lundi 25 novembre 2013

Editorial: On aura tout vu

Voila douze jours que la campagne électorale pour les élections législatives et municipales du 23 novembre prochain est lancée. Douze jours de bruits, de défilés motorisés et de meetings. Aucun programme politique ni débat d’idées, encore moins confrontation entre les candidats. Comme s’il ne s’agissait que d’un tintamarre destiné à couvrir l’incurie des partis et de leurs candidats. On a, certes, parlé. Parfois même, un peu trop. De mécontentements, de nomadisme (pas celui des élus, désormais prohibé par la loi) mais celui des politiques qui s’accrochent, comme ils peuvent, de partis fondés à partir de rien, d’autres volatisés en fumée, de ralliements – une manifestation courante de la politique du ventre que les Mauritaniens pratiquent à la perfection et qui trouve ses lettres de noblesse au cours des campagnes électorales. Même si l’enjeu de celle-ci diminue fortement l’impact et, donc, l’utilité de ces girouettes. Pour attirer un électeur de plus en plus insaisissable, les partis n’hésitent plus à utiliser les plus faux et saugrenus slogans. « Votez pour les ambassadeurs du Prophète Mohamed, PSL », écrit l’un d’eux. « Pour la liste des oulémas » (docteurs en théologie), affiche un autre. Un parti est même allé jusqu’à demander, aux électeurs, de choisir son candidat, « prix Nobel de physique en 2004 ». Du n’importe quoi ! Comment pourrait-il en être autrement, quand on sait qu’une fois exclus les trois partis de l’opposition dite dialoguiste, tous les autres se réclament du président de la République ? Et exagèrent dans la mise en relief de ses photos, dans les tentes, les affiches et sur les voitures. La CENi avait pourtant mis en garde contre l’utilisation des symboles de l’Etat, dont son chef, dans le but d’attirer ou d’intimider les électeurs. Mais personne n’en a cure, apparemment. Comme si de rien n’était. La course vers les bonnes grâces de notre guide éclairé continue de plus belle. On se réclame de lui à l’UPR, ce qui est, somme toute, normal, mais aussi dans les partis satellites qui ont reçu des fournées de mécontents qui refusent de couper les ponts et veulent rester dans le giron de la majorité présidentielle. Un air de déjà vu, avec le PRDS et autres UDP ou RDU. L’argent en moins. Le nerf de la guerre est, de fait, le grand absent de cette campagne, justifiant amplement sa morosité. Voilà pourquoi le pouvoir s’est retrouvé dans l’obligation de venir à la rescousse des partis en campagne. Une première, en démocratie. Chaque parti recevra un pécule calculé selon le nombre de listes candidates qu’il a déposées. Une corruption qui ne dit pas son nom. On peut comprendre que les formations politiques soient financées en fonction de leurs résultats mais qu’on dilapide ainsi l’argent public est injustifiable. On aura tout vu, dans cette Mauritanie nouvelle. Un président qui encourage ses soutiens à aller vers d’autres partis que le sien. Un commerçant qui rachète un parti et vers lesquels on afflue, parce qu’il bénéficie de liens de parenté opportuns. Des candidats qui jettent leur dévolu sur des partis dont ils n’ont jamais entendu parler. Et enfin des parachutes, pas si dorés que ça, pour des parachutés qui risquent de se ramasser. La Mauritanie nouvelle, vous dis-je.
                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

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