’ils sont, ont, pourtant, de quoi résisterà la vague de récession qui les menace. Que dire, alors, des pays pauvres très endettés, comme la Mauritanie? Paradoxalement, le nôtre ne semble pas connaitre pas la crise, du moins… à son sommet. Notre président n’a-t-il pas transformé les avions de la compagnie Mauritania Airways en jets privés, pour sillonner le monde? Pas plus tard que la semaine passée, il a repris son bâton de pèlerin, pour assister à la fête d’anniversaire de la Tanzanie, un pays dont on n’a plus entendu parler, depuis Moktar Ould Daddah et Julius Nyéréré, et avec lequel nous n’entretenons aucune sorte de relation. A moins de vouloir se prendre la tête et aspirer à devenir un grand d’Afrique, à l’instar du défunt colonel libyen, il n’y avait aucune raison d’y aller. Notre guide éclairé a, ensuite, assisté à l’ouverture des jeux panarabes, à Doha. La ministre des Sports, qui ne croule pas sous le poids de la tâche, aurait largement suffi à remplir cette formalité. Puis il a rendu une visite officielle à l’Algérie, au risque de froisser le Maroc, à qui il doit, quand même, une fière chandelle. En plus de ces sauts de puce, qui coûtent, tout de même, fort cher au contribuable, Ould Abdel Aziz est parti, au cours de cette seule année 2011, trois fois en France, en Espagne, en Chine, au Cap Vert, en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Mali et en Gambie. Et dire que, parmi les reproches qu’il faisait à l’ancien président Sidi, l’excessive fréquence de ses voyages à l’étranger figurait en bonne place.
Mais que nous ont rapporté ceux de notre rectificateur de service? Quel grand projet sera financé par l’un ou l’autre de ces pays visités? Ont-ils donné plus de visibilité à notre pays et à sa diplomatie? Sauf celle de grever, encore un peu plus, le budget de l’Etat, on n’en voit pas encore les retombées. Certes, un régime en quête de reconnaissance a besoin de tisser un maximum de liens mais, de là à s’éparpiller à tout vent, en flirtant avec l’Iran pour chercher, ensuite, les bonnes grâces des pays du Golfe, ou en s’affichant, ostensiblement, avec l’Algérie, tout en ménageant le Maroc… Certes, il n’y a qu’un pas à accomplir mais toute bonne diplomatie hésiterait, longtemps, à le franchir. Evidemment, me dire-vous, il y a belle lurette que notre diplomatie n’est plus ce qu’elle était. Je vous accorde, hélas, cette objection. Tout comme pour nos diplomates, choisis, désormais, selon des critères sans aucun rapport avec la carrière, la compétence, l’expérience, ni, encore moins, le tact. Il suffit, juste, d’avoir des liens de parenté opportuns ou d’être boosté par un gradé. Les voies des généraux sont, tout comme d’autres, décidément impénétrables.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 7 décembre 2011

Editorial : Le long chemin de la réconciliation nationale

L’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA), certaines organisations des droits de l’Homme, des partis politiques et des membres de la diaspora ont organisé, le lundi 28 novembre, une visite hautement symbolique du lieu où, le 28 novembre 1990, vingt-huit militaires négro-mauritaniens furent pendus, haut-et-court, sans autre forme de procès, par leurs «frères d’armes». C’était à Inal, petite bourgade non loin de Nouadhibou, traversée par le train minéralier et dont le nom est devenu synonyme de barbarie, d’arbitraire et d’ignominie.
Parti de Nouakchott le 27 novembre, le convoi d’une trentaine de véhicules n’a pu rejoindre Inal qu’au bout de 24 heures de tracasseries en tous genres, de la part des gendarmes et des éléments du nouveau Groupement de la Sécurité des Routes (GSR) qui fait, ainsi, son baptême du feu, en matière de désagréments… routiers. Cartes d’identité, papiers des voitures, extincteurs, triangle de signalisation, tout a été demandé aux caravaniers dont les bagages ont été soumis à de minutieuses fouilles. Une façon de leur faire perdre du temps mais ils ont tenu bon et réussi à se recueillir sur les tombes des disparus, dans un moment d’intense émotion. C’est, en effet, la première fois que des parents des victimes parviennent à se rendre en ce lieu. Des veuves, des mères, des enfants qui n’ont pas connu leur père ont pleuré les leurs, fauchés par des mains assassines.
L’événement aurait été normal, la délégation se serait recueillie sur les tombes d’Inal, en toute simplicité et discrétion, et revenir de même, n’eût la bêtise des tracasseries sur la route. Comme si le pouvoir avait quelque chose à se reprocher, en cette affaire. Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas poursuivi le processus entamé sous Sidioca? N’a-t-il pas demandé pardon, à Kaédi, et accompli la prière aux morts? N’a-t-il pas versé des indemnisations aux familles des victimes? Pourquoi se mettre, alors, en position d’accusé? Serait-il si mal conseillé ou si mal entouré qu’il n’est plus capable de discernement?
Il aurait été plus judicieux d’envoyer, à Inal, des membres du gouvernement ou, à défaut, de hauts responsables, édifier une stèle, à la mémoire des disparus, comme on l’a fait pour les français assassinés, en 2007, à Aleg. Et en faire de même, pourquoi pas, partout où la bêtise humaine a sévi.
Le chemin de la réconciliation nationale est encore long. Accompli à pas de maure – deux pas en avant, un pas à trois en arrière, selon l’humeur du jour – c’est offrir, aux extrémistes de tous bords, le loisir d’exploiter malignement les impatiences. Enfourchons, plutôt, le fringant coursier de l’intégration, quotidienne, entre les différentes communautés, en primant le moindre acte de partage et réprimant les rétentions de pouvoir. Il en va de notre survie. Nous n’avons que trop souffert des menées racistes et oligarchiques. Notre jeunesse, largement majoritaire en notre pays, est, de plus en plus, au fait de ce que signifie la démocratie. N’attendons pas qu’elle nous l’enseigne dans les clameurs contestataires, vivons-la. Paisiblement. En révisant, pratiquement, quotidiennement, la répartition de nos richesses, de nos savoirs et des pouvoirs. Qu’enfin chacun puisse constater que, oui, la Mauritanie devient une nation musulmane. Juste, honorable et fraternelle.

Ahmed Ould Cheikh