samedi 28 mai 2022

Editorial: Responsabilité

 Les rapports administratifs, les procès-verbaux de réunions ou tout autre document, qu’il soit estampillé confidentiel ou non, doivent être traités avec la plus grande prudence et le maximum de discrétion. A moins qu’il ne soit explicitement précisé qu’ils sont destinés à la diffusion. La fuite, la semaine dernière sur les réseaux sociaux, d’un rapport du ministère de l’Intérieur, sur « la carte politique nationale » bafoue cette règle élémentaire de réserve professionnelle. Destiné à l’usage interne, il n’aurait jamais dû se retrouver sur la place publique. D’où une multitude de questions : qui a intérêt à discréditer le ministère de l’Intérieur et le premier flic du pays dont celui-ci vient d’hériter du poste ? Comment le responsable de cette fuite peut-il être à ce point irresponsable ? Au-delà des contrevérités qu’il contient et qui ont été pointées du doigt par les observateurs, le rapport est tout, sauf objectif. S’il a rendu à César, en certaines moughataas du Trarza par exemple, ce qui lui appartient, il a, en d’autres, tout simplement cafouillé pour des raisons que seuls ce qui l’ont établi connaissent.

Les rapports sont ce qu’ils sont : relatifs au regard et à la compétence de ceux qui les dressent. À l’instar de toutes les administrations de la planète, la nôtre détient dans ses tiroirs des documents de toutes sortes, à contenu variablement discutable, mais qui, justes ou injustes, pourraient en tout cas engendrer des guerres civiles… s’ils étaient inconsidérément publiés. Grâce à Dieu, il existe des hommes et des femmes vraiment responsables et respectueux du secret professionnel pour qu’on ne compte guère, sinon pas du tout fort heureusement, de guerres civiles dont l’origine serait attribuable à une fuite de cette ampleur… C’est donc à ceux-là que devrait être toujours confié le classement des documents en fonction de leur éventuelle nuisance.

                                                      Ahmed ould Cheikh

samedi 21 mai 2022

Editorial: Réseaux asociaux

 Depuis quelques jours, un audio s’attaquant violemment à la communauté halpulaar circule sur le Web. Il n’est malheureusement pas le premier et ne sera sans doute pas le dernier. « Les réseaux sociaux », disait Umberto Eco, « ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui ne parlaient, avant, qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel ». Dégoulinant de mauvaise foi et truffé de contre-vérités historiques, ce vocal, dont l’auteur a été arrêté et devra répondre de ses actes, n’a d’autre objectif que de nuire et provoquer à dessein des réactions en cascade. D’où une multitude de questions : qui a intérêt à jeter de l’huile sur le feu ? Qui gagnerait à dresser une communauté contre une autre ? Certes les extrémistes, ces imbéciles dont parle Eco, sont légion mais c’est à la loi de les faire taire. La paix sociale a déjà été tant mise à rude épreuve par le passé qu’il serait dangereux de s’aventurer sur ce terrain miné. Il suffit parfois d’une étincelle pour provoquer un brasier. Nous n’en sommes heureusement pas là, même si les nerfs, devant les injustices et les frustrations accumulées, sont parfois à vif. La paix sociale, pour paraphraser Clémenceau, est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux extrémistes de tous bords. C’est à l’État de prendre ses responsabilités, sévir contre ce genre de pratiques et, surtout, veiller à ce que les bases d’une justice sociale soient définitivement ancrées pour que plus personne ne se sente étranger dans son propre pays.

                                                                   Ahmed ould Cheikh

dimanche 15 mai 2022

EDitorial: Têtu comme un mauritanien

 Lorsqu’il aperçut sur un trottoir un homme tenant une pancarte déclarant :« Mort aux cons ! » « Vaste programme ! », lança tout de go le général de Gaulle qui avait le sens de la répartie. Notre président fera-t-il sienne cette réplique devenue célèbre, lorsqu’on lui dira : « Sus aux prédateurs ! » ? Il n’en est en tout cas pas loin puisque, malgré ses efforts répétés, le licenciement de ministres, directeurs et autres chefs de projet ayant eu maille à partir avec l’argent public, il n’arrive toujours pas à débarrasser le pays d’un mal qui le ronge jusqu’aux racines. C’est à se demander si la prévarication est à ce point entrée dans nos mœurs qu’il en devient impossible de l’extraire. Il ne se passe en effet pas un jour sans qu’un scandale lié à un marché de gré à gré, détournement de deniers publics ou mauvaise gestion caractérisée n’éclate au grand jour. La norme en quelque sorte alors que des cas de ce genre ne devraient être que l’exception d’un pays pauvre disposant de peu de ressources dans un océan de besoins. Certes, l’Inspection générale de l’État a fait des efforts louables au cours des derniers mois, sur injonction du président himself mais la tâche reste encore ardue. Tant que des procès publics ne seront pas organisés pour ces aigrefins, avec, à la clé, des sanctions exemplaires et l’inscription de leur nom au fronton de la honte, on ne sortira pas de l’auberge. Quand le pli est pris, c’est toute une histoire pour l’effacer. C’est vrai partout mais ça l’est particulièrement chez nous où l’avidité effrénée à s’enrichir par tous les moyens en dispute à un entêtement au moins aussi ancré que chez les bretons…

                                                                       Ahmed ould Cheikh

vendredi 6 mai 2022

Editorial: De la suite dans les idées



Le dialogue national (ou les concertations, selon le camp où l’on se situe) a enfin démarré la semaine dernière. Plus d’un an après l’accord de principe entre les partenaires politiques sur la nécessité de s’asseoir autour d’une table pour discuter des problèmes du pays, les voilà enfin réunis. Après la désignation par le président de la République de la personnalité chargée de le diriger (en l’occurrence Yahya ould El Waghf, le tout nouveau ministre secrétaire général de la Présidence), les choses sérieuses peuvent commencer. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Alors qu’on pensait le terrain aplani, des difficultés surgissent d’un peu partout. Messaoud boude et Biram, arrivé deuxième lors de la dernière présidentielle, se prévaut du titre de leader de l’opposition, en lieu et place de Tawassoul. Sans compter les sautes d’humeur des uns et des autres. Il faut tout le talent de négociateur d’Ould Waghf pour que tout ça ne finisse pas en eau de boudin. Pourtant le pays ne peut plus se permettre de tels enfantillages. Les problèmes sont là, cruciaux, nombreux et il faut les affronter. Il faut savoir dépasser les divergences lorsque les intérêts vitaux du pays sont en jeu. Il y a quelques années, au plus fort de la crise entre le pouvoir et l’opposition, maître Abdoulaye Wade n’avait pas hésité à répondre à l’appel d’Abdou Diouf en se joignant à l’équipe gouvernementale. Le Sénégal vacillait à l’époque et la crise pouvait le plonger dans des lendemains incertains. Wade en tirera le plus grand profit politique. Il rejoindra l’opposition lorsque les choses rentrèrent dans l’ordre puis gagnera la présidentielle suivante. C’est ce qu’on appelle communément avoir de la suite dans les idées. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de tout le monde…

 

                                                                         Ahmed ould Cheik