C’est avec très peu d’engouement que les
Mauritaniens se sont dirigés, samedi dernier 23 Novembre, vers les bureaux de
vote. Sur le million deux cent mille inscrits, à peine 60% – un chiffre avancé
par l’agence officielle d’information, sans préciser sa provenance, que les
observateurs trouvent un peu excessif – sont allés accomplir leur devoir
civique. Autrement dit, un mauritanien en âge de voter sur trois ne s’est pas
inscrit sur les listes électorales ou ne s’est pas déplacé. Pour expliquer
cette désaffectation, plusieurs hypothèses. En un, le désamour, de plus en plus
en grand, qu’éprouvent nos concitoyens envers la politique, désormais assimilée
à une comédie où les jeux sont faits d’avance. Jamais, en effet, depuis 1991 et
l’avènement d’une démocratie généreusement octroyée par nos vaillants
militaires, la volonté populaire n’a été respectée. On décrète, on chante, on
danse, on vote, on dépouille et l’on
tripatouille, à tous les coups au profit du candidat du système, celui qui
tient le pays, mute, au gré des saisons, et entre en résistance, sitôt que la
moindre lueur de changement pointe à l’horizon, comme en 2007.
En deux, le boycott de l’opposition qui, quoi qu’on
dise, a pesé d’un poids non négligeable, surtout à Nouakchott où seulement deux
cent mille électeurs se sont inscrits sur les listes. Généralement acquise à
l’opposition, même au temps de l’omnipotent PRDS, la capitale où, contrairement
au pays profond, le degré d’éveil est important, ne s’est pas départie de son
scepticisme, vis-à-vis d’un scrutin taillé sur mesure par le pouvoir. Qui a
pris le plus grand soin d’en exclure l’opposition, pour éviter toute mauvaise
surprise, à quelques mois de la présidentielle. Les longues files d’attente,
observées devant certains bureaux, n’auguraient pas d’une bonne participation
mais d’une lenteur excessive lors du vote. Chaque électeur devait prendre
quatre bulletins et chercher, dans un dédale de signes et de logos, la (ou les)
liste(s) pour lesquelles il allait voter.
En trois, le discrédit qui frappe le Parlement et
qui ne date pas d’aujourd’hui. Le Sénat a toujours été perçu comme une coquille
aussi vide qu’inutile et l’Assemblée, une simple chambre d’enregistrement où le
pouvoir dispose, systématiquement, d’une majorité automatique. On aurait pu y entendre
une mouche voler, n’eussent été les quelques élus de l’opposition qui y
élevèrent la voix. Ceux-ci donnaient l’impression de prêcher dans le désert,
tant leurs collègues de la majorité restaient sourds, devant de telles
éclatantes manifestations de la vérité. Ce pourquoi ils ont été cooptés.
L’Assemblée de novembre 2013 ne dérogera,
probablement pas, à la règle. Les premières tendances donnent une large
victoire du PRDS – euh… pardon, de l’UPR – qui ne laissera que des miettes aux
autres partis qui ont accepté de se jeter dans la gueule du loup. Et même pour
le deuxième tour qui se profile dans certaines localités, elle est en train de
mettre les bouchées doubles, pour attirer les « grands » électeurs
mécontents. Une boulimie insatiable, qui risque de la perdre, comme elle a
perdu son aîné. Comment dit-on « avoir les yeux plus gros que le ventre »,
en nos langues nationales ? Certes, l’appétit vient en mangeant. Mais
l’obésité aussi et ce n’est pas des plus confortables…
Ahmed Ould Cheikh