samedi 28 octobre 2023

Editorial: Servir tant que l'on peut

L’information circule depuis quelques mois déjà. Treize généraux et une vingtaine de colonels s’apprêtent à mettre leurs rangers au placard après avoir crapahuté durant de longues années. Pour certains, en tout cas. Si la nouvelle est favorablement accueillie par une partie de l’opinion publique, qui voit dans la Grande Muette une des sources du malheur de notre pays, elle n’en est pas moins lourde de significations. Renvoyer tout ce monde d’un seul coup n’est peut-être pas sans risque pour une armée, dans le contexte régional actuel extrêmement instable. Avec les dangers qui nous guettent d’un peu partout. Non pas qu’il s’agisse ici de plaidoyer pour quiconque mais le fait est là. Au moment où les généraux au Maroc et en Algérie ne partent à la retraite que très tard–leur pays respectif ont grandement besoin de leur expérience et de leur compétence – on renvoie les nôtres dès la limite d’âge atteinte. Le général Hosni Ben Slimane dirigea la gendarmerie royale plus de quarante ans durant. Il en fit un corps d’élite et ne partit à la retraite qu’à plus de quatre-vingt ans. Certes il ne manque pas, parmi nos généraux, de promus par complaisance, népotisme et favoritisme flagrant, au détriment de beaucoup plus compétents qui pouvaient légitimement prétendre au grade. Mais certains méritent amplement leur titre. Les mettre à la retraite à un âge aussi précoce, c’est se priver d’officiers de valeur pouvant servir leur pays pendant une décennie au moins. Au Sénégal voisin, des généraux sont souvent rappelés pour occuper des hautes fonctions. Un exemple à suivre ? La question suggère une autre vision de l’utilité de chacun au service de la communauté. Et certes : si l’âge de la retraite nous autorise à mettre fin à cette mission – peut même nous y obliger si des compétences au moins égales aux nôtres se pressent à la succession – l’intérêt supérieur de la collectivité n’en devrait pas moins toujours pouvoir commander nos choix. Ahmed ould Cheikh

samedi 21 octobre 2023

Editorial: Visites-éclair en guise de coutures ?

Il y a quelques semaines, le président de la République effectuait de fulgurantes visites-éclair à l’hôpital national, au centre neuropsychiatrique et au centre national de cardiologie. Cela ne lui aura sans doute pas permis de se rendre compte de l’état de déliquescence où se noie le secteur de la santé, les visites- surprises des présidents n’étant pas si inopinées que ça. Celles-là ont en tout cas fait une première victime : le directeur de l’hôpital national, limogé dans la foulée pour n’avoir réussi à gérer une structure hospitalière dont les services se sont sérieusement dégradés, du moins si l’on en croit les patients condamnés à en user. Un coup d’épée dans l’eau quand on sait combien tous les hôpitaux et centres de santé souffrent des mêmes maux, s’ils ne sont pas déjà à l’agonie : absentéisme et manque d’engagement du corps médical, faible capacité d’accueil, absence du minimum syndical même pour les soins primaires, favoritisme, népotisme et gabegie. Il serait certes injuste de mettre tout le monde dans le même panier. Des responsables d’hôpitaux se battent avec les moyens du bord pour s’organiser et offrir des services relativement corrects aux patients. Mais c’est l’exception, alors que cela devrait être la norme. Et que dire des médicaments, cette jungle où règne le désordre total ? Ouvert aux quatre vents, notre pays en reçoit de partout. En son temps, Nedhirou avait essayé d’y mettre un peu d’ordre mais la situation a sérieusement empiré depuis son départ. Tout un chacun uniquement à tirer son épingle du jeu, comme s’il n’y avait plus que le jour après jour à vivre, c’est tout le tissu d’une société mal cousue qui s’effiloche. Et ce n’est certainement pas à coups d’ouvertures ou de fermetures-éclair qu’on en rétablira la trame… Ahmed ould Cheikh

samedi 14 octobre 2023

Editorial: Tour de passe-passe

Qui se souvient encore d’Arise Mauritanie, cette société fondée en vingt-quatre heures par deux indiens décidément chanceux et avec lesquels pas moins de cinq ministres signèrent, en un temps record, une convention pour la construction d’un quai à conteneurs au port de Nouakchott ? Sur ordre bien évidemment d’Ould Abdel Aziz, quelques mois avant son départ du pouvoir en 2019. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Tout le monde y vit – à juste titre d’ailleurs – un montage grossier réalisé pour des motifs inavouables au profit de la parentèle de l’ex-Président. Le dossier avait même été inclus dans l’agenda de la commission d’enquête parlementaire avant qu’il n’en soit retiré. Sans explications. Sentant le vent tourner, les deux tristement célèbres frères Gupta, décidaient d’impliquer le groupe français Meridiam, en lui cédant la majeure partie du capital de la société. La France entrait alors en jeu et Macron de jouer, auprès de Ghazwani, le VRP de cette entreprise qui pouvait désormais dormir sur ses deux oreilles. Jusqu’à quand ? Il va bien falloir que cette affaire dévoile, un jour ou l’autre, ses secrets. Après le coup d’État au Gabon, l’opinion publique et la Société civile n’ont cessé de dénoncer les accointances entre le groupe Arise IIP et l’ancien pouvoir. Et le nouveau n’aura d’autre choix que de jouer carte sur table. À quand notre tour ? Il faudra bien qu’on nous dise un jour ou l’autre par quel tour de passe-passe le miracle Arise a eu lieu et comment cette énorme casserole a pu échapper aux mailles du filet de la commission parlementaire… Ahmed ould Cheikh (1) : voir notamment : www.humanite.fr/monde/tchad/enquete-sur-arise-iip-la-firme-qui-depouille-les-paysans-africains-789407

samedi 7 octobre 2023

Editorial: Irresponsabilité individuelle et collective

Y-a-il dans ce pays une direction du contrôle des produits alimentaires ? Un service d’hygiène ? Un département pour l’inspection sanitaire des aliments ? La réponse peut paraître surprenante : tous ses services existent mais… ne sont que des coquilles vides. Aucun contrôle ni inspection, encore moins descente sur le terrain pour constater par eux-mêmes les dangers que font courir quotidiennement aux populations des commerçants ne reculant devant rien pour tirer un maximum de profits. Voyez par exemple l’éloquente vidéo qui circule sur le Net depuis quelques jours à propos de la consommation de la menthe. On voit celle-ci quotidiennement arrosée, dans les jardins de Toujounine où elle est cultivée, d’une eau totalement insalubre. Puis le reportage nous conduit au marché où des pesticides et des produits chimiques hautement toxiques sont exposés aux étals et vendus au premier venu. Des produits banalement utilisés dans ces mêmes jardins pour lutter contre les insectes. Imaginez donc le cocktail que vous ingurgitez tous les jours en sirotant votre verre de thé… De plus en plus de médecins s’inquiètent de la multiplication exponentielle des cancers dans le pays. L’explication est peut-être ici. Elle est sans doute aussi dans l’importation anarchique d’aliments débarqués de tous les coins du Monde sans le moindre contrôle. Des produits périmés, impropres à la consommation ailleurs, d’autres congelés depuis belle lurette. Et l’État dans tout ça ? Occupés qu’ils sont à traire la vache à lait que celui-ci leur paraît, ses prétendus serviteurs sont à mille milles d’imaginer combien leur incurie pèse sur la vie de tous… y compris la leur et celle de leurs enfants. Ahmed ould Cheikh