vendredi 28 janvier 2022

Editorial: Gâchette facile, junte en péril…

Qu’il soit le fait de l’armée régulière ou de n’importe quel groupe armé, le meurtre de sang-froid de sept mauritaniens innocents au Mali est un crime odieux qui ne peut rester impuni. Certes le lieu où ils ont été assassinés et enterrés dans une fosse commune est une zone de non-droit mais l’armée malienne y est quand même présente, si l’on en croit divers témoignages provenant de la région. C’est pourquoi les militaires ont été les premiers indexés, tant ils sont réputés avoir la gâchette facile lorsqu’il s’agit de civils désarmés. Avec les djihadistes, c’est une autre paire de manches. En 2012 déjà, douze mauritaniens membres d’une organisation de prêche furent mitraillés par une patrouille de ladite armée, alors qu’ils se rendaient à Bamako assister à un colloque.  Le Mali avait alors promis de mener une enquête impartiale pour déterminer les responsabilités et punir les coupables. À ce jour, on attend encore ses conclusions. 

Aujourd’hui, le Mali nous sert la même rengaine mais assortie de larmes de crocodile. Avec cependant une obligation majeure : sachant pertinemment qu’ils ont plus que jamais besoin de la Mauritanie, étouffés qu’ils sont par l’embargo imposé par la CEDEAO, les nouveaux maîtres de Bamako ont tout intérêt à sévir contre de tels agissements et éviter qu’ils ne se reproduisent à l’avenir. Car la Mauritanie ne peut plus permettre que ses citoyens soient pris impunément pour cible. Et face à un voisin incapable de maîtriser ses troupes, elle n’aura d’autre choix que de fermer sa frontière. Ce qui sonnera le glas d’une junte dont le sort ne tient qu’à un fil – la si bien nommée, en cette occurrence, Route de l’Espoir… – détenu par Nouakchott. Une menace suffisante pour s’obliger à un minimum d’ordre ?

                                                      Ahmed oud Cheikh

samedi 22 janvier 2022

Editorial: Qui fait la loi?

 Devant la flambée sans précédent que connaissent, depuis quelques mois déjà,  les prix des produits de première nécessité, rendant la vie du pauvre citoyen de plus en précaire, le ministère du Commerce a publié, la semaine dernière, la liste des prix que doivent « obligatoirement » appliquer les commerçants. S’ils ne veulent pas subir les foudres de la loi. L’initiative est certes louable mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Qu’ils soient importateurs, grossistes ou détaillants, les commerçants ont toujours fait fi de la loi qui ne leur a jamais été appliquée dans toute sa rigueur. On en amende un ou deux, on ferme une ou deux boutiques pendant quelques jours… et le manège reprend. Le problème dans ce pays a toujours été celui du suivi. Les décisions ne durent que le temps… d’une fleur. Au grand bonheur de ces rentiers  dont la spéculation est devenue le sport favori.  Forts de l’impunité, ils continuent à dicter leur loi.

Habitué à avaler des couleuvres, le citoyen proteste du bout des lèvres. Et, fataliste qu’il est, paie au plus fort… s’il en a les moyens. Mais, me direz-vous, l’État, il fait quoi, dans tout ça ? Contrairement à celui du Sénégal voisin qui a sensiblement diminué les taxes sur les produits alimentaires importés, le nôtre s’est contenté d’ouvrir… quelques boutiques-témoins. Témoins de quoi ? De l’océan des besoins, criants, et de la goutte d’eau qu’elles y apportent ? Sinon de l’inconsistance d’une loi « républicaine » incapable de s’imposer aux forces d’argent ? Serait-ce, tout simplement, tout cruellement,  que ce sont celles-ci qui font celle-là ?

                                       Ahmed ould Cheikh

samedi 15 janvier 2022

Editorial: Où en est-on?

Où en est-on, en Mauritanie, pour que le ministère de l’Intérieur se sente obligé de mettre en garde les citoyens par la publication du document suivant ? « Ces derniers jours, des enregistrements et des tweets se sont répandus sur les réseaux sociaux, dans lesquels prévalent le langage de la haine et des expressions frisant l’obscénité et incitant à la violence, qui vont au-delà des insultes contre des symboles de l’État, portent atteinte à leur dignité et menacent de recourir aux armes, d’attiser la discorde de corrompre la paix civile.

Ces appels contredisent les principes sur lesquels l’État mauritanien est fondé, à savoir la consolidation de l’unité nationale, le renforcement de la paix civile, l’appel à la fraternité et à la tolérance, et le rejet d’un fanatisme et d’un sectarisme odieux. Les lois en vigueur interdisent tous les appels à caractère tribal, racial ou visant l’agitation et le désordre. Aussi le contrevenant en la matière doit-il assumer entièrement les conséquences de ses agissements.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’État de Droit impose à tous – institutions et individus, sans exception – le respect des dispositions de la loi, (loin toutefois de tout arbitraire ou discrimination).C’est ainsi et ainsi seulement que l’on peut susciter et préserver la confiance des citoyens dans les politiques publiques, dont le succès ne peut être obtenu sans cette confiance.

Au moment où le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation affirme son attachement et son adhésion au rôle important de la liberté d’expression dans le développement et l’accélération du rythme de la démocratie et du développement, il déclare que cette adhésion reste néanmoins tributaire du respect scrupuleux de la loi. À défaut, la liberté devient un facteur de démolition, plutôt qu’un instrument de construction. Partant de ce qui précède, le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation appelle à s’en tenir aux préceptes de la loi et des bonnes mœurs, soulignant que les autorités concernées appliqueront fermement la loi et uniquement la loi, et sanctionneront avec rigueur tous ceux qui dépasseront les lignes rouges dans leurs appels subversifs. Toute personne, si elle agit en irresponsable, n’est à l’abri de voir la justice sévir contre elle dans un État où seule la loi prévaut. »

Où en est-on, disais-je en exergue ? Chacun de nous, dans nos relations de voisinage, nos relations d’affaires, quotidiennes, intercommunautaires… Serait-ce qu’on ait oublié ce qui nous fait musulmans, serait-ce qu’à force de préférer se comporter en autruches, on ait la tête à ce point ensablée qu’on ne perçoive plus l’évidence qui fonde une société équitable : bien avant que n’ait à  sévir la justice de l’État, c’est à notre propre justice personnelle d’agir, douce, aimante, respectueuse, tout simplement humaine. Envers nous-mêmes bien sûr, mais aussi et surtout envers tous ceux qui forment notre Nation mauritanienne, aussi différents nous paraissent-ils. Sans relâche, à chaque fois que Dieu nous en donne l’occasion.

                                                                        Ahmed ould Cheikh

dimanche 9 janvier 2022

Editorial: Vœux pieux?

 Une année s’achève, une autre commence. L’occasion d’exprimer des vœux, comme il est de coutume. Qui, nous l’espérons, ne resteront pas pieux. Nous nous sommes  souhaités une bonne année mais qu’avons-nous espéré pour notre pays ? Il en a pourtant bien besoin, de nos souhaits et de nos prières.

Prions donc pour que notre école redevienne ce qu’elle fut avant l’introduction des réformes de malheur ; prions pour que notre système de santé soit enfin capable de nous prodiguer des soins de qualité sans avoir besoin de s’exiler pour le moindre petit souci ; prions pour que notre Justice  rende justice équitable ; que nos infrastructures soient enfin aux normes ; que nos responsables soient choisis  sur des critères de compétence et d’honnêteté et non sur des bases tribalo-régionales ; que le recyclage des gabegistes s’arrête une fois pour toutes ; que tous les dossiers qui entravent notre vivre ensemble soient vidés, dans un esprit d’apaisement et de consensus ; que notre opposition retrouve sa fonction première ; que le dossier dit de la décennie soit enfin jugé et nos biens spoliés recouverts ; que l’espoir que nous avons perdu et que nous commençons à peine à reprendre ne soit pas déçu.

La liste pourrait s’étendre à l’infini. Nous avons besoin de presque tout… au moment où nous avons tout. Qu’est-ce qui nous fait donc défaut, alors ? Le choix des hommes. Celui des priorités. Et surtout s’y tenir, tenaces, persévérants. Au moment où nos voisins accomplissent des pas de géant vers le progrès économique, nous allons dans le plus grand désordre, tiraillés entre notre attachement au passé et nos désirs de consommation immédiate… Mais ce ne sont plus de simples tentes qu’il s’agit de dresser à la hâte : il faut bâtir posément des maisons, des immeubles, des édifices conçus pour durer et qu’il faut entretenir, jour à jour…

                                                                      Ahmed Ould Cheikh