Nous l’avons connu
beaucoup plus discret. Situant ses activités politiques dans le cadre de
l’Union européenne, l’ambassadeur de France ne recevait les chefs de partis qu’en
même temps que ses homologues de l’espace Schengen, se gardant, ainsi, de
donner l’impression d’évoluer en solo. Dans un pays où bien des esprits sont
encore colonisés, persuadés que rien de viable ne peut se faire sans l’aval de
la France, les faits, gestes, audiences et déclarations du
« résident » français sont suivis avec la plus grande attention.
Ould Abdel Aziz le
comprit, d’ailleurs, fort intelligemment, lors de son forfait de 2008, en
s’orientant illico vers la France qui ne se fit guère prier pour lui ouvrir un
maximum de portes. Tout le monde a encore en mémoire l’attitude, à la limite
provocatrice, des ambassadeurs de France, d’Allemagne et d’Espagne mettant en
avant la question sécuritaire pour faire avaler, par leur opinion publique
respective, le coup de force d’Ould Abdel Aziz. Contre un président
démocratiquement élu.
Donnant, donnant et
notre vaillant général n’a pas trahi ceux qui l’avaient coopté. L’immigration
clandestine à partir de nos côtes s’est tarie, comme par miracle, tandis que
nos frontières, jusqu’alors poreuses, pour ne pas dire vaporeuses, sont
devenues hermétiques aux combattants d’AQMI et autres salafistes. Notre
généralissime s’est même offert le luxe d’aller jouer au gendarme au Mali. Une
expérience qu’il n’est, cependant, pas près de renouveler.
Bref, la lune de
miel ne s’est plus démentie. Hollande, le socialiste, qu’on pensait moins
réceptif aux idées et produits d’une Françafrique que Sarkozy avait grandement
contribué à faire renaître de ses cendres, n’a pas dévié, d’un pouce, de la
voie suivie par son prédécesseur. Tracée, vraisemblablement, par
d’autres : lorsque les intérêts de la France sont en jeu, la gestion de
certains rapports échoit, banalement, à des services plus discrets que l’Elysée
ou le Quai d’Orsay…
La France sait aussi
être bonne conseillère, quand ses amis sont en difficulté, chez eux ou à
l’extérieur. C’est ce qui explique, peut-être, le subit regain d’activités de
son Excellence, ces temps-ci. Il a déjà rencontré Biram, Jemil Mansour, Ould
Maouloud et Ould Daddah, ne parlant certainement pas que de la pluie et du beau
temps. Ces audiences seront probablement suivies, si ce n’est déjà fait, d’un
entretien avec Ould Abdel Aziz. L’ambassadeur cherche-t-il à rapprocher les
points de vue, obtenir un consensus pour des élections apaisées, un nouvel
agenda ? On n’en sait pas grand-chose, pour le moment, sinon qu’en ces contrées
lointaines, l’ambassadeur de France ne court jamais pour rien. Saura-t-il
persuader les parties, au point d’amener le pouvoir, à tout remettre en cause,
et l’opposition, à participer à un processus d’où elle était à mille
lieues ? Dans l’affirmative, le prestige de la France en sera, incontestablement,
rehaussé. Dans le cas contraire, elle aura, au moins, donné l’impression de ne
pas être restée les bras croisés, face à la crise politique. Une impression,
rien de plus, comme une politesse de façade : tout le monde sait très bien
que le pouvoir mauritanien plierait vite, si l’ex-puissance coloniale faisait
réellement pression sur lui. Même après plus de cinquante ans de décolonisation
officielle, la France reste la France, en Mauritanie comme en bien d’autres
pays d’Afrique…
Ahmed Ould Cheikh
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