dimanche 27 décembre 2020

Editorial: Vénéneuse anguille

 Mais qu’attend donc le dossier de la corruption pour être transmis à la justice ? Plus de trois mois après transité, en provenance de la CEP, par le bureau du procureur de Nouakchott-Ouest, il reste coincé à la police chargée des crimes économiques et financiers. L’enquête s’est avérée longue et palpitante, tenant en haleine une opinion publique incrédule devant l’inimaginable gâchis mis à jour, mais les auditions ne sont-elles pas achevées ? La rédaction du rapport poserait-elle problème(s) ? Aurait-on assigné à ladite police de mettre la pédale douce ? Qui ? En attendant quoi ? Après avoir interrogé plusieurs fois l’ancien Président, ses ex-Premiers ministres, divers ministres qui travaillèrent sous ses ordres, plusieurs hauts responsables et autres hommes d’affaires ; mis la main sur des documents aussi accablants les uns que les autres, il ne restait plus qu’à renvoyer le bébé au procureur avec l’eau du bain. Et c’est là que le bât blesse.

Le dossier finira-t-il par être enterré ? Pourquoi tout ce temps perdu ? Les responsabilités n’ont-elles pas encore été situées clairement ? A-t-on peur d’ouvrir une boîte de Pandore qui risque fort d’emporter plus de monde qu’on ne peut l’imaginer ? Ces questions taraudent l’opinion qui voit, en ces atermoiements, une sinon plusieurs, anguille(s) sous roche. « L’imagination est la folle du  logis », disait Nicolas de Malebranche, et la laisser se nourrir de la pire de ces anguilles – l’implication du pouvoir actuel, non seulement dans la rétention du dossier mais aussi dans son fond – n’augure rien de bon pour notre république…

                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

Editorial: Au jour le jour

 La deuxième vague de Coronavirus est là et bien là. Plus sournoise que la première et apparemment plus meurtrière. Il ne se passe en effet pas un jour sans son lot de contaminés et de morts. Pris au dépourvu et devant l’inconscience d’une grande partie de nos citoyens (qui n’ont toujours pas mesuré l’impact réel de la situation et le danger qu’elle fait peser sur leur santé), le gouvernement a été obligé de recourir au couvre-feu. Un moindre mal par rapport aux restrictions qu’il aurait dû imposer dès le départ pour éviter d’en arriver là. Conséquence de ce laisser-aller : nos structures sanitaires ne sont plus loin du seuil de saturation. Une situation qu’on a déjà vécue il y a quelques mois et dont on n’a pas tiré la leçon, croyant sans doute que le pire était passé. Or, dans ce genre de pandémie, on n’est jamais sûr de rien. Et, comme gouverner, c’est prévoir, on aurait dû penser à l’avenir pour ne pas être pris au dépourvu une seconde fois. L’argent étant disponible, si l’on en croit nos gouvernants, il fallait être prévenants et équiper les hôpitaux, les centres de santé et les structures spécialisées du minimum vital au moins. Les médecins avaient en leur temps tiré la sonnette d’alarme : en cas d’augmentation substantielle du nombre de covidés, on se dirige tout droit vers une catastrophe. Mais la mise en garde est tombée dans l’oreille d’un (demi) sourd. La situation s’est certes améliorée mais elle est loin de répondre aux exigences dans le cas où, à Dieu ne plaise, les cas se multiplient. Champions de l’urgence et de l’au jour le jour, les Mauritaniens vont-ils enfin entendre qu’en  leur entassement citadin imposé par la modernité, il est devenu urgent de penser demain, voir plus loin que le bout de leur nez ?

                                                                                                                                        Ahmed ould cheikh 

dimanche 13 décembre 2020

Editorial: Corona, le retour

 Alors qu’on pensait un peu naïvement que le pire était passé, le Corona frappe à nouveau. Après plusieurs mois d’accalmie, le voilà qui refait surface. Cette deuxième vague que plusieurs scientifiques disaient inévitable s’est bel et bien levée. Beaucoup moins virulente qu’en certains pays, elle n’en est pas moins en train de ravager le nôtre. Pas un jour ne passe sans sa centaine et plus de personnes déclarées positives, alors que les tests sont loin d’être généralisés. La faute à qui ? Au gouvernement qui a relâché la pression un peu tôt et autorisé des rassemblements comme lors de la visite présidentielle à Kaédi ou des festivités de l’Indépendance ? Pensait-il que l’immunité collective serait la solution devant l’impossibilité de recourir au confinement ou au couvre-feu ? La faute à nous tous qui avons laissé tomber les masques sans penser aux conséquences et sans respecter ni distanciation sociale ni gestes- barrières ? À ce maudit virus refusant de baisser les bras et n’attendant que l’occasion propice pour faire à nouveau parler de lui ? Devant l’incapacité de contenir le fléau, faut-il donc recourir au vaccin, malgré les mises en grade d’une partie du monde médical ? Le jeu vaut-il la chandelle ? Corona a installé son cycle, comme H1N1, H5N2, VHS et autre BK. À l’instar de milliers de virus variablement dangereux pour une humanité de plus en plus confinée dans des villes surpeuplées. De fait, le vrai problème n’est-il pas civilisationnel ?  

                                                              Ahmed Ould Cheikh     

dimanche 6 décembre 2020

Editorial: Hommage à un preux chevalier

 Juste après la prière de vendredi dernier, alors que les fidèles étaient encore assis, un homme se lève et demande à tous de prier pour le repos de l’âme du colonel Oumar ould Beibacar. « J’étais un garde. J’ai travaillé sous ses ordres et je peux vous garantir que c’était un homme pieux, juste et foncièrement bon. » Une immense émotion envahit l’assistance. Peut-il y avoir meilleur témoignage pour un homme à qui l’on ne cessa pourtant de tresser des lauriers, tant son parcours fut des plus exceptionnels ? Brillant officier, le colonel – E/R, comme il tenait à l’écrire lui-même, chaque qu’il signait un article dans notre journal – laisse toutes les grandes causes orphelines. Grand baroudeur, il est connu pour n’avoir jamais tenu sa langue dans sa poche, sinon par pudeur  et respect d’autrui. Une anecdote qui circule encore à l’état-major de la Garde en dit long sur l’homme. Juste après le coup d’État d’Ould Abdel Aziz (que le défunt affublait du sobriquet de « général de bataillon »), le général Félix Négri convoqua les officiers de la Garde et commença à parler du Président. Oumar l’interrompit : « Vous parlez de Sidi ? ». Stupeur dans la salle. Officier visionnaire, il fut à l’origine de la fondation de la Caisse du Garde dont les effets bénéfiques, surtout pour les soldats, sont innombrables. Profondément humain, il contribua à rendre le séjour carcéral des négro-mauritaniens à Oualata beaucoup moins rigoureux et, de l’avis de plusieurs d’entre eux, sans son intervention, personne n’aurait pu survivre à un tel enfer. Repose en paix, preux chevalier !

                                                                                                                             Ahmed ould Cheikh

vendredi 27 novembre 2020

Eitorial: Et la Mauritanie témoignera!

 Inna lillahi wa inna ileyhi raji’oune : Sidi ould Cheikh Abdallahi n’est plus. Il a été arraché à l’affection des siens dimanche 22 Novembre. La Mauritanie pleure celui qui fut son premier président démocratiquement élu à sa tête un certain 25 Mars 2007 historique. Après deux tours de scrutin et un débat mémorable entre les deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier. Même s’il traînait la « tare » d’être soutenu par les hommes forts du comité militaire qui avait renversé Ould Taya en 2005, feu « Sidioca », comme on l’appelait affectueusement, devint un vrai Président qui osa s’attaquer à divers problèmes cruciaux du pays. Mais la dynamique fut interrompue lorsque ses soutiens militaires (surtout Ould Abdel Aziz,son chef d’état-major particulier) qui avaient tissé une véritable toile autour de lui pour réduire à néant sa marge de manœuvres, prirent la décision de le renverser. Alors qu’il n’a fait qu’user de ses prérogatives constitutionnelles en les limogeant. L’expérience démocratique fut ainsi étouffée dans l’œuf et un nouveau pouvoir militaire, sous vernis démocratique, reprit le pouvoir. Suivirent onze longues années – 2008 à 2019 – de gabegie, prévarications en tout genre et autres détournements qui n’ont toujours pas connu leur épilogue, malgré un rapport plus qu’accablant d’une Commission d’enquête parlementaire plutôt encline à établir la vérité des faits. Quant aux valeurs, l’Histoire a déjà retenu la dignité de Sidi ould Cheikh Abdallahi dans l’épreuve de son injuste destitution. Il est fort peu probable que son tombeur suive son exemple dans la gestion de sa propre chute. Ils se retrouveront en tout cas au Jour de l’Heure. Et la Mauritanie témoignera!, Unanime, elle adresse aujourd’hui toutes ses condoléances à la famille attristée de notre premier Président démocratiquement élu, en priant Dieu d’accorder à celui-ci la plus heureuse place en Son saint Paradis ! Amine.

                                                                                                           Ahmed Ould Cheikh

dimanche 22 novembre 2020

Editorial: J'ai dit bizarre?

 La commission parlementaire a planché six mois dessus. Il a été transmis au Parquet qui en a vérifié la bonne forme. Puis s’est retrouvé entre les mains de la police chargée des crimes économiques et financiers. Le dossier dit de la corruption va- t-il maintenant mourir de sa plus triste mort ? Alors que les auditions des personnes impliquées, avec, à leur tête, l’ex- président Ould Abdel Aziz, se sont achevées depuis plus d’un mois, le dossier n’a toujours été renvoyé au Parquet. Sans qu’aucune explication ne nous soit donnée, à nous autres pauvres citoyens dont les maigres ressources ont été dilapidées pendant une décennie. Certains commencent même à avoir des craintes, à juste titre, qu’il ne finisse en eau de boudin. Témoin de ces atermoiements, les derniers signes du pouvoir donnant l’impression d’une désescalade. D’abord,

l’audience accordée par le président de la République à Isselkou ould Ahmed Izidbih, un des soutiens les plus farouches à Aziz et dont la plume trempée au vitriol n’a ménagé ni la chèvre ni le chou. Reçu au Palais pendant plusieurs heures, il n’a sans doute pas évoqué, avec son hôte, que le temps qu’il fait. Venait-il en médiateur ? Pour s’avancer à telle hypothèse, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’ont pas hésité à franchir. Ensuite, la nomination de Dia Malal au poste de secrétaire général du gouvernement. Un geste que l’opinion publique n’arrive toujours pas à s’expliquer. Cité dans le rapport de la CEP, il a été exclu comme d’autres des instances dirigeantes, en attendant que la justice sépare le bon grain de l’ivraie. Et repêché sans autre forme de procès. « Pourquoi lui ? », serait-on tenté de demander. Enfin, le maintien à la tête de la plus importante société publique d’un homme considéré comme l’âme damnée d’Aziz et dont, bizarrement, le Président vient de dire le plus grand bien lors de la réunion des cadres à Zouérate. Coïncidences ? En tout cas, mon cher cousin, vous avez dit bizarre. Bizarre… J’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre…
                                                                                        Ahmed Ould Cheikh

samedi 14 novembre 2020

Editorial: Air du temps

 D’après les révélations de QG Magazine mises en ligne vendredi, Donald Trump, l’homme qui se surnomme le « guerrier solitaire », aurait accumulé plus de quatre mille poursuites judiciaires et civiles, à ce jour en suspens. « Il ne peut pas se permettre d’accepter la défaite », commente Timothy Snyder, professeur à Yale, « l’office présidentiel est ce qui le maintient hors de la prison et de la pauvreté ».Une enquête du New-York Times renchérit : « Il n’a payé aucun impôt sur le revenu au cours des dix des quinze années précédentes, en déclarant plus de pertes que de gains ». Et à en croire les révélations de Forbes, il serait dans l’obligation de vendre ses propriétés. Bref : Trump a dilapidé la fortune héritée de ses parents. Celui qui occupait, en 2019, la 275èmeplace du classement Forbes des riches américains croulerait sous les dettes : près de trois cents millions de dollars. Et neuf cents autres millions de sa dette immobilière arriveront à échéance dans les quatre ans à venir, selon le Financial Times.

Air du temps ? Si Ould Abdel Aziz se vante, pour sa part, d’une « colossale » richesse, il n’en est pas  moins en suspens d’un nombre au moins aussi important de poursuites. Comme nous le rappelions dernièrement, la Roche tarpéienne est bel et bien contigüe au Capitole… à moins qu’on y dispose des providentielles « dérivations ». L’enquête judiciaire piétine… Pourquoi le chef de l’État reçoit-il Isselkou Ould Ahmed Izidbih dont les déclarations incendiaires contre le régime sont notoires ? Et qui, dans ses tweets et autres publications, ne tarit pas d’éloges sur l’ancien président, victime, selon lui, d’un règlement de comptes qui ne dit pas son nom. Que se sont dit les deux hommes ? Mission de bons offices ? Ghazwani aurait-il encore des scrupules à juger son ami de quarante ans ? Sinon des craintes à ce qu’il entraîne dans sa chute trop de notabilités… et de privilèges ? Cependant la situation du peuple devient inexorablement intenable, il n’acceptera pas que le gang d’Aziz s’en tire à « bon » compte. La roue tournera, d’une manière ou d’une autre. Fasse le ciel que ce soit dans le calme… car à qui profiterait, au final, une politique du chaos ? Aux USA, Donald Trump l’espère, en s’obstinant à refuser le résultat des urnes. Qui donc en Mauritanie parierait-il sur la déstabilisation du pouvoir ? Par quels biais ?

                                                                                                                                     Ahmed ould Cheikh

dimanche 1 novembre 2020

Editorial: Si chère liberté d'expression

 Est-ce en son nom personnel ou en sa qualité de président de la République française qu’Emmanuel Macron s’est cru obligé d’évoquer encore, à la veille de la célébration du Maouloud, les caricatures du prophète Mohamed (PBL), pour magnifier la liberté d’expression ? Choix d’autant plus douteux, au demeurant, que l’équivoque position de son locuteur met tout un pays en position délicate vis-à-vis du milliard et demi de musulmans et musulmanes diversement répartis sur notre bonne vieille Terre. Non pas, bien évidemment, que l’odieux assassinat du professeur d’histoire soit de quelque façon que ce soit justifiable. Insoutenable, une telle barbarie doit être condamnée sans détours. Mais quand on est environné d’un régiment de pompiers et autres gardes-du-corps, mettre de l’huile sur le feu, c’est facile. Quel que soit l’effet recherché – et il vaut mieux supputer en effet que le président français n’est pas une tête de linotte – c’est notablement plus pénible pour le français lambda, notamment celui expatrié en pays musulman. Certes protégé par l’État qui l’accueille, ainsi que par la quasi-totalité des musulmans qu’il côtoie, il est aux premières loges pour entendre leurs plaintes, atteints qu’ils sont en ce qu’ils considèrent, tous, des plus sacrés.

Et, sans présumer du pourcentage réel de fanatiques en notre si patiente Oumma – oui, il y en a, comme en toute assemblée idéologique… – le plus doux des musulmans dispose, lui aussi, de la même liberté d’expression si chère à l’infortuné professeur d’histoire. Et aussi celle de consommer ce qu’il veut à sa guise… et encore de conseiller autrui dans ses choix de consommation. Chère, chère liberté d’expression ! Autant de paramètres, soyons-en certains, qu’aura bien évidemment tournés, avec sa langue, au moins sept fois dans sa bouche le président des Français, avant de parler. Mais, bon, le vin est tiré, il faut le boire. Fussent-ils résolument français, les musulmans n’en veulent pas, inutile de leur en proposer. Sera-ce aux gaulois de s’en lamper jusqu’à la lie, faute de débouchés commerciaux ? Bah, une bonne cuite, après un tel désastre, ça ne coûtera, au pire, qu’une sacrée gueule de bois ! Hé, Macron, une tournée générale au bistrot, c’était ça, l’effet recherché ? Histoire sans doute de diluer ceux plus pervers et politiques d’une conduite si liberticide de lutte contre le Covid 19…au risque de faire encore plus, de l'immense majorité des musulmans, notamment français, qui n'a strictement à voir avec le fanatisme barbare, des boucs émissaires?

                                                                                                                Ahmed Ould Cheikh

samedi 24 octobre 2020

Editorial: Roche tarpéienne

 Le retour il y a quelques jours de du vice-président du groupe BSA, suivi le dimanche dernier de celui de Moustapha Ould Limam Chavi, l’homme qui murmure à l’oreille de plusieurs puissants de ce monde, indiquent, si besoin était, que la vie est précaire et qu’il ne faut jamais dormir sur ses lauriers. Après l’arrivée, en grandes pompes, en mars dernier de Mohamed Ould Bouamatou, il ne reste plus que Maaouya pour qu’Aziz boive le calice jusqu’à la lie. En voyant revenir au pays, accueillis comme des héros, ces hommes qu’il pourchassait hier et accusait de tous les maux, se permettant même de lancer des mandats d’arrêt internationaux à leur encontre, il ne doit sans doute pas se sentir à l’aise. Un euphémisme pour ne pas dire enragé, lui dont les soutiens se réduisent comme peau de chagrin. Il ne lui en reste d’ailleurs plus qu’une poignée dont rien n’indique qu’ils résisteront à la prochaine et imminente bourrasque.

Pourchassé par la police, interrogé des journées durant et interdit de quitter Nouakchott, son sort semble désormais scellé. L’enquête préliminaire, ayant suivi le rapport de la Commission d’enquête parlementaire, est bouclée et elle sera transmise dans les plus brefs délais au parquet qui délivrera à coup sûr des mandats de dépôt au chef de la bande et certains de ses plus proches acolytes. Comme quoi il ne fait jamais insulter l’avenir : la Roche tarpéienne demeure partout proche du Capitole. Une des conditions du pouvoir, c’est le risque de le perdre. Et, pire, soi-même avec….

                                                                                                                               Ahmed Ould Cheikh

dimanche 18 octobre 2020

Editorial: Jusqu'à quand?

La rapidité, pour ne pas dire la désinvolture, avec laquelle un journaliste a été condamné à un an de prison ferme et jeté au cachot rappelle, si besoin était, que notre combat pour une véritable liberté de presse a encore du chemin à parcourir. Au moment où des affaires autrement plus importantes dorment dans les dédales du palais de Justice, un délit de presse tout ce qu'il y a de plus banal est jugé à la vitesse grand V. Certes le plaignant n'est pas n'importe qui. Un patron des patrons, élevé ex nihilo (ou presque) par Ould Abdel Aziz qui fit la pluie et le beau temps pendant la dernière décennie et à qui l'on ne peut toujours rien refuser. Que reproche-t-il à Ould Lebatt ?

D'avoir dit qu'il a versé une importante somme d'argent à l'ex-Président. Quoi de plus normal ? C'est un secret de Polichinelle que les deux hommes étaient en affaire. Magnanime, il a fini par retirer sa plainte.

Au-delà de cette condamnation (un nouveau mauvais point pour le pays…), se pose le problème de la dépénalisation du délit de presse. Dans les pays de tradition démocratique, qui consacrent la liberté de celle-ci, la peine pour ce genre de délit est le paiement au plaignant d'une ouguiya (un euro ou un dollar) symbolique et la publication dans un journal à grand tirage de la sentence du juge. Jusqu'à cette condamnation, on pensait que notre pays faisait de cette élite, après trente ans de liberté de presse. Hélas non, malheureusement. Encore et toujours un combat à mener. Jusqu'à quand, Seigneur du courage ?

                                                                                                               AHMED OULD CHEIKH

dimanche 11 octobre 2020

Editorial: Deux questions

 La guerre des communiqués a repris de plus belle entre les avocats de la partie « civile » (c’est-à-dire l’État en tant que personne morale) et ceux de l’ex-Président, dans l’affaire désormais connue sous l’appellation « dossier de la corruption ». Si, pour les avocats de l’État, l’immunité dont se prévaut Ould Abdel Aziz devant les enquêteurs existe bel et bien dans les textes, elle ne lui est conférée durant son mandat que pour les seuls actes rentrant dans l’exercice de ses fonctions. « Or » , écrivent-ils, « les actes de corruption, ainsi que les nombreuses infractions assimilées, les crimes et délits de blanchiment, objets de l’enquête en cours, ne peuvent nullement être rattachés à l’exercice normal des fonctions du président de la République. Pour leurs confrères de l’autre camp, « les poursuites engagées contre leur client qui ne peut être jugé que pour haute trahison, en vertu de l’article 93 de la Constitution, ne se fondent sur aucune justification juridique ». Si l’on s’en tient à ce dernier raisonnement abscons, tout ce dont Ould Abdel Aziz s’est rendu coupable en onze années de pouvoir doit passer par pertes et profits. On doit donc lui offrir l’impunité sur un plateau, le laisser profiter des milliards qu’il a engrangés en toute illégalité ; faire, de l’article 93, une muraille infranchissable derrière laquelle tout Président peut désormais se cacher pour ne pas risquer la moindre poursuite, une fois son mandat expiré. Même si son registre de détournement de deniers publics, gabegie, prévarication est plus que plein ! Deux questions : l’objet de la restriction « ne peut être jugé que » serait-il de légaliser la corruption et les malversations au plus haut sommet de l’État ? Existe-t-il un seul juge, même mauritanien, une seule autorité internationale prête à s’exhiber publiquement en telle lecture ?

                                                                                                   Ahmed Ould Cheikh

vendredi 2 octobre 2020

Editorial: Sous le déluge

 Il y a quelques jours, quelques dizaines de millimètres de pluie ont provoqué  un profond désarroi à Nouakchott, notre capitale censée faire vitrine sur l’extérieur. Routes inondées, automobilistes piégés, quartiers submergés, toujours le même spectacle de désolation à chaque hivernage. Il y a quelques années, pourtant, l’ex-président de la République inaugurait, en grandes… pompes qui auraient dû nous prévenir de la suite, un réseau d’assainissement qui a coûté la bagatelle de 15 milliards d’anciennes ouguiyas. Un réseau fantôme, à coup sûr, puisqu’aucune goutte de pluie n’aura jamais été évacuée par une quelconque canalisation. Il a fallu recourir à de beaucoup moins prestigieuses pompes pour vider les grands axes des quasi-lacs qui enclavaient les quartiers. Alors, où sont partis les 15 milliards ? Engloutis comme tout le reste

Comme les dizaines d’autres milliards que la police chargée des crimes économiques est entrain de pister et dont une partie a été retrouvée. Comme le foncier de Nouakchott et de Nouadhibou sur lequel on a fait main basse. Comme les dizaines de marché de gré à gré, qui ont, eux aussi, pompé des milliards sur lesquels personne ne pouvait lorgner, s’il n’était membre du clan. Mais toute chose a une fin, pas nécessairement heureuse. Ceux qui ont mis, dix ans durant, ce pauvre pays en coupe réglée, sont en train de rendre compte de leurs méfaits. Confrontés les uns aux autres, ils se rejettent une responsabilité que personne n’a le courage d’endosser. Comme des rats quittant un navire en perdition. Sous le déluge, l’arche d’Ould Abdel Aziz a choisi de se saborder. N’est pas Noé qui veut.

                                                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh

samedi 26 septembre 2020

Editorial: Déni de promesse malvenu

 Le Web n’a cessé de l’évoquer tout au long de la semaine dernière. Les blogueurs l’ont reprise en boucle. La presse en a fait ses choux gras. La nomination, par le ministère des Finances et sans passer par la voie normale, d’une quinzaine d’inspecteurs-vérificateurs dont certains, pour ne pas dire tous, disposent d’appuis haut placés, a constitué un énorme pavé dans le jardin de ceux qui croyaient ce genre de pratiques révolu. « Fils de tel » reste toujours le plus court chemin vers la haute fonction publique. À l’occasion, le hashtag « Prête-moi ton père ! » a fait florès sur le Net ; opposants et détracteurs du pouvoir n’ont pas manqué de l’exploiter à fond. Une décision désastreuse dont celui-ci aurait d’ailleurs pu faire l’économie. À l’heure où de pauvres citoyens poireautent des jours et des nuits pour déposer un dossier et passer un concours de recrutement dont les résultats sont en général connus d’avance, il aurait été plus sage de ne pas heurter une opinion publique dont la sensibilité est à fleur de peau. Surtout en cette période de crise où le chômage bat des records ! Il n’est pas normal qu’en plus de continuer à recycler divers symboles de la gabegie, en les maintenant à leurs postes, alors que leurs responsabilités sont clairement engagées dans les dossiers noirs de la décennie, le pouvoir s’abandonne à ce qu’il avait promis de combattre de toutes ses forces ! Les promesses électorales n’engagent donc que ceux qui y croient, comme disait je ne sais plus qui ?

                                                                                             Ahmed Ould Cheikh

dimanche 20 septembre 2020

Editorial: Un peu de dignité, Mohamed!

 Après sa conférence de presse ratée où il a refusé systématiquement de répondre, malgré l’insistance des journalistes, aux questions relatives à l’origine d’une fortune qu’il reconnaît colossale, Ould Abdel Aziz est revenu sur le devant de la scène. Cette fois-ci, c’est sur France 24 qu’il a jeté son dévolu ; et en français, s’il vous plaît ! Comme s’il voulait s’adresser à un public bien ciblé. Et de se mettre à nouveau dans la peau d’une victime dont on a bloqué les comptes, confisqué les passeports et enfermé dans la grande prison qu’est Nouakchott. Exactement comme il s’y employa avec ses innombrables victimes, le plus souvent pour des motifs fallacieux. Qui a tué par l’épée…. Victime au-dessus des lois, cependant : il maintient en effet son raisonnement absurde sur l’article 93 de la Constitution, comme quoi un ancien Président ne peut être poursuivi que par la Haute Cour de justice et pour haute trahison. Et les actes commis durant son exercice dénués de tout rapport avec la fonction de Président, sinon d’en abuser sans aucune vergogne, comme tous ceux que lui reproche la Commission d’enquête parlementaire, on en fait quoi ? On les passe par pertes et profits ? Ses avocats devraient commencer par lui rappeler qu’une fois libéré de la charge suprême, un Président devient un justiciable ordinaire qui doit rendre compte pour tous ses méfaits. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux ! Non content d’avoir mis le pays sous coupe réglée pendant une décennie, il veut à présent s’en tirer à compte optimal, nabab en ses palais dorés, tandis que les concitoyens dont il avait mission de servir le bien-être croulent sous les charges les plus basiques : loger, nourrir et vêtir un tant soit peu dignement leur famille ; sans parler des soins de santé et d’éducation relégués aux oubliettes ? Ho, Mohamed, un peu de dignité, justement : rappelle-toi combien ton illustre homonyme (PBL) s’employa à tout donner au service de son peuple ! Et si celui-ci est bel et bien en droit de te demander des comptes en cette vie, n’oublie pas que c’est celui-là (PBL) qui te réglera définitivement ceux de votre nom, dans la vie future…

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 septembre 2020

Editorial: Frugalité perdue?

Arrivé au pouvoir quatre années plus tôt, le président malien, feu Modibo Keïta, voulut, en 1964, offrir à sa mère un pèlerinage à La Mecque. Mais, ayant renoncé à la moitié de son salaire au profit de son pays, il n’avait pas assez d’argent pour payer tous les frais inhérents au voyage Il écrivit alors une lettre, devenue célèbre, à l’ambassadeur du Mali en Arabie Saoudite, lui demandant de lui prêter 60.000 francs maliens à remettre à sa maman et qui lui seraient remboursés dès sa maigre paye présidentielle perçue. Plus près de nous, feu Mokhtar ould Daddah reçut d’innombrables dons en espèces ou en nature de ses homologues africains (Mobutu, Bongo, Houphouët-Boigny..) mais sefit invariablement un point d’honneur à tout verser au Trésor public. Aujourd’hui, on est très loin, en nos deux pays frères et voisins, de l’esprit de ces pères fondateurs honnêtes et désintéressés. Accusé, au Mali, d’avoir détourné des milliards de Fcfa, le président IBK vient d’être balayé par un coup d’État militaire et, en Mauritanie, l’ex-président MOAA n’est pas mieux loti :une commission d’enquête parlementaire vient de transmettre à la justice un rapport accablant sur sa gestion. Déjà convoqué à trois reprises par la police chargée de la répression des crimes économiques et financiers, il n’est pas encore au bout de ses peines.

Nos pays seraient-ils maudits au point d’être encore, soixante ans après leur accession à l’indépendance, des havres de mauvaise gestion, prévarication, détournement de deniers publics et malversations en tous genres ? Au moment où d’autres pays plus pauvres rivalisent d’ingéniosité pour assurer le bien-être de leurs populations, les nôtres caracolent en tête de liste des Etats où il ne fait pas bon vivre. Certes, la société importée de consommation et de spectacle s’est chargée, dessous de table aidant, de promouvoir l’avidité et la passion irréfrénée envers les biens de ce monde. Mais c’est partout. Alors pourquoi si intensément et cruellement en nos sables où la noblesse se faisait justement honneur du frugal ? Serait-ce que le pouvoir nous rende aujourd’hui vulgaire ? Ne s’accommode plus que de celui-ci, chez nous comme trop souvent ailleurs ? Ou que seul le vulgaire ait été assez frustré pour s’acharner à y accéder ? Avant d’y sévir, au grand dam du peuple… Et nous laisser, au sortir de cette souffrance, cette intrigante question : son ami de quarante ans aurait-il l’âme –et le courage… – de se révéler à tout le moins l’exception qui confirme la règle ?

                                                                                                                                                                                                                                                                                    Ahmed ould Cheikh

dimanche 6 septembre 2020

Editorial: CQFD

Naît-on pour perdre ? Quoique nul n’en sait rien pour lui-même et autrui – sinon, à l’heure de sa mort ; et encore : il reste le Jour Dernier… – Mohamed ould Abdel Aziz s’est déclaré, lui, persuadé du contraire… en ce qui concerne son auguste personne. Ça lui a donné une morgue de tous les diables et un apparent mépris envers tout ce qui n’est pas lui. Une semaine de garde à vue n’aura donc fait que le promouvoir à la tête d’une opposition qu’il croit évidente au pouvoir qui s’est osé à seulement l’imaginer perdant. Sûr, ça va ameuter le peuple mauritanien ! CQFD.

On l’interroge sur ses ressources. « Moi » – ce fameux Moi qui l’obnubile au point de lui faire perdre toute prudence… – « je n’ai jamais eu besoin de toucher Ma solde de Président », clame-t-il, « Mes affaires ont toujours prospéré » Est-ce compatible avec une fonction administrative ? « Je suis né pour gagner, c’était [c’est toujours ?] Moi le chef et toute décision passait [doit toujours passer ?] obligatoirement par Moi ». N’y a-t-il pas eu des abus, des violations de la Loi ? « Le Chef a toujours raison : c’est cela, la Loi. Et le Chef ainsi couvert, par la Loi, de toute erreur, c’était [c’est toujours ?] Moi … Tel est le sens de l’immunité constitutionnelle. » Ça se discute… « Non : Je suis, Moi, immunisé contre toute discussion ! » Mais cette immunité vous permettait-elle de vous servir démentiellement de l’État pour vous enrichir personnellement ? « L’État, c’était [c’est toujours ?] Moi ! » CQFD.

L’affaire d’Accra ? « Un secret de Moi – donc d’État – dont Moi, Je consens à vous révéler aujourd’hui quelque détails »… Et tutti quanti. De quoi étoffer copieusement l’accusation dans les procès qui s’annoncent ?À être trop prolixe, on s’expose à commettre des impairs ou à aggraver son cas... À moins que ne se profile, en cette logorrhée narcissique, une nouvelle ligne de défense : la maladie mentale… Ce Qu’il Fallait Démontrer ?


                                                                                                         AOC

                                                                                                                                                         

                                                                                                      

dimanche 9 août 2020

Editorial: Épouvantable, l’épouvantail ?

 La Commission d’enquête parlementaire a enfin rendu son rapport. Six mois, jour pour jour, après avoir commencé ses investigations. Un rapport digne des pires républiques bananières tellement la gabegie, la prévarication, les entorses aux procédures et autres malversations y sont légion. Les marchés publics sont devenus au cours de la dernière décennie de véritables écuries d’Augias. Plus de quatre cent milliards d’anciennes ouguiyas se sont ainsi évaporés entre marchés fictifs ou de complaisance, surfacturations et/ou surévaluations. Le rapport (bien) ficelé, la balle est à présent dans le camp de la Justice. L’opération « mains propres » qui verra l’ex-Président et une sacrée brochette de (hauts) fonctionnaires passer sous les fourches caudines d’un pouvoir judiciaire indépendant ne sera bientôt plus une vue de l’esprit. À coup sûr, le plus grand déballage qu’aura connu le pays depuis son indépendance, au risque de voir un ex-Président passer quelques années en prison, après avoir restitué tout ou partie de la fortune colossale amassée en onze années de pouvoir. Jamais, en soixante ans d’existence, la Mauritanie n’aura connu un régime aussi boulimique et une équipe dirigeante aussi peu regardante à faire main basse sur les maigres ressources de notre pauvre et sous-développé pays. Il fallait, pour espérer y mettre fin, une première fois. C’est fait. La commission d’enquête parlementaire se dresse désormais en épouvantail dans le champ visuel des prédateurs de la Nation. Il reste certes à la Justice de lui donner assez vigoureuse animation pour en susciter durable épouvante. Mais il est bel et bien planté, le peuple en est informé… et attend la suite.

                                                                                                                                                                     AOC

lundi 27 juillet 2020

Editorial: Utile distinguo

Le professeur de Droit, Mohamed Mahmoud ould Mohamed Saleh l’a expliqué de long en large dans une tribune publiée la semaine dernière sur notre site Internet (lecalame.info). Lô Gourmo est revenu, lui aussi, longuement sur la question sur sa page Facebook : le débat en cours n’a pas lieu d’être. Il n’est nul besoin d’une Haute Cour de Justice pour juger l’ex-président Ould Abdel Aziz. Une juridiction ordinaire suffit amplement. Selon deux de nos brillants juristes, « le président de la République est bien individuellement responsable pour les actes accomplis au cours de son mandat lorsqu’il s’agit d’actes détachables de la fonction présidentielle. C’est-à-dire accomplis à l’occasion de l’exercice de celle-ci mais dans un but autre que la conduite des affaires publiques ». En conséquence et à l’exception de ceux relevant de la haute trahison, tous ses actes engagent « sa responsabilité pénale [qui] relève de la compétence des juridictions ordinaires », écrivent ces spécialistes du droit. Forte de ces avis juridiques imparables, la Commission d’enquête parlementaire sait à présent à quoi s’en tenir. Les marchés de gré-à-gré, la mauvaise gestion, le détournement des deniers publics, la violation des procédures pourraient être autant d’actes détachables de la fonction présidentielle et accomplis à l’occasion de l’exercice de celle-ci. Établir et pénaliser, via une juridiction ordinaire, le caractère délictueux de tels actes ne compromet cependant en rien l’éventuel examen ultérieur de la probable haute trahison. Bien au contraire : cela l’argumente…La Commission s’en est largement rendue compte dans tous les dossiers sulfureux sur lesquels elle a planché. L’exemple de l’Angola, où la justice vient d’arracher à la fille de l’ancien président Dos Santos la rondelette somme de 850 millions de dollars, conforte l’idée que rien n’est définitivement acquis. Et que, comme disent « nos » ancêtres les gaulois, « bien mal acquis ne profite jamais ». Surtout celui, spolié, d’un peuple pauvre, sous –développé et sous –alimenté et quia vu ses ressources s’évaporer, en une décennie, sous le feu d’un clan avide et cupide.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                AOC

dimanche 19 juillet 2020

Editorial: Une rature de plus

Samedi 11 Juillet, les Mauritaniens se sont réveillés avec une énorme gueule de bois. La Haute Cour de Justice qui devait juger l’ex-Président Ould Abdel Aziz, dont le processus de mise en place était déjà lancé et sur laquelle l’Assemblée nationale devait statuer le 13 courant, a été subitement bloquée. Vous savez par qui ? Par la commission Justice et Intérieur de ladite Assemblée qui a trouvé, tenez-vous bien, le délai insuffisant pour « bien préparer » le texte. Ça ne s’invente pas. Alors qu’on croyait la machine bien lancée, tout s’effondre en quelques heures. La désillusion est à la mesure de l’espoir qu’avait suscité la mise en place de la CEP. Les groupes parlementaires de l’opposition qui l’avaient initiée et restaient en contact permanent avec la Majorité tombent des nues. La mesure a été prise sans les concerter, après une réunion du groupe parlementaire l’UPR dont est issue l’écrasante majorité des membres de la Commission. Un geste pour le moins inamical et l’opposition n’a pas manqué de le faire savoir.
Jusqu’où va continuer cette mascarade ? C’est la question sur toutes les lèvres. Le gouvernement va-t-il revenir sur cette décision dont l’impopularité est la moins contestable des qualités ? Ould Abdel Aziz sera-t-il jugé par une juridiction ordinaire, étant redevenu un justiciable (très) ordinaire ? La pression combinée de l’opposition et de l’opinion publique fera-t-elle revenir le processus sur les rails ? Il y a urgence à tourner une page dont les ratures continuent d’empêtrer le quotidien des gens.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                 AOC

Editorial: Haute trahison

L’étau se resserre autour de l’ex-président Ould Abdel Aziz. Convoqué cette semaine par la Commission d’enquête parlementaire qui a déjà entendu ses trois Premiers ministres et plusieurs membres de son gouvernement, il aura fort à faire pour se justifier, ses anciens collaborateurs l’ayant tous accablé. Ils ont reconnu unanimement que dans tous les dossiers sulfureux pour lesquels ils ont été convoqués, les ordres venaient directement de lui. ¨Pour ces crimes économiques, il risque donc, au bas mot, une Haute cour de justice dont le processus de fondation vient d’être enclenché par l’Assemblée nationale. S’ils sont assimilés à une haute trahison… et il y a de fortes chances qu’ils le soient, tant leur gravité dépasse l’entendement. Sinon, une autre affaire pourrait constituer pain béni pour les parlementaires. Haute trahison signifiant, en vertu de l’article 93 de la Constitution, notamment “ abandon total ou partiel de la souveraineté ”, la proposition de cession, à l’émir du Qatar, d’une île à côté du banc d’Arguin, à environ cent kilomètres au Nord de Nouakchott, pose en effet problème. Avancée directement par l’ex-Président lui-même lors d’une entrevue accordée à l’ambassadeur du Qatar à Nouakchott, l’offre fut automatiquement répercutée à Doha. Prudent, l‘émir du Qatar la déclina poliment, en ne donnant aucune suite au courrier du diplomate. Mais l’initiative du Président mauritanien alors en exercice constitue-t-elle ou non un abandon de souveraineté ? La commission serait bien inspirée de poser la question à celui qui s’engagea à donner quelque chose qui ne lui appartenait pas, sans même chercher à obtenir l’aval des représentants attitrés (les parlementaires) du propriétaire (le peuple souverain du territoire mauritanien).    
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  AOC

dimanche 5 juillet 2020

Editorial: Imminents règlements de compte

L’image a fait le tour du Monde. Elle est révélatrice à plus d’un titre : Ahmed Ouyahya, deux fois Premier ministre d’Algérie, ancien président du parti au pouvoir et apparatchik du régime des généraux, arrive, menottes aux poignets et encadré par plusieurs policiers, à l’enterrement de son frère. Depuis quelques mois, la « grande lessive » menée par le pouvoir algérien a envoyé derrière les barreaux plusieurs  (anciens) responsables et hommes d’affaires accusés d’avoir pillé sans vergogne les ressources de leur pays. L’opération, une des principales revendications du « hirak » qui a secoué la rue plusieurs mois durant, a été favorablement accueillie par une opinion publique lassée de voir un État riche se faire dépecer quotidiennement par ceux-là mêmes qui devaient servir et non se servir. Tout comme la Mauritanie au cours de la dernière décennie. Mais nous n’en sommes encore, chez nous, qu’aux premiers balbutiements d’un tel assainissement. Contrairement aux Algériens qui ont pris le taureau par les cornes, sans s’embarrasser d’une commission d’enquête parlementaire. Ici comme ailleurs, ceux qui étaient aux affaires et qui ont pillé le pays sont connus, tout comme les hommes et les femmes qui gravitaient autour d’eux. Il suffisait juste de les interpeller et de leur demander des comptes. Quoi qu’il en soit, l’heure des comptes a sonné. L’enquête a atteint un point de non-retour. Le pays ne peut plus se permettre de faire l’économie d’une opération « mains propres » que tout un chacun appelle de ses vœux. Il est temps que la page de l’impunité soit tournée pour de bon. Et les comptes apurés.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    AOC

dimanche 28 juin 2020

Editorial: Impuissance?

Biram est rentré la semaine dernière au pays. Frais émoulu après plus de trois mois de confinement en Europe. Et ne s’est pas fait prier pour dire tout haut ce que le reste de l’opposition pense tout bas : il est temps pour le pouvoir de se ressaisir. Presqu’un an d’exercice et ses promesses de normaliser la scène politique, en autorisant les organisations et les partis non reconnus, n’ont connu aucun début d’exécution. Pire, les symboles de la décennie honnie sont encore aux premières loges, gouvernails de l’économie en mains : fer, pétrole, gaz et énergie ; alors que le pays pensait avoir tourné pour de bon la sombre page. Ceux qui le narguaient hier, privilégiant les intérêts d’un clan au détriment de ceux du peuple, et dont les noms sont quotidiennement cités dans des dossiers sulfureux, marchés douteux et malversations en tout genre, sont maintenus contre toute logique en des postes sensibles. Comme si le pays ne pouvait pas se passer de ces (in)compétences ! Biram l’a dit, le peuple le répète à longueur de journée : cette situation est intenable ! Les grandes réformes passent d’abord par les hommes qui vont les mettre en valeur et ce n’est pas avec du vieux pourri jusqu’à la moelle qu’on pourra faire du neuf. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire qui sera rendu dans quelques semaines sera-t-il le déclic susceptible de séparer enfin le bon grain de l’ivraie ? Prions que la montagne n’accouche pas d’une souris… qui serait évidemment impuissante à contenir le flot grandissant des amertumes populaires.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           AOC

samedi 20 juin 2020

Editorial: Au boulot citoyens!

Il y a quelques jours, un jeune entrepreneur, parmi les rares qui croient encore en quelque chose dans ce pays, entre en contact avec un grand groupe français qu’il veut entraîner en Mauritanie pour y investir ou participer à des appels d’offres. Les contacts sont établis, le partenariat pratiquement scellé et les premiers marchés ciblés. Mais patatras ! Tout s’effondre en une matinée. Les principaux actionnaires du groupe français – des américains – ne veulent pas entendre parler de la Mauritanie. Un pays où, selon eux, « les appels d’offres sont biaisés, les marchés carabinés, la concurrence hors jeu respectée et la justice ne constitue  pas un recours. » Le bonhomme tombe des nues. Il avait cru un peu hâtivement à la chanson que nous chantaient, il n’y a pas longtemps, Ould Djay et ses amis, comme quoi le pays a fait un bond dans le classement Doing Business, code des investissements toiletté pour le rendre plus incitatif, guichet unique institué pour faciliter les démarches des investisseurs étrangers et tout un tintamarre qui, confronté à la réalité, n’était, en fait, que du pipeau. Au cours de la dernière décennie, qui n’appartenait pas au « clan » ne pouvait prétendre à un marché important et les rares qui parvinrent à déroger à la règle furent obligés de s’associer à quelque de celui-là pour contourner des blocages qui désespérèrent plus d’un.
La mésaventure dudit jeune homme n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Le pays récolte ainsi les fruits de onze ans de gabegie, laisser-aller, injustices, inégalité des chances et incurie. L’urgence ? Nettoyer nos écuries d’Augias, mettre de l’ordre dans la maison : c’est à cela que s’emploie la CEP et que devra entériner une justice effectivement rendue à son indépendance. Mais il y a plus : ce n’est pas seulement en notre administration qu’il faut mettre de l’ordre, c’est en chacun nous, toi, moi, nous tous : classer nos priorités, respecter nos engagements, contraindre notre opportunisme à nos principes – et non plus le contraire, comme c’est devenu le quotidien banal de tant de Mauritaniens… Nous avons tous du pain sur la planche : au boulot, citoyen !
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               AOC

dimanche 14 juin 2020

Editorial: Bien mal acquis

Depuis quelques semaines, des tracts et vocaux, dont l’origine est évidemment bien connue, circulent à grande vitesse sur les réseaux sociaux. On y attaque pêle-mêle des opposants, des cadres en rupture de ban avec l’ancien régime (après l’avoir copieusement servi), des hommes d’affaires évoluant en dehors du sérail... Pas un traître mot sur ceux (dont certains encore aux affaires) dont les noms sont associés aux plus grandes malversations que le pays a subies dans la dernière décennie. Objectif avoué de cette campagne dotée de gros moyens : allumer un contre-feu, détourner, ne serait-ce qu’un moment, l’attention de l’opinion publique du travail que mène actuellement la commission parlementaire, tenter d’incruster dans les esprits que cette dernière fait fausse route et que son travail serait incomplet si d’autres « prévaricateurs » n’étaient pas appelés à la barre.
Un combat d’arrière-garde perdu d’avance. Déjà assez avancée dans ses dossiers, la commission vient d’engager des experts étrangers pour l’aider à décrypter clairement un imbroglio dont la seule finalité était de faire main basse, par tous les moyens, sur les ressources de notre pauvre pays. Rien n’échappa, en effet, à la boulimie d’un clan vorace. Mais ce que les chantres d’un passé révolu feignent d’oublier, c’est que la roue tourne. Messieurs-dames, il ne vous reste qu’à coopérer et à rendre les biens spoliés. Game over, comme disent les Américains. Avec cette inéluctable sentence si justement remarquée par le célèbre adage français : « Bien mal acquis ne profite jamais »…
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  AOC

Editorial: Gangrène

L’opposition est enfin sortie de sa torpeur. Pour élever un peu la voix dans un communiqué apportant soutien à la commission d’enquête parlementaire qui « fait face à une pernicieuse et malveillante campagne de dénigrement, mettant en cause sa crédibilité ». Une campagne menée, selon l’opposition, par des « symboles de la gabegie et de la mal-gouvernance toujours présentes dans les hautes sphères de l'État » et dont elle dénonce le maintien. Le mot est lancé. C’est la première fois depuis l’élection du nouveau régime que l’opposition jette ce pavé dans la mare. Ménageant jusqu’à présent un pouvoir qui lui rendait la pareille, elle critiquait à fleuret plus ou moins moucheté, en prenant un maximum de précautions. Le président de la République, qui manifestait à ses leaders les plus grands égards, bénéficiait en outre d’une période de grâce. Celle-ci tire apparemment vers sa fin. L’opposition l’a dit, la majorité le pense et le reste du pays ne comprend toujours pas : comment des responsables, dont les noms sont cités quotidiennement dans les colonnes de la presse, preuves à l’appui, pour malversations, pratiques dolosives, marchés frauduleux et autres complaisances, peuvent-ils être maintenus à des postes stratégiques de la plus haute importance ? Au début, on pensait naïvement qu’il ne s’agissait que d’une question de semaines ou de mois, tout au plus. Le temps que le nouveau pouvoir s’installe, prenne ses marques et évite surtout de se faire d’un coup beaucoup d’ennemis dont certains ont encore une grande capacité de nuisance. Et détiennent par devers eux de fort sensibles dossiers. Mais le début perdure et la gangrène progresse… Jusqu’à quand ?
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          AOC

dimanche 10 mai 2020

Editorial:Calomniez, calomniez.............

Depuis quelques mois circulent sur le net des vidéos anonymes d’une rare violence verbale. Ni le président de la République, ni le Premier ministre, ni celui de l’Intérieur ni même des députés n’échappent à la vindicte de ces nouveaux mercenaires, lâches et anonymes. Que leur reproche-t-on en filigrane ? D’avoir « lâché » Ould Abdel Aziz ? De s’être engagé résolument sur une nouvelle voie où l’ex-Président, qui n’a pas laissé un souvenir impérissable, n’a plus de raison d’être ? D’avoir refusé d’occulter un passé très récent où le pays fut mis à genoux par un clan prévaricateur ? Probablement un peu de tout de cela, Ould Abdel Aziz n’ayant toujours pas digéré d’être évincé d’un pouvoir qu’il avait pris l’habitude soit d’exercer soit d’y interférer ouvertement depuis près de 15 ans. Mais la réalité est plus prosaïque encore. Depuis que la commission d’enquête parlementaire a été mise sur pied, certains ténors du régime déchu font des pieds et des mains pour que tout le monde soit placé dans le même panier. Laissant entendre que tout un chacun allait à la soupe. Que nul n’est irréprochable. Comment distiller tels propos ? Par l’utilisation abusive de réseaux sociaux qui, comme disait Umberto Eco, « ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles […] ainsi nantis aujourd’hui du même droit de parole qu’un prix Nobel. » Un combat d’arrière-garde perdu d’avance. Non seulement la Commission d’enquête est assez avancée dans son travail mais elle a même élargi ses compétences à d’autres dossiers tout aussi sulfureux que les sept sur lesquels elle planchait et la voilà à recruter des experts et autres bureaux d’études spécialisés pour l’aider dans une mission qui s’annonce apparemment plus périlleuse que prévu. Croient-ils, ces revanchards, que la roue de l’Histoire va s’arrêter de tourner ? Que leur champion dont on découvre jour après jour les immenses dégâts laissés derrière lui s’en tirera à si bon compte ? Qu’on nous répétera à l’envi, comme à chaque changement de régime : « Tournons la page ! » ? Que nenni ! La politique de la terre brûlée n’est en tout certainement pas la meilleure formule pour se disculper. Pire, elle peut valoir de grandes inimitiés. Et n’empêchera pas l’inéluctable grand déballage. Il  faut s’armer de patience et de courage pour affronter son destin. Les biens de ce pauvre pays ont été tellement pillés pendant onze ans qu’il serait criminel de tout laisser passer par pertes et profits. Ce que certains zélateurs n’ont malheureusement pas encore compris. Publiez vos diatribes commandées, diffusez vos vocaux et vidéos sur le Net, diffamez à longueur de journée, insultez ouvertement, rien n’y fera : la machine est enclenchée et à ce rythme, elle broiera tout sur son passage. Et, certes, si « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », comme disait Francis Bacon, l’addition n’en sera pas moins salée à payer pour les commanditaires de la calomnie… et peut-être même plus, en ce que les calomniés peuvent se révéler fort peu indulgents.
                                                                                    CalominAhmed ould Cheikh

dimanche 3 mai 2020

Editorial: Dernier écurie d'Augias

Le site Al Akhbar l’a révélé la semaine dernière mais c’était, en fait, un secret de Polichinelle. Au cours de sa dernière année au pouvoir, Ould Abdel Aziz fit feu de tout bois. Comme s’il voulait engranger le maximum avant le passage de témoin à son successeur. Rien n’a échappé à la boulimie dévastatrice du clan. Même les terrains, dont il avait pourtant fait le plein en onze ans de pouvoir, n’ont été épargnés. La zone couvrant l’entrée nord de la ville jusqu’au nouvel aéroport est ainsi devenue un immense titre foncier détenu par « la »famille. 3,5 millions de mètres carrés ont été ainsi attribués à dix-huit sociétés fictives. Convertis en lots, cela fait 8700 de 400 mètres carrés chacun. Alors que des centaines de milliers de familles n’ont jamais bénéficié du moindre terrain, une – une seule ! – faisait main basse sur autant d’espace. C’est pourquoi la commission d’enquête parlementaire a demandé et obtenu – à juste titre – que le foncier de Nouakchott fasse partie des dossiers sur lesquels elle va enquêter. Personne, en effet, ne peut rester les bras croisés devant un accaparement aussi odieux du domaine public. Après les écoles primaires, le Stade olympique, l’école de police à Nouakchott, la base marine, les cabanons, le centre Mamadou Touré à Nouadhibou… – et la liste est loin d’être exhaustive ! – Ould Abdel Aziz peut se vanter d’être le plus grand propriétaire foncier du pays. Et probablement l’un de ses plus riches citoyens, si l’on y adjoint les centaines de marchés en tout genre dont il fit son sport favori. La construction du nouveau Palais des Congrès, dont il chargea un de ses anciens bras droits – 16 milliards d’anciennes ouguiyas ! – le canal de Keur Macène, le barrage de Seguellil, la route de Benichab et le casier-pilote de Boghé, attribués pour près de 25 milliards d’ouguiyas à la société STAM dont tout monde connait les liens avec « la » famille, les lignes haute tension qui relieront Nouakchott à Nouadhibou, Zouérate et jusqu’à la frontière avec le Sénégal, cédés sans appels d’offres à la société indienne Kalpataru – en échange de quoi ? –, les permis de recherche miniers, les quotas de poulpe, la vente du fer de la SNIM via des intermédiaires, la construction de routes… et quoi d’autres ? Il faut bien plus qu’une page d’un journal pour lister tous les méfaits d’un régime fort d’une seule devise : « la thune à tout prix ! » À telle enseigne que la moindre mission de contrôle n’a pas besoin de fouiner : la prévarication affleure partout en surface. La commission d’enquête parlementaire a sans doute déjà une idée du gâchis, après les témoignages des responsables qu’elle a interrogés. Tous ont reconnu les faits et accablé un seul homme. Cela les disculpe-t-il pour autant ? A-t-on le droit de violer la loi, les règlements et les procédures pour obéir à un ordre venu « d’en haut » ? Jusqu’à quand va-t-on se cacher derrière l’obéissance au chef pour accomplir des actes répréhensibles ? En telle condition, peut-on se prévaloir de circonstances atténuantes ? Certainement pas. La demande populaire de changement est si forte qu’elle ne se contentera pas de subterfuges. Ceux qui ont perpétré de tels forfaits doivent répondre de leurs actes. Ould Abdel Aziz est certes parti mais nombre de ceux qui l’aidèrent à éventrer le pays à ciel ouvert sont encore en place. Si la paresse est la mère de tous les vices, c’est bien par l’impunité promue en hauts lieux qu’ils prospèrent jusqu’aux bas-fonds. Dernière écurie d’Augias en date, la Mauritanie attend toujours son Hercule…
                                                                                                  Ahmed Ould Cheikh

Editorial: Règlement de comptes

Comme on s’y attendait, l’ex-Président Ould Abdel Aziz ne s’est pas présenté devant la commission d’enquête parlementaire. Non pas qu’il ait fait faux bond. Il n’était tout simplement pas à Nouakchott et il n’y avait pas urgence. L’Assemblée nationale a élargi entretemps les domaines de compétence de ladite commission à d’autres dossiers tout aussi sulfureux. On peut donc un peu plus « charger la mule ». Surtout que tous ceux qu’elle a appelés pour témoigner (trois anciens Premiers ministres, des ministres en activité ou en rupture de ban et divers autres hauts fonctionnaires), ont reconnu qu’ils n’étaient que de simples exécutants. Que tout se décidait en « haut lieu ». Cela ne surprend personne, tant le pouvoir était concentré entre les mains d’un seul homme. Et lorsqu’il s’agissait d’affaires juteuses, l’intérêt du clan primait sur tout le reste. Ould Abdel Aziz va donc devoir assumer. Lâché de tous côtés et voyant ses flancs se dégarnir, va-t-il attaquer ? Ou plutôt se battre sur le plan juridique ? Il aurait, dit-on, commis un avocat français pour éclairer sa lanterne. Répondre ou non à la convocation de la commission ? Est-il toujours « protégé » par la Constitution après son départ du pouvoir ? Moins circonspects, certains « constitutionnalistes » nationaux, à qui personne n’a rien demandé, se permettent depuis quelque temps d’affirmer qu’il ne peut comparaître devant la commission parlementaire puisque protégé par la Constitution… De quoi je me mêle ? Ou étaient-ils, ces héros, lorsque ce même Ould Abdel Aziz qu’ils défendent urbi et orbi renversa notre premier président civil démocratiquement élu ? Ou étaient-ils quand il brada notre ressource halieutique au profit de Polyhone Dong? Quand il fit détruire les plus vieilles écoles de Nouakchott, vendit leur terrain à ses proches et s’y employa de même avec le Stade olympique et l’école de police ? Ou étaient-ils quand il imposa au peuple un référendum illégal et supprimé tout aussi illégalement le Sénat, la chambre basse que la Constitution lui interdisait de dissoudre ? Quand il liquida l’Ener, la Sonimex, l’Agence d’accès universel et mis à genoux la Snim et la Somelec ? Quand il bradé le port et l’aéroport de Nouakchott au profit de ses fils et beaux-fils ?
Ces « honorables » juristes auraient mieux fait de se faire tout petits et oublier, tout comme les fonctionnaires qui acceptèrent de se compromettre avec un prédateur. Ou, pire, de l’aider à accomplir ses forfaits. Au lieu de crier haut et fort leur désaveu, taper du poing sur la table et rendre, à temps, dignement leur tablier, ceux-ci en sont aujourd’hui réduits à se cacher derrière l’argument de n’avoir fait qu’exécuter des ordres. Ils n’en sortiront pas grandis et la dimension plurielle, partageable, de la responsabilité non plus. Un président des États-Unis, Harry S. Truman, eut, en son temps, la lucidité d’introduire dans le jargon politique la maxime « The Buck stops here», autrement dit, la responsabilité s’arrête ici, c’est à dire à son niveau. Président et chef de l’État, OuldAdel Aziz était de fait et en dernier ressort, le seul responsable de tout ce qui se faisait dans son administration. Il l’assumait. Il doit l’assumer à l’heure des comptes. Ceux-ci n’en seront pas pour autant réglés.
                                                                                                       Ahmed Ould cheikh

vendredi 24 avril 2020

Editorial: Justice immanente

Notre ex-Président Mohamed ould Abdel Aziz a été convoqué pour le jeudi prochain par la commission d’enquête parlementaire qui veut entendre sa version de certains dossiers sur lesquels elle planche. Et certes il doit avoir certainement un mot à dire, lui qui se vantait, à chaque occasion, d’être au four et au moulin, de tout gérer  jusqu’au moindre détail. Il ne pouvait donc ne pas avoir ordonné que tel marché soit attribué à un tel, que telle facilité soit accordée à tel autre, que telle convention soit signée, telle société publique liquidée ou tel contrat léonin accordé à tel membre du clan. Sous son magistère, les ministres, à commencer par le premier d’entre eux, les directeurs généraux et tous les  responsables n’étaient que des sous-fifres, de « petits » exécutants obligés de  rendre compte du plus petit détail et incapables de prendre la moindre décision sans le feu vert du chef, omniscient et omniprésent. Il était donc impossible que celui-ci soit épargné par la commission d’enquête qui a déjà auditionné des ministres et des directeurs. Même si, selon la Constitution modifiée par ses soins en 2017, il ne peut être poursuivi que pour haute trahison et seulement par une Haute Cour de Justice. Une issue normalement inévitable, si la Commission exerce ses prérogatives sans interférence de l’exécutif et transmet ses conclusions à la Justice. Faut-il en rire ou en pleurer ? Qu’un ex-Président rende enfin compte pour toutes les irrégularités commises sous son pouvoir ne peut que réjouir ceux qui militent pour la fin de l’impunité ; ceux qui se battent pour qu’on ne nous dise plus, chaque fois qu’un régime cède la main : « Tournons la page ! » ; et ceux qui, dans leur chair, ont enduré des injustices une décennie durant. Quoi qu’on dise, Ould Abdel Aziz ne fut pas un Président comme les autres. Il était aux premières loges lorsqu’il s’agissait de faire mal et il s’en délectait. Dès ses premiers mois au pouvoir, il donna un signal fort, arrêtant des hommes d’affaires, les traînant devant la police économique pour une affaire qui aurait pu être réglée à l’amiable. Puis il expédia en prison des directeurs et des présidents de la défunte Air-Mauritanie parce qu’ils lui étaient opposés. Un ex-Premier ministre qui refusait de cautionner son coup d’État ; un ex-président de Mauritania Airways auquel il imputait la faillite de cette dernière, alors qu’il n’avait aucun droit de regard sur sa gestion… Encore et toujours à régler des comptes personnels. C’est encore lui qui lança des mandats d’arrêt internationaux illégaux contre ses opposants qu’il avait contraints à l’exil. Qui plaça des sénateurs, des journalistes et des syndicalistes sous contrôle judiciaire. C’est toujours lui qui mit la justice en coupe réglée, pour en faire une épée de Damoclès au-dessus de tous ceux qui osaient lui dire non. II arrive toujours un jour où il faut rendre compte. Une justice immanente en somme.
                                                                             Ahmed Ould Cheikh

jeudi 16 avril 2020

Editorial: Confinons les impunis!

Une vaste et retentissante arnaque immobilière défraie la chronique marocaine depuis quelques jours. Un promoteur a vendu sur plans à au moins mille acheteurs de magnifiques futures villas à Casablanca… sans le moindre titre foncier ni permis de construire. Près de soixante millions d’euros ont disparu, clament les avocats des victimes. Si l’homme par qui le scandale est arrivé est maintenant en prison, restent d’innombrables questions sur les responsabilités et complicités qui ont permis cette vaste escroquerie. L’enquête suit son cours et il y a des fortes chances que toute la filière soit démantelée. Au Maroc, l’impunité n’est pas un vain mot. Contrairement à notre pays où les scandales à répétition ont émaillé la dernière décennie. Et aucune enquête sérieuse, encore moins de poursuites judiciaires ! Des exemples ? En veux-tu, en voilà à la pelle ! Le projet d’usine d’assemblage d’avions qui a englouti des millions de dollars sans même seulement un début d’exécution ; la coopérative féminine de microcrédits où des centaines de femmes ont contribué et dont le gérant a disparu avec un bon paquet de millions ; le projet « Sucre » impliquant au départ les Soudanais et qui s’est révélé un fiasco malgré les milliards injectés ; l’usine d’aliments de bétail d’Aleg, celle de lait de Néma, l’aciérie de Chami… et la liste est longue de projets foireux dont le pouvoir déchu s’est fait marque déposée. Personne n’a rendu compte pour ces milliards dilapidés. Aucune enquête ouverte. La Cour des Comptes et l’IGE ont fait comme si de rien n’était et ne se sont pas plus autosaisies qu’une justice aux ordres de l’Exécutif. Jamais l’impunité n’a autant mérité ses lettres de bassesse qu’au cours du règne d’Ould Abdel Aziz. Certes quelques seconds couteaux furent envoyés en prison pour du menu fretin comparé aux vastes opérations de détournement, blanchiment, mauvaise gestion et scandales financiers auxquelles se sont adonnés le parrain et son clan. Sinon comment expliquer qu’en dépit des énormes recettes générées par l’industrie minière, le pays se soit endetté, en dix ans, à près de 100 % de son PIB ? Quatre milliards de dollars de dettes que nous ont fourguées Aziz et son équipe pour un résultat quasi-nul ! Quelques centaines de kilomètres de bitumes tombés en décrépitude dès la première année, des centrales électriques et des lignes haute tension surfacturées, des hôpitaux et des centres de santé très mal conçus et sous-équipés, des sociétés d’État acculées les unes après les autres à la faillite et des échecs à la tire-larigot qu’il serait fastidieux de citer un à un… Une commission parlementaire a certes été mise en place pour plancher sur certains dossiers mais plusieurs questions restent en suspens. Ses conclusions seront-elles suivies d’effet ? Les responsables, y compris ceux encore aux affaires, seront-ils inquiétés si leur implication est avérée ? Assistera-t-on à la fin de l’impunité pour que plus jamais les ressources de ce pauvre pays soient massacrées par ceux-là mêmes censés en prendre le plus grand soin ? Le peuple n’en demande pas plus : confinons les impunis !
                                                                      Ahmed ould Cheikh

dimanche 29 mars 2020

Editorial: Si fragile Mauritanie

Coronavirus par ci, coronavirus par là... Depuis quelques semaines, on ne parle plus que de ce maudit virus et des dégâts qu’il occasionne à travers le monde : hôpitaux débordés, morts par centaines, villes confinées, populations déprimées. Et il y a de quoi. Jamais depuis les pandémies des siècles passées, le monde n’a connu une telle catastrophe sanitaire. Alors qu’on le croyait à l’abri d’un tel scénario grâce aux progrès de la science, le voilà incapable d’arrêter la propagation d’un virus. Qui ne cesse de faire des ravages. Avec seulement deux cas positifs, notre pays est jusqu’à présent épargné. Les mesures prises par les autorités dans ce cadre (mise en quarantaine des voyageurs en provenance des pays à risque, fermeture des aéroports et de la frontière avec le Sénégal et le Maroc, couvre-feu à partir de 18 heures) sont particulièrement appréciables. Prions pour que la promiscuité dans les marchés, les transports urbains et interurbains, les mosquées, les bureaux, les domiciles ne nous joue pas un seul tour. Que la situation reste sous contrôle jusqu’à la fin de la pandémie. Et qu’aucun des confinés ne soit porteur du virus. Le ministre de la Santé et ses équipes n’auront en tout cas ménagé aucun effort. Ils sont encore au four et au moulin. Et c’est comme ça à chaque fois que la compétence prend le pas sur les autres considérations dans les nominations. Le docteur Nedhirou en est en tout cas  la preuve formelle. Mais il lui reste bien des chantiers. Cette crise a mis à nu la situation des hôpitaux publics qui ne disposent pas du minimum vital : cinq lits de réanimation respiratoire (contre mille six cents au Maroc et sept mille en France), cinq respirateurs à circuit ouvert, quatre médecins pneumologues, aucune radio ou échographie mobile au lit du patient et la liste des carences est encore longue. Quand on sait que les malades atteints de Covid 19 ont  besoin d’être intubés en cas de détresse respiratoire, il y a de quoi avoir des sueurs froides. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Les milliards que nos hommes d’affaires ont généreusement offerts à notre pays doivent, en plus d’aider  ceux dont la crise a compromis les activités et, donc, leurs moyens de subsistance, servir à équiper nos hôpitaux. Nous ne pouvons pas rester les bras ballants face à la moindre urgence sanitaire. La santé, dit-on, n’a pas de prix… mais elle a un coût. Des hôpitaux ont certes poussé au cours de la dernière décennie mais ils n’ont servi, pour le moment, qu’à donner des marchés à des proches. Très mal construits, faute de contrôle sérieux, sous-équipés et surdimensionnés, ils commencent à tomber en ruines dès les premières années d’exploitation. Les exemples ne manquent pas. Nedhirou sait à présent à quoi s’en tenir, une fois cette crise dépassée. Il faut sauver l’hôpital public, si l’on ne veut pas aller au devant de grandes désillusions. Espérons que cette alerte soit sans frais et qu’elle nous serve de leçon pour l’avenir. Seigneur Dieu des bons enseignements, sauve la Mauritanie ! Elle est si fragile...
                                                                              Ahmed Ould Cheikh