jeudi 23 décembre 2021

Editorial: Exquis

 Jusqu’à quand les Mauritaniens continueront-ils à boire le calice – pardon, le thé… – jusqu’à la lie ? Cette boisson nationale que nous buvons du berceau au tombeau nous sera-t-elle interdite quand nos décideurs finiront par prendre le taureau par les cornes ? Il y a, en tout cas, de quoi tirer la sonnette d’alarme. Commandée par le Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés (CCME) et réalisée par un laboratoire français de renommée internationale, une étude sur le thé vert utilisé localement ne laisse plus de place au doute. Ingurgitant des quantités astronomiques de thé, comme nous savons si bien le faire en toute occasion, nous nous contaminons tous les jours à petit feu et risquons toutes sortes de maladies. Selon l’étude en question, « vingt-six pesticides ont été détectés au sein des dix échantillons de thé vert analysés. Parmi ces vingt-six molécules, huit sont présentes à des taux qui dépassent la Limite Maximale de Résidu autorisée (LMR), ce qui devrait leur interdire l’accès au marché européen. » Et non mauritanien, apparemment, puisqu’elles y circulent en toute liberté. Négligence et irresponsabilité dans toute leur splendeur... Mais le laboratoire ne s’arrête pas là : trois pesticides (chlorpyrifos, cyhalotrine et tolfenpyrad) sont présents dans dix échantillons sur dix, à des taux compris entre 200 et 11.000 % (!!!) de la LMR. De quoi devenir fou dans tous les sens du terme. Et, tandis qu’on ne se salue plus que du poing, Omicron exige, c’est à domicile et au bureau que se mijotent, à petit feu, disais-je, mais très aimablement tout de même, nos hépatites et autres cancers inexpliqués. Ainsi additionné de tant de chimies, n’est-il pas exquis, le goût de notre modernité si progressiste ?

                                               Ahmed Ould Cheikh

dimanche 19 décembre 2021

Editorial: Masochistes, les Mauritaniens?

Le Président s’en est affligé à Ouadane : « notre héritage culturel est terni […] par les survivances de l’injustice » générée par le système des castes dont les couches réputées « inférieures » furent – et demeurent à l’ordinaire – « les bâtisseurs de la ville et les artisans » de toute ingénierie, à l’instar, au Sud du pays, des producteurs agricoles. En bas de l’échelle sociale, « alors que le bon sens voudrait qu’elles en fussent à la tête », s’est-il insurgé, « acteurs de développement  à l’avant-garde des bâtisseurs de la civilisation ».

Ces mains étaient censées n’avoir pas de tête personnelle. 10% de nobles, guerriers ou zawayas, dépourvus, eux, de bras, pensaient pour elles. Et le système fonctionnait, profondément, viscéralement inégalitaire. Avec l’arrivée du principe « un homme, une voix », ces inégalités auraient dû logiquement disparaître. Or elles ne cessent de reprendre du poil de la bête, comme en témoigne la refloraison actuelle des « expressions tribales », notamment à chaque visitation présidentielle. Masochistes, donc, les Mauritaniens ? Ou tout simplement prosaïques ?

C’est que le vieux système avait ceci de protéger un tant soit peu tous ses membres, leur assurant au minimum la survie dans un milieu naturel des plus difficiles. C’est à cela que l’État de Droit prétend aujourd’hui, pour tous les citoyens, sans « privilège ni devoir sur la base d’une appartenance quelconque autre qu’à celui-là », a rappelé avec éloquence notre Président. Le rappeler, c’est bien ; le réaliser, c’est beaucoup mieux. Et l’impuissance à contrôler les hausses continuelles des prix des plus élémentaires nécessités, tout comme celle à établir un système universel réellement efficace de sécurité sociale, prouvent tout le contraire. « Si chacun aujourd'hui comprend, plus ou moins précisément », disait déjà l’un de mes amis lors de la Transition de 2005-2007, « l'impérieux devoir de l'État à assurer la cohésion nationale, l'intelligence de celui-ci, de ses plus éminents responsables à ses plus humbles exécutants, consiste à donner aux forces populaires suffisamment de coudées franches pour qu'une symbiose puisse se réaliser entre toutes ». Où en est-on, quinze ans plus tard ?

                                                                             Ahmed ould Cheikh

dimanche 12 décembre 2021

Editorial: Tribus hors-la-loi

 Feu Habib appelait « visitations » les visites du président de la République à l’intérieur du pays. Et ne cessa, tout au long de ses fameuses « Mauritanides », de les tourner en dérision ainsi que le cirque qui a les toujours accompagnées. C’était au temps de Maaouya, de la Direction nationale éclairée et du PRDS omnipotent. Seize ans après le départ de celui à qui il ne manqua que d’être intronisé roi, on n’est pas sorti de l’auberge. Que ce soit avec Aziz ou Ghazwani, les mêmes scènes se répètent inlassablement. Lors des derniers déplacements présidentiels à Timbédra ou Rosso, la république a montré son visage le plus hideux. Où le tribalisme règne encore en maître. Malgré une récente circulaire du ministère de l’Intérieur interdisant toutes réunions à caractère tribal, les tribus ont bravé l’oukase, en se réunissant au grand jour, amassant des fortunes, louant force voitures pour se déplacer en masse et assister à l’accueil. C’était la course à celle qui mobiliserait le plus de monde pour être la mieux « vue ». Un spectacle affligeant au 21èmesiècle dans un pays qui se prétend démocratique. Et l’on ne risque pas d’en sortir, tant que l’État n’aura pris le taureau par les cornes en sévissant contre ce genre de pratiques malsaines. Comme l’avait fait feu Mokhtar ould Daddah lorsqu’il limogea d’un coup des dizaines de fonctionnaires ayant assisté à une réunion à caractère tribal. Un coup de massue qui avait presque sonné le glas de cette entité. Avant que les militaires et leur démocratie de façade ne lui redonnent une seconde vie. Et à ce rythme, elle n’est pas près de s’éteindre…

                                                                                                                  Ahmed ould Cheikh

dimanche 5 décembre 2021

Editorial: Rentable, le ridicule?

 Après avoir ouvert un compte Facebook en son nom, l’ex-président Ould Abdel Aziz, entre autres poursuivi pour enrichissement illicite, blanchiment d’argent et détournement de deniers publics – excusez du peu – et placé en  détention préventive, l’a supprimé quelques semaines après. La faute sans doute au peu d’enthousiasme que cette page a suscité auprès des désormais rares soutiens de l’ancien guide si peu éclairé. Féru de réseaux sociaux, il s’est cependant rabattu sur Twitter et a commencé à l’inonder de messages, à l’instar du clown Trump (son modèle ?). Tous plus virulents les uns que les autres vis-à-vis du gouvernement à qui il ne pardonnera sans doute jamais de l’avoir déplumé et envoyé en taule. Un jour, c’est la loi des symboles qu’il fustige, lui qui symbolisait pourtant et plus que jamais l’omnipotence et qui envoya en prison tous ceux qui n’avaient pas l’heur de lui plaire. Un autre, c’est la hausse des prix  qui intéresse celui qui n’a jamais autant mérité, en son temps, le titre de « président des pauvres ». L’augmentation du budget de la Présidence et des salaires des députés ont eux aussi eu droit à des tweets rageurs. C’est à croire que celui dont l’exercice du pouvoir s’apparente à la casse du siècle, si l’on en croit les cavernes d’Ali Baba découvertes un peu partout, se soucie désormais du sort de ses concitoyens. L’hôpital qui se moque de la charité, serait-on tenté de dire… À l’instar de Trump, disais-je tantôt. Il est certes vrai que le ridicule ne tue pas. Mais serait-il rentable ? Quand on connaît la frénétique avidité des deux pitres, on s’interroge, tout de même…

                                                            Ahmed Ould Cheikh

mercredi 1 décembre 2021

Editorial: Seigneur de miséricorde, abrège nos souffrances !

 Le document faisant état de malversations à la banque Centrale de Mauritanie au temps d’Ould Abdel Aziz, que l’ex-conseiller du ministre de la Justice affirmait détenir par devers lui et qui lui valut d’être interpelé pendant deux jours par la police, a été divulgué par l’Observatoire du Civisme et des Libertés. Et il n’a dévoilé qu’une infime partie de ce que tout le monde savait déjà, un petit morceau d’un énorme iceberg de prévarication et de gabegie, une symphonie savamment jouée par tout un clan. Où la BCM joua allègrement sa partition, comme toutes les autres institutions de l’État. Comment aurait-il pu en être autrement, d’ailleurs ? Quand, dans un pays qui se dit islamique, son raïs reconnait avoir lui-même trempé dans des affaires louches avant même d’arriver à la tête de l’État, il faut s’attendre au pire une fois qu’il aura toutes les cartes en main. Et l’on n’a pas été déçu. On aura tout vu en une décennie. Même la banque Centrale, dont les méthodes de gestion et les procédures étaient systématiquement frappées du sceau de la rigueur – n’exagérons toutefois pas outre mesure… – n’a pas échappé à la boulimie ambiante. Elle s’est transformée en passoire où les principales devises se retiraient ou s’échangeaient en toute opacité. La suspecte N°1 dans l’affaire dite de la BCM déballa tout aux enquêteurs. Le procureur de la République en fit rapport à sa tutelle. C’est de cela que parlait Ould Haroun. Mais il n’y eut jamais de suite : pouvait-on, de fil en aiguille et d’aveux en dénonciations, inculper toute la république ? Il ne s’agit pas de couper un doigt gangrené ; la main, le bras – la tête ? – sont pourris. Y a-t-il donc une chance de sauver notre Nation ? On se prend parfois à souhaiter que le Jour Dernier vienne au plus vite…

                                                               Ahmed ould Cheikh

jeudi 18 novembre 2021

Editorial: Le monde à l'envers

 On ne parle plus que ça depuis plusieurs mois. L’opposition, ou ce qu’il en reste, l’a ouvertement critiquée. Les journalistes y ont vu une menace à peine voilée contre la liberté d’expression pourtant garantie par la Constitution. Et les bloggeurs, ce nouveau genre journalistique où tout un chacun peut déverser sa bile sur qui il veut, sont tous montés au créneau pour dénoncer une loi liberticide. La Société civile y a vu un dangereux précèdent qui risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Malgré toutes ces récriminations, le gouvernement l’a pourtant maintenue et l’a fait voter par sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale. La loi sur les symboles de l’État n’en finit pas de faire des vagues. Sera-t-elle un remake du fameux article 11, l’épée de Damoclès qui pendit sur nos têtes quatorze ans durant et qui justifiait la censure des journaux pour un oui ou un non ? Va-t-on l’activer à tout bout de champ pour justifier des arrestations et des condamnations ? Il y a fort à craindre que le gouvernement ne prépare un tour de vis contre ceux qui ont fait de l’insulte  leur sport favori. Pour rappel, la presse écrite (la seule qui avait pignon sur rue jusqu’à tout récemment), malgré son jeune âge et son manque d’expérience, ne versait pas dans l’insulte, l’invective ou la diffamation. Elle se contentait de dénoncer les tares du régime et de poser les vrais problèmes dont souffre le pays. C’est lorsque les réseaux sociaux, cette jungle où la loi du plus volubile est la plus forte, ont fait leur apparition que l’insulte s’est banalisée. L’interdire est même devenu entrave à la liberté. Le monde marche désormais sur la tête.

                                               Ahmed ould Cheikh

samedi 13 novembre 2021

Editorial: Mortifères blablas

 Depuis quelques semaines, un débat toxique anime les réseaux sociaux en Mauritanie. Une sorte de rage autour des journées de concertation sur l’enseignement lancées simultanément dans toutes les capitales régionales par le ministère de l’Éducation. Entre ceux qui prônent l’arabisation à outrance et l’exclusion de la langue française du cursus scolaire et ceux qui pensent qu’une telle orientation les laisserait au bord de la route, le torchon ne cesse de brûler. Un (faux) vocal attribué à Samba Thiam a mis le feu aux poudres sur Facebook et Whatsapp. Même si l’intéressé l’a formellement démenti, la tension n’a pas baissé d’un cran. Les manipulateurs derrière cet enregistrement ont atteint leur objectif : diaboliser un peu plus le personnage et démontrer que nos frères négro- africains font tout pour barrer la route à l’arabe, lui préférant la langue du colon. Il n’y a pas pourtant pas de quoi fouetter un chat. Notre système éducatif ne peut être monolingue. Il y a de la place pour l’arabe, le français et, pourquoi pas, l’anglais. Jusqu’à la réforme de 1979, l’enseignement marchait très bien. On y apprenait l’arabe et le français. Plusieurs générations de toutes les composantes nationales sont le fruit de ce système et les meilleurs cadres du pays, à ce jour, y ont été formés. Les idéologies importées qu’on veut nous imposer ont démontré ailleurs leur échec. Et même ici, lorsqu’on voit le nombre d’enfants ayant accompli leur scolarité dans un système hybride en sortir pratiquement illettrés. Il y a de quoi se poser des questions. Voulons-nous continuer à sacrifier des générations entières ou imposer un système parfaitement bilingue (ou trilingue) faisant réellement de l’école un creuset pour tous les fils de ce pays, comme il le fut toujours jusqu’à ces réformes de malheur ? Va-t-on enfin prendre le taureau par les cornes et dire à tous ces pêcheurs en eaux troubles : basta ! Paraphrasant Clémenceau, il est grand temps de se convaincre que l’école est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des militaires.

                                                                      Ahmed ould Cheikh

Editorial: D'Abidine en Trabelsi

La presse en a fait ses choux gras il y a quelques jours. Ce n’est pourtant qu’un cas parmi tant d’autres. Une société appartenant au patron des patrons (BIS TP) s’est vu attribuer le marché d’adduction en eau potable de la ville de Oualata à partir de la nappe du Dhar, d’une valeur de près d’1,3 milliard MRO. Qualifiée techniquement, elle n’est arrivée qu’en cinquième position lors de l’ouverture des plis financiers. Et le marché lui a été attribué ! Comme par miracle… Bénéficiant apparemment de complicités à tous les niveaux, Zeïn El Abidine ould Mohamed Mahmoud continue à rafler les marchés publics. Une « tradition » léguée par l’ex-Président qui le porta sur les fonts baptismaux,  lui offrant des marchés à la pelle pour en faire un associé qui ne dit pas son nom. Il l’a même propulsé, contre toute attente, à la tête de l’Union du patronat. On se demande d’ailleurs par quel autre miracle échappa-t-il à la commission d’enquête parlementaire qui a envoyé pour beaucoup moins que ça des hommes d’affaires à la nasse. Mais l’homme a plus d’un tour dans son sac. Comme pour démonter qu’il est  – encore ? Pour combien de temps ? – incontournable, il est en train de préparer sa réélection à la tête du patronat, en imposant des hommes à lui à la présidence de fédérations grandes pourvoyeuses de voix à l’heure de la consultation.

Il ya quelques jours, Belhassen Trabelsi, le frère de la tristement célèbre Leïla du même nom, a été, lui, arrêté en France. Celui qui faisait la pluie et le beau temps du temps de son beau-frère, raflant des milliards en marchés publics, ne sait plus où donner de la tête. Il a vadrouillé pendant dix ans avant de se faire alpaguer. Argent mal acquis ne profite jamais, dit le célèbre adage. Et quand le vent tourne, mieux vaut ne pas être un Trabelsi…. Plutôt un Abidine, donc ?

 

                                                       Ahmed Ould Cheikh

samedi 30 octobre 2021

Editorial: Omerta, encore et toujours ?

 Il a été arrêté pendant deux jours puis libéré sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Il, c’est Ahmed ould Haroun ould Cheikh Sidiya, ex-conseiller du ministre de la Justice qui a ravi la vedette à tout le monde après sa sortie tonitruante sur une télévision privée. Et pour cause : il y affirmait avoir en sa possession un document compromettant pour de hauts fonctionnaires dont certains sont encore aux affaires. Le document en question, photocopié au ministère de la Justice lorsqu’il y travaillait, fait état d’opérations en millions de dollars pour lesquelles le Parquet a demandé la conduite à tenir à son ministère de tutelle. Il aurait ensuite été transféré à la Primature et à la Présidence de la République où il a été mis sous le boisseau, dit-il. Il n’en faut pas plus pour que toute la République se mette en branle. L’homme est intercepté par la police au lendemain de son intervention et son ancien ministère se fend d’un communiqué rejetant des déclarations « politiques dégoulinant de mauvaise foi ».

En tout cas, l’homme reste droit dans ses bottes. Il détient bien le document, en montre une copie électronique aux policiers lors de son interrogatoire et promet de le diffuser en temps opportun. Mais le papier serait-il à ce point important pour justifier tout ce tapage? Si le gouvernement actuel n’a rien à se reprocher, puisque les faits sont antérieurs à son arrivée au pouvoir, pourquoi se met-il ainsi à découvert, en prêtant le flanc aux critiques qu’a suscitées cette arrestation ? Jusqu’à quand la loi du silence va-t-elle s’appesantir, chaque fois qu’on tente de dévoiler un pan d’une des multiples opérations qui ont saigné ce pays à blanc ?

Ould Abdel Aziz et son groupe sont entre les mains de la justice. Qu’elle suive son cours, à la bonne heure ! Mais il est inacceptable qu’elle soit sélective. Tous ceux qui ont mis la main à la pâte doivent répondre de leurs actes, quels qu’ils soient. La transparence qu’on nous a promise ne doit pas rester un vain mot, comme le fut le célèbre slogan de la lutte contre la gabegie dont Aziz fit son cheval de bataille. Avec le résultat qu’on sait.

                                Ahmed ould Cheikh

dimanche 17 octobre 2021

Editorial: Plus que quatre-vingt jours…

 « La presse se meurt, la presse est morte ». Combien de fois aura-t-on entendu cette litanie ? Depuis quelques années, en effet, la presse privée est au bord du gouffre. Si elle n’y est pas déjà. À la baisse des ventes – un phénomène mondial dû à la concurrence d’Internet –, l’absence d’une régie publicitaire capable de lui garantir un minimum de revenus pour faire face à des charges incompressibles, l’insignifiance du fonds d’aide alloué par l’État, la floraison de journaux-cartables encouragée par le pouvoir pour discréditer encore plus ladite presse libre, s’est ajoutée la décision inique concoctée par les âmes damnées du régime d’Ould Abdel Aziz – Ould Djay et Ould Hademine, pour ne pas les nommer – d’interdire à toutes les structures publiques et parapubliques de souscrire le moindre abonnement à celle-là. Une particulièrement cynique façon de les pousser à mettre la clé sous la porte. Et ils ont failli réussir.

N’eût été la volonté de fer affichée par les journaux les plus anciens de son paysage médiatique et grâce au soutien de quelques mécènes, notre pays allait se retrouver sans journaux indépendants, après avoir occupé plusieurs années de suite la première place du classement RSF pour la liberté de presse.
En quoi le changement de régime  a-t-il modifié la situation ? En pas grand-chose, serait-on tenté de dire. Certes la presse n’est plus diabolisée mais elle est toujours exclue des déplacements présidentiels et le Fonds d’aide, sur lequel elle fondait beaucoup d’espoirs, n’a pas dérogé à la règle au cours des deux dernières années. 2021 sera-t-elle meilleure ? En tout état de cause, ce ne sont pas les bonnes intentions qui manquent, au moins en paroles. Les actes ne valent que par leur intention, me direz-vous. Bien sûr. Mais que valent les intentions sans les actes ? À paver l’enfer, pour les meilleures d’entre elles ? Cela dit, 2021 n’est pas terminée : il lui reste encore quatre-vingt jours pour boucler son compte. Et l’on sera à mi-parcours du présent mandat présidentiel…

                                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 10 octobre 2021

Editorial: La carotte, de préférence au bâton !

 « Expression violente d’un ras-le-bol populaire vis-à-vis d’une crise endémique à plusieurs facettes », comme les a qualifiés le professeur Lô Gourmo, c’est peu dire  que les évènements de R’kiz doivent nous interpeler. D’abord par leur rapidité, leur ampleur et l’écho qu’ils ont reçu. Réseaux sociaux aidant, l’information a fait le tour du Monde en quelques clics. Ensuite par le danger que fait peser sur la paix sociale ce genre de troubles à l’ordre public.

Enfin par la nécessité – Que dis-je ? L’urgence ! – de prendre à bras le corps les multiples difficultés auxquelles fait face notre peuple meurtri par des décennies de gabegie, laisser-aller et démission de l’État. La leçon sera-t-elle retenue ? Accusés de complaisance et laxisme dans la conduite de leurs services respectifs, les responsables du département ont certes été tous limogés sans ménagement et le ministre de l’Intérieur entamé une tournée de prises de contact dans toutes les wilayas.

Mais la gestion de la crise a été entachée par des pratiques dont le pouvoir aurait bien pu se passer. Selon des ONG se basant sur plusieurs témoignages, certaines personnes arrêtées auraient subi des tortures. Ce qui n’a fait évidemment qu’aggraver les choses. Ce genre de situation demande tout-à-la fois du tact et une application stricte de la loi. En rajouter ne peut qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui voient, dans le tout-répressif, la panacée et, dans la démocratie, un luxe. La solution est pourtant beaucoup plus simple : donner à manger et à boire ; autrement dit, préférer la carotte au bâton.

                                                                              Ahmed ould Cheikh

vendredi 1 octobre 2021

Editorial: Le bien commun

Kobenni  il y a quelques mois, R’kiz la semaine dernière, une autre ville dans quelques jours peut-être : jusqu’ici pratiquement inconnue sous nos cieux, la tentation de l’émeute commence à entrer dans nos mœurs. Des scènes d’une rare violence sont filmées et diffusées en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit des jeunes – et des moins jeunes…  – dresser des barricades, brûler des pneus sur la chaussée, attaquer les édifices publics – et privés, comme à R’kiz… – et exprimer, invectives à l’appui, leur ras-le-bol face à la démission de l’État. Officiellement, les émeutiers protestent contre le manque d’eau potable et les délestages électriques. Mais, côté pile, le problème n’est-il pas plus profond ? Mal-être d’une jeunesse désabusée par le chômage et le manque de perspectives ? L’eau et l’électricité, qu’ils ont tout à fait raison de réclamer par ailleurs, ont-ils été la goutte (introuvable) qui a fait déborder le vase ou l’étincelle (tout aussi rare) qui a mis le feu aux poudres ?

Certes  il existe d’autres moyens – beaucoup plus civilisés… – pour se faire entendre mais nul n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. L’aspiration au changement tarde à se concrétiser alors que ce pauvre peuple pensait, après une décennie chaotique, qu’il allait enfin voir le bout du tunnel. Résultat des courses, son électricité est rationnée, il ne boit pas à sa soif et ne mange plus à sa faim, hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité oblige. Et voilà qu’on lui demande en plus de rester calme ! Lorsque le gouvernement tunisien décida, en 1983, d’augmenter le prix du pain et des produits céréaliers, le peuple manifesta sa colère.  Malgré l’état d’urgence et le couvre-feu, les émeutes firent plus de cent quarante morts. Le prix de l’annulation des augmentations qui s’en suivit dans la foulée ? Mais nous qui subissons toutes sortes de hausses, dans un climat alourdi de suspicions et de rancœurs entre ethnies et castes, un tel scénario « optimiste » est-il seulement envisageable ? Les émeutes de Kobenni, R’kiz et consorts sont plus probablement des avertissements d’une tout autre ampleur de chaos. À moins de miser, a contrario, sur une telle aventure, il faut agir. Et vite, si l’on veut vraiment le bien commun.

                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 26 septembre 2021

Editorial: Justice, tout simplement..........

 Deux anciens Premiers ministres, dont les noms figurent dans la liste des personnes poursuivies dans ce qu’il est convenu d’appeler le «Dossier de la Décennie », toucheront désormais la rente mensuelle que prévoit la loi pour les anciens chefs de gouvernement. Un juste retour des choses quand on sait que, même s’ils sont condamnés plus tard, cela n’enlève en rien leur droit à bénéficier de tels avantages. Les anciens sénateurs, dont Ould Abdel Aziz avait supprimé la chambre à la suite d’une procédure anticonstitutionnelle, toucheront leurs arriérés de salaires suspendus abusivement entre la période où ils votèrent contre les amendements constitutionnels et le referendum.  Ce n’est que justice, pourrait-on dire ici aussi. Mais les cas d’injustice et d’arbitraire, dont la dernière décennie se fit le champion, ne s’arrêtent pas là. Les ex-employés de la SONIMEX, de l’ENER et de l’Agence d’accès universel, pour ne citer qu’eux, continuent à battre le pavé pour réclamer justice. Jetés dans la rue, du jour au lendemain, par le seul fait du prince, des centaines de pères de famille se sont retrouvées subitement dans le dénuement. Les entreprises qui les employaient, au moins les deux premières, avaient pourtant suffisamment de ressources pour payer tous leurs droits. Mais personne ne s’en est vraiment préoccupé, nos responsables de l’époque ayant (beaucoup) d’autres chats, plus gras, à fouetter que de s’occuper de pauvres employés. Comment expliquer cette discrimination dans un pays qui se dit islamique où les droits sont censés sacrés ? Pourquoi cette politique de deux poids, deux mesures ?

                                          Ahmed Ould Cheikh

samedi 18 septembre 2021

Editorial: Changement?

Mohamed ould Ghazwani reçoit des députés français. C’est une Première pour lui, pas pour la Mauritanie qui avait inauguré le concept en 2009. Ould Abdel Aziz y avait englouti beaucoup d’argent, pressé qu’il était de se tailler une image de marque dans l’Hexagone. Mais pas plus qu’avec les journalistes et autres mercenaires de la plume chargés de l’impossible lobbying, les centaines de milliers d’euros dépensés n’avaient débouché qu’à un résultat… nul. Alors quoi d’autre, aujourd’hui ? Promotion des efforts de notre Assemblée nationale à assumer enfin sa fonction républicaine ? Du leadershipà tout le moins affiché de la Mauritanie au sein du G5 Sahel ? Du centre Zayed fondé par la Première dame ou de l’agence Taazour, nouvelles vitrines de la solidarité made in Mauritanie? Ou prévention d’éventuelles manœuvres de déstabilisation si coutumières à l’ex-puissance coloniale en son pré carré d’Afrique francophone, comme nous l’ont rappelé, il y a quelques années, les chars portant Ouattara au pouvoir en Côte d’Ivoire, plus récemment au Tchad et en Guinée ? Bref, le changement dans la stabilité rendu célèbre par Maaouya. À moins que ce ne soit, à la mode mauritano-mauritanienne, un bon coup de « changité dans le stabilement », notre sport national qu’identifia si bien le regretté Habib.

                                                                               Ahmed ould Cheikh

samedi 11 septembre 2021

Editorial: Ressuscitez la SONIMEX, vite !

 Cela  fait quelques mois – déjà trop… – que la valse des étiquettes fait crouler le père de la famille et la ménagère sous un poids de plus en plus insupportable. Il ne se passe pas un jour, en effet, sans que les prix des produits de première nécessité ne subissent une hausse injustifiée et même inexpliquée, en certains cas. Au niveau international, les prix sur les marchés et l’augmentation du coût du transport – parfois aussi des assurances – peuvent motiver la hausse des prix au niveau local, si l’on y ajoute les taxes que l’État impose et la marge des commerçants. Mais rien ne peut justifier la hausse des produits que nous produisons, comme le riz ou la viande, si ce n’est l’appât du gain, le laxisme de l’État et la passivité des citoyens. Quelle solution alors pour ce fardeau ? Il y a  quelques années, le pouvoir en place décida – ce n’est pas le moindre de ses crimes – de liquider la SONIMEX. Fondée au milieu des années 60, cette société jouait un rôle extrêmement important dans la stabilisation des prix (en important des produits comme le riz, le sucre et le thé, entre autres) et empêchait ainsi les citoyens d’être livrés à la voracité des commerçants. Ce qui ne disculpe pas le pouvoir actuel. L’État a une responsabilité dans la situation actuelle. Le Sénégal voisin vient d’annoncer la suppression d’une taxe sur les produits alimentaires importés qui fera perdre à l’État près de 47 milliards de FCFA. La seule façon de faire baisser les prix. Et nous, qu’avons-nous fait ? Cent boutiques témoins ouvertes par le patronat ? Une goutte d’eau dans un océan de besoins. Pourtant l’argent ne manque pas. Il suffit juste de l’utiliser à bon escient. A quoi donc – à qui ? – ont servi les quarante milliards déboursés chaque année à Taazour ? Tadamoune obtint, avec beaucoup moins, un bien meilleur bilan. Pourquoi ne pas ressusciter la SONIMEX avec une partie de cet argent dilapidé dans des études-bidons réalisées par des bureaux d’études tout aussi bidons ? Ce n’est déjà plus une idée, c’est une urgence.

                                                                       Ahmed ould Cheikh

dimanche 5 septembre 2021

Editorial: En toute sécurité?

 Quatre-vingt pages sur « Les causes profondes des violences et conflits communautaires dans l’espace du G5 Sahel » facturées à 250 000 € ! Presque une bagatelle cependant, au regard des  600 000 € concédées à trente-deux autres pages, rallongées, il est vrai, de diverses annexes et pompeusement intitulées : « Étude sur les dépenses de sécurité et leurs effets d’éviction sur le financement des dépenses de développement dans les pays du G5 Sahel»… Maman Sambo Sidikou, l‘ex-secrétaire exécutif nigérien du G5 Sahel, n’avait manifestement rien à refuser à ses proches, en dépit des difficultés financières de ladite organisation, chroniques depuis sa fondation en 2014.

Révélées conjointement par « Le Canard Enchaîné » et « Confidentiel Afrique », ces très généreuses amabilités font grand bruit. Notamment en ces pays sahéliens parmi les plus pauvres du Monde et d’autant plus que les travaux susdits ne sont, soulignent Hugues Desormaux et Ismaël Aïdara, les co-auteurs de l’article de Confidentiel Afrique, «ni spécialement bien rédigés, ni franchement remarquables par leur contenu ». En bref, des « études-bidons », selon les mots d’un chercheur fort respecté.

Bidons, on croit sur parole ce jugement d’expert. Mais ces études n’en sont pas moins fort instructives : Tertius Zongo, l’ex-Premier ministre du Burkina-Faso, avait à mesurer l’impact négatif des « dépenses de sécurité » sur le développement des pays du G5 ; Niagalé Bagayoko, l’ex-épouse d’un ambassadeur français, avait, elle, à documenter sur les causes profondes des violences au Sahel. Les trois cent quarante millions MRO empochées ont effectivement apporté une des plus pertinentes et lapidaires conclusions à ces recherches. Cinglante et méprisante, certes, pour les peuples sahéliens mais vraiment éloquente… Et, cerise sur le gâteau, suffisante pour hisser Maman Sambo Sidikou au poste plus prestigieux encore de Haut représentant de l’Union africaine au Sahel et au Mali. Il n’y a pas à dire : le Système vit toujours de beaux jours. En toute sécurité ? La question se pose… 

 

                                                                                       Ahmed ould Cheikh

samedi 28 août 2021

Editorial: Calculs...

 Dialogue, concertations, pourparlers, contacts directs… : la classe politique se chamaille autour de mots tendant fort probablement tous, au final, à la même chose. Une querelle sémantique à la limite de l’absurde. Du moment que le pouvoir tend la main, fait preuve de bonne volonté et accepte de discuter, le reste viendra. Le timing, la procédure et les sujets à débattre peuvent être définis d’un commun accord. Après avoir été toute la décennie passée – sauf ceux qui acceptèrent de jouer le jeu d’Ould Abdel Aziz –vilipendée, traitée de tous les noms et écartée de tous les dialogues initiés par celui-ci, l’opposition voit désormais le bout du tunnel. Mais, comme à chaque fois, ce sont ses propres démons qui la desservent. Et l’empêchent, conformément à une habitude bien ancrée, de parler d’une seule voix et de présenter un front uni lors des (futures) discussions avec le pouvoir. Pas plus tard que la semaine dernière, sa façade s’est de nouveau lézardée. Quelques partis ont subitement élevé – et très fort – la voix, en déclarant ne pas vouloir participer auxdits pourparlers. Malgré l’invitation adressée par l’UPR, au lendemain de leur conférence de presse, d’assister à une entrevue avec le président de la République, ils ont poliment décliné l’offre. Mais ça coûtait quoi, de venir présenter leurs arguments et défendre leur conception du dialogue ? S’ils ont peut-être d’autres objectifs, celui de diviser l’opposition paraît en tout cas bien réussi. Quelqu’un s’en réjouirait-il ? Qui donc ?

                                                                          Ahmed ould Cheikh

jeudi 19 août 2021

Editorial: Moitié plein, moitié vide ?

 Suite au deuxième anniversaire de l’investiture du président Mohamed ould Cheikh El Ghazwani, Le Calame avait donné, la semaine dernière, la parole à un échantillon représentatif de la majorité au pouvoir et de l’opposition, pour dresser le bilan des deux premières années du mandat. Si tous s’accordent sur un point : la pacification de la scène politique où les acteurs étaient à couteaux tirés durant la dernière décennie ; leurs avis divergent, parfois profondément, sur l’évaluation dudit bilan. Pour les représentants du camp présidentiel, la situation n’a jamais été aussi bonne, malgré le Covid-19, l’état catastrophique dans lequel ils ont trouvé le pays et la crise économique mondiale. Et de citer un certain nombre de réalisations« fondatrices », comme la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire ou l’octroi de l’assurance-maladie à cent mille familles démunies. Pour l’autre camp, rien n’a fondamentalement changé :le même système persiste ;les sujets qui fâchent, comme l’esclavage et ses séquelles, le passif humanitaire, la question nationale ou les inégalités sociales, sont toujours sur la table. Pire, l’opposition a perdu la voix, comme anesthésiée par les promesses du nouveau pouvoir qui continue pourtant à recycler nombre symboles de la décennie tant décriée.

Verre à moitié plein ou à moitié vide ? Incontestablement, Ghazwani a imprimé sa marque : humilité et pondération dans l’exercice du pouvoir, construction pas-à-pas de son projet, écoute relative de l’opinion…. ; mais que de laissés-pour-compte, oublis criants et autres zones d’ombre, pour ne pas dire entretien de pourritures ! La permanence de l’État justifie-t-elle de s’acharner à prétendre faire du propre avec du gâté ? Des situations – plus encore que des personnes – douteuses, voire carrément délétères, perdurent ; le danger d’explosions sociales demeure… Grandit ? Ce n’est pas jouer à Cassandre que d’en examiner l’hypothèse : la chose publique est réellement malade et si l’on peut s’accorder sur une médecine plus douce que chevaline, encore faut-il d’abord s’entendre sur un diagnostic lucide…

                                                                   Ahmed Ould Cheikh

jeudi 12 août 2021

Editorial: Sortis de l'auberge?

 

Sortis de l’auberge ?

10 August, 2021 - 21:15

1er Août 2019-1er Août 2021 : voici deux ans que nous avons tourné une page sombre de notre histoire récente. Après onze longues années de galère, piétinements de l’État, prévarications en tout genre, détournement de deniers publics par un clan mafieux, notre pays respiraitenfin. La passation de pouvoir se passa sans anicroche. Un nouveau président élu – avec certes l’appui déclaré de son prédécesseur… – prit les rênes du pouvoir dans une atmosphère empreinte de cordialité, tant Ould Abel Aziz avait cristallisé les mécontentements de ses ennemis et… de ses amis. Tous ont poussé un immense ouf de soulagement quand le despote que tout le monde pensait s’acheminer vers un inéluctable troisième mandatavait accepté de lâcher le pouvoir, sans doute contraint et forcé. Laissant derrière lui un héritage catastrophique, il se savait menacé et ne pouvait céder la bride qu’à un ami en qui il avait une totale confiance. Mais la pilule était trop grosse. Même « de quarante ans », son « ami » ne pouvait passer par pertes et profits ce qui s’apparente ni plus ni moins qu’à un désossement de l’État en bonne et due forme : caisses vides, dette extérieure à des sommets vertigineux, tous les marchés publics aux mains d’une poignée d’individus gravitant dans le giron présidentiel... 

L’opposition ne voulait en aucun cas rater l’occasion de tailler des croupières à celui qui l’avait tant vilipendée. Elle demanda la mise en place d’unecommission d’enquête parlementaire sur divers dossiers de la décennie écoulée. La suite, on la connaît. Sommes-nous pour autant sortis de l’auberge ? Le sort réservé à Ould Abdel Aziz et à douze de ses anciens collaborateurs et hommes d’affaires sera-t-il suffisant pour décourager d’éventuels nouveaux prévaricateurs ? On connaîtra la suite lorsque la Cour des comptes et l’IGE auront toute latitude pour travailler à leur convenance et publier leurs rapports. Notre peuple a trop souffertpour qu’on continue à protéger ceux qui confondent trop souvent servir et sévir.

 

                                                                                 Ahmed ould Cheikh

dimanche 8 août 2021

Editorial: Peut mieux faire

 Après une interview à Jeune Afrique, le 29 Juillet dernier, la première depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la République vient d’enchaîner deux entretiens successifs avec France 24/RFI en français et France 24 en arabe. Une opération de communication tous azimuts qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Alors qu’il s’était contenté, jusqu’à cet été, d’une seule conférence de presse avec la presse nationale, en Janvier 2020, Ghazwani retrouve subitement la voix. C’est de bonne guerre. Un président doit affronter la presse, se défendre et défendre son programme. Sans anicroches ni animosité, a contrario de ce que l’on vit lors de la décennie écoulée. Mais il ne s’agit surtout pas de parler pour parler. Une conférence de presse ne s’improvise pas. Outre le choix du canal, le timing et le public-cible, elle est censée annoncer une actualité importante ou une information sensible et demande une préparation minutieuse. Pour peu qu’ils soient sérieux et professionnels, les journalistes ne sont pas enclins à faire des cadeaux. Ils vous pousseront dans vos derniers retranchements. C’est leur boulot. Aussi tous les thèmes doivent-ils être préalablement passés en revue par l’équipe de communication du Palais… ainsi que les questions à éluder, les réponses « diplomatiques » à apporter à certains sujets sensibles et les chausse-trappes qui ne manqueront pas de jalonner l’entretien. La conférence de presse est un art tout aussi difficile quevsimple… si l’on s’y prépare avec sérieux. Les prochaines rencontres avec la presse seront sans doute meilleures : la vie, dit-on, est un apprentissage qui ne finit jamais…

                                                                Ahmed Ould Cheikh

dimanche 1 août 2021

Editorial: Obscur Flambeau

 D’une rare violence et dégoulinant de mauvaise foi, un pamphlet attaquant frontalement le ministre du Pétrole, Abdessalam ould Mohamed Saleh, a été publié la semaine dernière par un site de la place… avant d’être retiré quelques instants plus tard.  Juste le temps de permettre à des individus malintentionnés de s’en emparer et de le rediffuser sur les réseaux sociaux. Au-delà de l’attaque contre un ministre connu pour sa probité et qui a sacrifié, au service de son pays, un poste haut placé dans une institution internationale, ceux qui tirent les ficelles de ce genre de pratiques visent à ternir l’image d’un pouvoir dont le principal tort est de s’employer à mettre hors d’état de nuire un système mafieux qui a mis à genoux le pays. Mais s’ils n’en sont pas à leur premier coup d’essai, ce n’en sera, pas plus que les précédents, un coup de maître. Les avocats du ministre se sont en effet saisis de l’affaire et le ou les auteurs et instigateurs de ces basses œuvres finiront bien par être démasqués. Appliquée dans toute sa rigueur, la loi sur la cybercriminalité devrait alors donner à réfléchir par deux fois avant de s’attaquer à des responsables ou à des citoyens sans preuve.

Oui, il est grand temps de sévir. Les réseaux  sociaux sont devenus une véritable jungle où règne la loi du plus…. volubile.  N’importe qui peut se retrouver jeté, du jour au lendemain, en pâture à l’opinion. Certains en appellent même à la violence. D’autres n’hésitent pas à vilipender l’État et ses symboles. En toute impunité. « Les réseaux sociaux ont donné la parole à des légions qui ne parlaient, avant, qu’au bar », a fait remarquer Umberto Eco, « ils ne causaient aucun tort à la collectivité : on les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. […] Internet a repris le flambeau du mauvais journalisme. »

                                                                            Ahmed Ould Cheikh

dimanche 11 juillet 2021

Editorial: Chassez le naturel....

 Comme tout président de son époque sachant utiliser les nouvelles technologies à bon escient, il arrive à notre nouveau guide éclairé de tweeter de temps à autre, pour souhaiter bonne fête à ses compatriotes, leur présenter ses condoléances ou leur annoncer une bonne nouvelle. Une pratique qui inaugure une nouvelle ère dans la communication présidentielle.  Jadis emmurés dans leur tour d’ivoire, nos leaders successifs faisaient très peu cas de leur opinion publique, se contentant assez souvent de se faire interviewer par des organes de presse étrangers, alors que la presse locale suffisait amplement. À l’exception notable d’Ould Abdel Aziz qui la convoquait pour un oui ou un non, passant des heures à tirer sur ses adversaires et à se tresser des lauriers. Une opération qui tourna plus d’une fois au fiasco, l’homme n’arrivant jamais à maîtriser la moindre contrariété à ses augustes propos. D’un tempérament beaucoup plus posé que son fougueux prédécesseur, Ghazwani ne s’est prêté à ce jeu qu’une fois, il y a un an et demi environ, et s’en est plutôt bien sorti. Depuis, c’est sur Twitter qu’il a jeté son dévolu. À la veille de sa visite au Trarza, commencée et achevée le lundi 5 Juillet, il adressait ainsi un message qui fera date : « J’ai l’intention de visiter quelques localités au Trarza lundi prochain et je veux voir les choses telles qu’elles sont, sans maquillage ni fioritures. Je ne veux pas qu’on répare ou qu’on nettoie une route pour cette visite. Mon objectif est de voir et d’entendre directement les populations, sans intermédiaires. Je ne veux pas de compliments. Le pays en a assez des laudateurs. Quand je regarde les visites de mes prédécesseurs, je me demande comment les gens acceptent de se faire guider comme des moutons pour de tels carnavals. Ma visite au Trarza, je la veux différente des autres. Si vous êtes vraiment sincères dans votre soutien, aidez-moi à être différent des autres présidents qui, sans exception, ont pris le même chemin avec le résultat que l’on sait. »

Vous pouvez toujours rêver. Ce tweet n’a jamais vu le jour et la visite durera jusqu’à plus soif. Il est pourtant plus que jamais d’actualité, quand on voit le déploiement sans précédent de moyens matériels et humains auxquels cette visite a donné lieu. Des pontes des différentes moughataas de la wilaya se sont donné le mot d’ordre de tout faire pour mobiliser le plus de monde possible. Des pratiques qui avaient cours au cours des dernières décennies et qui continuent de plus belle. On se croyait dans une nouvelle ère où le pouvoir serait moins personnalisé mais on a vite déchanté. Chassez le naturel….

                                                                Ahmed Ould Cheikh

jeudi 1 juillet 2021

Editorial: reine de cœur

 Mohamed ould Abdel Aziz est en taule et monsieur Jean-Baptiste Placca éprouve une impression de gêne. Ce chroniqueur à RFI – et, détail non négligeable, ancien de Jeune Afrique… –  connaît si bien l’opinion de « notre » Afrique qu’il la croit convaincue de ce que l’ex-Président mauritanien a quitté le pouvoir « sans rechigner » et que le jeter en prison préventive au seul « prétexte » de n’avoir pas respecté les mesures de son contrôle judiciaire, c’est « humilier tout le peuple qu’il représentait encore il y a à peine deux ans ».

Les Mauritaniens rigolent. S’ils ne prétendent pas à la science de l’opinion de « notre » Afrique, ils ont, eux, cette prudence de suivre attentivement « leur » histoire nationale. Et, chats échaudés craignant l’eau froide, n’ont pas du tout oublié les douches que n’a cessé de leur administrer leur entortilleur de coups d’État relooké « président des pauvres », aujourd’hui « pauvre président ». Les manips 3ème mandat, ça vous dit quelque chose, monsieur Placca ? La fête 2019 de l’Indépendance, la référence 2020 de l’UPR, les tripatouillages 2021 sur les prix de première nécessité ? Et je ne vous parle pas de la fronde des députés en 2008... La technique Aziz, c’est la déstabilisation et les dernières astuces de l’agile agitateur – pleurs de crocodile si complaisamment médiatisés par Jeune Afrique, entrée fracassante au micro-parti de Louleïd, tentative d’OPA sur l’opposition… – auront assuré de sa virulence en ce sens.

Vous vous dites « perplexe », Jean-Baptiste. Mais faites le compte et vous conviendrez aisément qu’il y a largement de quoi prévenir les risques. Non seulement  pour notre chère Mauritanie tabassée de tant d’entourloupes. Mais aussi pour le tabasseur : car l’ordinairement placide opinion mauritanienne s’inquiète. Jusqu’à ce point s’excéder qu’elle en vienne à hurler : « Coupez-lui la tête ! Coupez-lui la tête ! »  à l’instar de la reine de cœur d’Alice au pays des merveilles ? Je ne tiens pas Ould Abdel Aziz en grande estime, c’est connu, mais ne lui en espère pas moins une fin autrement paisible. Après un procès d’autant plus digne et équitable que son contexte sera apaisé. C’est donc tout simplement sagesse que de faire attendre tranquillement l’excité à l’ombre. S’il n’y verra lui-même peut-être pas plus clair, les juges et notre opinion nationale – oui, elle a du cœur mais aussi le goût du juste ! – seront certainement plus sereins…  

                                                                             Ahmed ould Cheikh  

vendredi 25 juin 2021

Editorial: Double nationalité?

 Désormais, les détenteurs de la double nationalité ne pourraient plus briguer aucun poste électif : président de la République, député, conseiller régional ou municipal ; ni même devenir membre du gouvernement ? Fallait-il vraiment faire appel au ministre de la « Justice » pour annoncer une telle iniquité ? Et Mohamed Mahmoud ould Boyé de prétendre qu’avec cette modification du Code de la nationalité, « le pays va mieux bénéficier des compétences de sa diaspora ». En leur interdisant l’accès à la fonction publique ? On va où, là ? 

L’article 23  de la précédente loi 2010-019 d’Ould Abdel Aziz avait au moins ce bémol de réserver un délai de cinq ans à telle liberté civique et à celle régalienne de l’État de le lever. Injuste, le nouveau projet de loi n’est ni honorable ni fraternel. Après l’hymne et le drapeau, c’est à notre triptyque national que les militaires ont donc décidé de s’attaquer ? En ses aspects discriminatoires, cette nouvelle mouture est de fait anticonstitutionnelle en plusieurs de ses articles et contrevient brutalement aux multiples conventions et traités internationaux que la Mauritanie a ratifiés.  

Au final, les errements des articles 30 et 31 de la loi initiale 1961-112 sont à peine nuancés par l’abandon de la voie décrétale pour conserver la nationalité mauritanienne. La question demeure bel et bien de réguler, non pas d’abord la perte, mais avant tout l’exercice de celle-là, dans le cas où l’onen a acquis une ou plusieurs autres. On pourrait ainsi facilement entendre qu’il ne soit pas possible  de briguer le moindre poste électif ni même devenir membre de l’administration de deux différentes nations. Nonobstant, il n’est pas vain de le rappeler, le droit régalien de tout État d’employer qui il veut, quand il veut, au gré d’exceptions qu’il s’octroie. Faudrait-il donc ajouter « Lucidité » à notre devise triangulaire pour lui éviter les affreux contresens d’ambiguïtés manifestement plus diplomatiques que prétendument nationalistes ?

                                                                                                                        Ahmed ould Cheikh

dimanche 20 juin 2021

Editorial: Usés jusqu'à la corde

 Les nominations et permutations de  secrétaires généraux en divers ministères, ainsi que d’autres hautes fonctions, opérées lors du dernier conseil des ministres, n’ont laissé indifférents ni les internautes, ni la classe politique, encore moins les simples citoyens. Si certains y ont vu un juste retour des choses pour des hommes et des femmes qui ont soutenu le candidat Ghazwani et s’attendaient à être récompensés en conséquence, d’autres les ont considérées comme un éternel recyclage ou, pour être méchant, un acharnement thérapeutique. Il n’est en effet guère normal que les mêmes continuent à occuper le devant de la scène, comme si le pays ne pouvait plus s’en passer. La Mauritanie regorge de cadres compétents et honnêtes qui ne demandent qu’à être mis à l’épreuve. Plusieurs de nos cadres expatriés sont eux aussi prêts à se mettre au service de la Nation. Tout le monde se dit enclin à mettre la main à la pâte. Mais, comme l’a si bien dit Mohamed El Mounir, à condition de ne pas  « privilégier, dans les nominations aux plus hautes responsabilités publiques, les considérations personnelles, relationnelles et clientélistes à l’impératif de l’efficacité ». Une recette qui  « constitue à l’évidence », précise ce juriste, « un passeport pour l’échec et même un échec programmé ».

Le Président avait promis une rupture avec les (mauvaises) pratiques courant sous son prédécesseur. Il a manifestement encore du chemin à parcourir pour honorer ses engagements. Le peuple  qui l’a soutenu et pris au mot attend toujours que les promesses se concrétisent. Pas seulement celles relatives aux nominations. On ferait bien cependant de rappeler  aux rêveurs que « les promesses n’engagent que ceux qui croient. » Et, aux résignés, qu’il y a certainement beaucoup mieux à faire qu’à relooker un ex usé jusqu’à la corde…

                                                                                             Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 juin 2021

Editorial: Pourquoi?

 Comme à son habitude tous les soirs, il est sorti de chez lui vers 21 heures pour aller prier à la mosquée du quartier où les fidèles l’apprécient à sa juste valeur. Sur le chemin du retour, il achète du couscous pour le diner de sa famille et, tenant le sachet dans une main, égrenant son chapelet dans l’autre, le voici à marcher d’un pas lent, tranquille. Probablement à mille milles de seulement imaginer qu’il puisse rencontrer, sur son chemin, trois lascars empiffrés de substances psychotropes… qui abrégeront sa vie pour quelques centaines d’ouguiyas et un petit téléphone.

Le meurtre, perpétré de sang froid à Toujounine dans la soirée du jeudi 3 Juin dernier, du professeur Mohamed Salem ould Elouma, par une bande de jeunes voyous repose encore une fois le problème de l’insécurité à Nouakchott. Depuis quelques semaines, il ne se passe pratiquement aucun jour sans que des agressions à main armée, viols et/ou meurtres ne soient déplorés dans les différents quartiers de notre capitale. Malgré la multiplication des commissariats de police, les rondes des gardes et des gendarmes, la situation n’a cessé d’empirer. Inquiets, les citoyens exigent plus de rigueur dans la traque des bandits et une application beaucoup plus stricte des sentences judiciaires. C’est en effet secret de Polichinelle que la justice fait parfois preuve de laxisme et que nos prisons, au lieu d’être des centres de réhabilitation comme on en voit partout dans le monde, sont devenues des lieux d’endurcissement criminel où, confronté à une réalité sans pitié, le délinquant s’aguerrit, pour devenir plus dangereux encore une fois dehors. D’autres n’hésitent plus à réclamer ouvertement le retour à la peine de mort, conformément à la Chari’a. Oui, il y a quelque chose de pourri en notre république islamique. Mais ce n’est pas en éliminant l’effet qu’on supprime la cause. Il va nous falloir critiquer en profondeur et très lucidement nos schémas d’intégration dans la modernité…

                                                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 5 juin 2021

Editorial: Cohérence?

 Après plusieurs semaines d’attente, le remaniement ministériel a été enfin annoncé en fin de semaine dernière. Depuis que le Président a claqué la porte lors d’un conseil des ministres, mécontent qu’il serait des prestations d’une équipe qu’il s’est pourtant librement choisie, la rumeur n’a cessé d’enfler. On disait partante la majorité de l’attelage gouvernemental, pour insuffler un sang nouveau et dégager des ministres dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas donné satisfaction. Au final, seuls trois sont éjectés. En attendant d’autres remaniements qui ne manqueront pas d’intervenir, probablement sous peu. Il est en effet devenu une habitude que ces mouvements soient à chaque fois jetés en pâture à l’opinion pour la distraire. Et, comme à l’accoutumée, elle s’en est délectée jusqu’à plus soif. Tout le monde y est allé de sa petite analyse : les dosages tribalo-régionaux ont été encore une fois respectés ; l’expérience n’a pas été nécessairement primée et des considérations pas toujours objectives ont été prises en compte... Certes il faut de tout pour faire un monde mais on aurait pu mieux faire. En procédant de la sorte, Ghazwani veut peut-être imposer sa touche par... petites retouches. En gardant quelque temps des ministres de son prédécesseur, avant de les écarter jusqu’au dernier, il se donne le temps de former son équipe. Cette fois sera-t-elle la bonne ? À quand la fin de cette instabilité gouvernementale ? Nous en sommes tout de même presque à mi-parcours du présent mandat de Ghazwani, il semble grand temps d’en saisir la cohérence…

                                                                                                      AOC

samedi 22 mai 2021

Editorial: En l'attente des signes de l'Heure

 Ce qui se passe actuellement en Palestine occupée, principalement à Gaza, défie toutes les imaginations. Non content d’envahir le territoire, de bombarder ses populations et de les étouffer économiquement, la Sionie (1) s’entête à poursuivre sa politique d’expropriation des terres au profit des colons. Il ne se passe pratiquement pas un mois sans qu’une nouvelle colonie ne voie le jour à Gaza, Ramallah ou en Cisjordanie, réduisant à la portion congrue une Palestine fragmentée en « territoires » (2) déjà fortement surpeuplés. Il y a quelques jours, la tentative de faire main basse sur le quartier dit Cheikh Jarrah, non loin d’Al Aqsa, a mis le feu aux poudres. À la violence aveugle de l’État sioniste, bombardant des quartiers résidentiels et tuant des centaines de civils innocents, a vaillamment répondu la Résistance palestinienne. Un déluge de bombes s’abat quotidiennement sur les villes sionistes à commencer par Tel Aviv où les sirènes d’alarme ne cessent de retentir, suscitant une psychose que ce pays n’avait plus connue depuis le lancement, par Saddam Husseïn de ses missiles SCUD en 1991. Une situation nouvelle pour un pays surprotégé, surarmé et qui se croyait invincible. Quelques missiles ont pourtant suffi à casser ce mythe et sont en train de changer le rapport de force au profit d’une poignée de combattants aguerris et convaincus de la justesse de leur cause. Si bien que les Occidentaux ont fait savoir au Hamas qu’ils conditionnaient leur aide à la reconstruction de Gaza à l’arrêt des bombardements sur un allié dont ils n’ont à aucun moment condamné les crimes contre l’humanité qu’il ne cesse de commettre en Palestine occupée.

Le tout dans un silence de cathédrale de la majorité des pays réputés musulmans. Plus exactement, de leur gouvernement respectif. Car, en Mauritanie comme ailleurs, le peuple gronde. Patient et confiant en Dieu, il attend les signes de l’Heure. Soyez certains, Sionistes, qu’il y répondra, comme un seul homme, et que vos crimes, aujourd’hui, ne font que renforcer cette conviction.

 

                                                                              Ahmed Ould Cheikh

 

 

1.: Triste occasion de rappeler à nos lecteurs la position de notre journal à refuser de nommer l’entité sioniste par son usurpation du nom d’Israël, le doux prophète Yacoub (PBL), et nous incitons tous les musulmans et musulmanes sincères à faire de même. La Sionie ou Souhyouniya suffit amplement à distinguer la parodie d’État « démocratique » incrusté dans le terreau béni de tant de prophètes de Dieu.

2. : Selon l’expression consacrée par les Sionistes et significative de leur état d’esprit très inspiré des colons européens en Amérique du Nord et de leurs « réserves » indiennes.

vendredi 14 mai 2021

Editorial: En travers de la gorge

 Après une interview-fleuve à Jeune Afrique où il s’est attaqué, comme à son habitude, à tout ce qui ne bouge pas selon ses vues, pouvoir et opposition dans un même sac, Ould Abdel Aziz a remis le couvert mercredi dernier lors d’une nouvelle conférence de presse. Depuis son mariage contre-nature avec le parti de Saad ould Louleïd, l’ex-Président semble sur des charbons ardents. Fort significative, sa hâte à croiser le fer avec ceux qui, selon lui, sont en train de le diaboliser et de réduire « sa » décennie à une page sombre de notre histoire nationale. Et il ne s’est pas privé, notre ex-guide éclairé (à l’énergie solaire– of course ! – après avoir été pris en flagrant délit de fraude à l’électricité) : suffisant à souhait, impulsif, parfois colérique, il s’en est pris… à tout le monde !À ses interlocuteurs d’abord dont il a menacé de renvoyer la moitié « s’ils ne se calmaient pas » (sic !). Au pouvoir qu’il accuse de se détourner des problèmes essentiels du pays. À l’opposition qui a démissionné. Aux députés qui ont reçu, dit-il, trois cents millions d’anciennes ouguiyas pour approuver la fondation d’une commission d’enquête parlementaire et dont les salaires ont connu une augmentation sensible. Une requête que lui-même avait rejetée, menaçant de dissoudre l’Assemblée si le budget de l’État n’était pas approuvé dans les 48 heures. À la presse et aux bloggeurs que l’augmentation des budgets de fonctionnement des différentes structures de l’État permet, dit-il encore, de « calmer » dorénavant. À l’armée qui n’est pas exempte de mauvaise gestion, surtout du temps où il était aux affaires et malgré ses efforts à réduire son train de vie…

Malgré deux heures d’horloge et de logorrhée incoercible, le public est resté sur sa faim. L’homme qui promet à chaque fois des « révélations », se contente de s’écouter, ressassant la même litanie. Rien sur « la » question qui fâche et à laquelle tout le monde cherche une réponse : d’où provient l’immense fortune qu’il a accumulée en onze années de pouvoir ?Un nœud gordien qu’il faudra bien trancher un jour ou l’autre et qui lui semble toujours coincée en travers de la gorge. On comprend certes son angoisse et son besoin de se rassurer en hurlant désespérément au complot. Mais on n’en exigera pas moins l’extraction. C’est qu’il s’agit, mon bon monsieur si soucieux du bien commun, d’une affaire publique : ce n’était pas d’une société anonyme dont vous étiez le président…

                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 2 mai 2021

Editorial: La gazra, comme naguère?

 Deux hommes poignardés à mort à Nouadhibou à quelques minutes d’intervalle ; une jeune fille égorgée à Nouakchott où il ne se passe pas une nuit sans qu’un meurtre ne soit signalé dans une des zones de non-droit où pullulent les gangs ; vols à main armée en plein jour, viols à répétition : l’insécurité atteint désormais des proportions inquiétantes. Malgré la multiplication des commissariats de police, les rondes nocturnes de la Garde et de la gendarmerie, les numéros d’urgence mis à la disposition des citoyens, rien n’y fait. La situation devient de plus en plus intolérable. Plus personne ne se sent en sécurité chez lui. C’est à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, qu’une bande armée, trop souvent sous l’emprise de psychotropes, peut débarquer dans un domicile, agresser ses occupants et les délester de leurs biens. S’il est vrai que la police obtient souvent de bons résultats lorsqu’il s’agit d’élucider des affaires de grand banditisme ou de meurtre, le ciel ne s’est pas éclairci pour autant. La faute à qui ? À une justice qu’on dit souvent complaisante et dont les peines ne sont pas appliquées avec toute la fermeté requise ? À une société qui a perdu ses valeurs et ses repères et n’a pas réussi à intégrer ses fils ? Aux familles qui ont échoué dans leur éducation ? Sans doute un peu de tout cela. Faut-il pour autant baisser les bras et dire que c’est une évolution « normale » ? Que la criminalité est le corollaire d’une urbanisation galopante ? Ou, plutôt, d’une paupérisation quasiment statutaire de trop de gens ? Où sont les perspectives de profit et d’avenir, pour notre jeunesse ? La gazra, comme naguère ?

                                                                                                  Ahmed ould Cheikh

dimanche 25 avril 2021

Editorial: Imposture

 L’art de l’interview, c’est le choix des questions. Dans celui concocté tout récemment avec Ould Abdel Aziz, par une « Jeune Afrique » dont nul n’aura oublié le singulier entrain à rafistoler, au cours de la décennie passée, l’image de notre putschiste national, on retiendra d’abord le message subliminal de leur agencement : fanfaronné opposant dès l’entame de l’entretien, l’ex-Président ne se voit plus situé, à son terme, qu’en sa relation, unique, avec l’actuel tenant du pouvoir. Exit donc les procédures pénales devant l’évidence de la seule alternance viable : c’était moi, c’est lui, ce sera moi demain, même si « ce n’est pas mon souhait » mais « je  veux simplement que les choses changent »…

Pour faire éclore une telle burlesque suggestion, il aura fallu tout de même vingt-huit questions et autant de réponses dont le surréalisme, parfois, ne semble guère avoir ému Jeune Afrique. En commençant par zapper allègrement « la » vraie question des modalités du démentiel enrichissement d’Ould Abdel Aziz. Réduite à la portion (in)congrue : « Avez-vous déclaré votre patrimoine ? » ; celle-ci s’est vue liquidée tout aussi hâtivement par un « Oui, en arrivant et en partant » que la suivante, relative à la nature des quarante-et-un milliards d’anciennes ouguiyas récupérées par le Procureur, a délayé dans un magma de « biens appartenant aussi à de tierces personnes » et le couvert de ce qu’aucune de  ces propriétés « ne porte juridiquement mon nom ».

Convention avec Arise au détriment des Mauritaniens ? « Tout ce qui a été dit de ce dossier passé plus de dix fois en Conseil des ministres, et à chaque fois perfectionné, est faux ». Caisses de l’État auditées, SNIM dont l’Inénarrable réduit abruptement la gestion à celle de sa société d’assurances :« aucune irrégularité » ; « s’il y en eut, comme dans tous les pays du Monde », […] « les responsables ont été sanctionnés ». Coups d’État ? « Tout était fermé […] j’y ai été obligé […] pour aider à ancrer la démocratie dans mon pays. » Valises bourrées d’argent au départ de Nouakchott pour Istanbul ? « Je n’ai même pas emporté un seul dollar […] tellement  j’étais pressé de laisser le nouveau président s’occuper de son pays ! »

On va donc pleurer beaucoup sous les tentes. Mais consolez-vous, braves gens ! Il ouvrira son cœur,« le président parfait et modèle lors de sa sortie » (une éloge dont Son Emportée Boursouflure aurait cependant certainement mieux fait de laisser à ses lèche-bottes le soin de lancer)! « Je ne veux pas me barricader  derrière l’article 93 ! », clame-t-il haut et fort,« Oui, je parlerai devant la justice ! »C’était donc cela le scoop de Jeune Afrique ? Quoiqu’il en advienne, s’il s’intéresse à la vie des puissants et aussi douteux soit le premier milliard – voire les suivants… – du Nabab, « cela ne veut pas dire que je ne m’intéresse pas à la vie de mes bergers ! », rappelle inextremis l’incorrigible opportuniste. Accourez au parti : le « Président des pauvres » remonte en selle ! Peut-être le sauverez-vous de la potence…

                                                             Ahmed ould Cheikh

dimanche 18 avril 2021

Editorial: Gonflé à bloc

 Soumis par un juge d’instruction à un contrôle judiciaire strict, après avoir été inculpé pour : blanchiment d’argent, corruption, enrichissement illicite, obtention d’avantages indus et obstruction au déroulement de la justice, entre autres – excusez du peu… – Ould Abdel Aziz, dont une grande partie de la colossale fortune qu’il a amassée vient d’être gelée, ne s’avoue pas vaincu. Après une première tentative d’OPA sur un minuscule parti, le voilà à tenter un nouveau mariage contre-nature avec Ribat. Dirigé par Saad ould Louleïd, un membre fondateur d’IRA qui n’hésitait pas à traiter Aziz de dictateur et connut un séjour mouvementé en prison, avant de retourner sa veste contre quelques marchés substantiels, ce groupuscule fit chou blanc lors des dernières élections, ne réussissant pas à obtenir même le moindre conseiller municipal.

Se rêvant de Gaulle – Ah, la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf… – Ould Abdel Aziz cherche à enfiler la tunique du sauveur. Et de brosser, dans le communiqué annonçant ses fiançailles, un sombre tableau de la situation du pays… mais sans un mot sur la procédure judicaire qui le vise avec douze de ses anciens collaborateurs et parents, ainsi  que l’origine des montants faramineux qui ont tant choqué l’opinion publique. Florilèges de cette étonnante stratégie : « L'état de déclin et de recul que le pays connaît aujourd'hui menace l'unité nationale et les réalisations ; […] cette situation s'est traduite par un déclin significatif du niveau moral et éthique, l'abandon des principes et un net déclin de l'état des libertés individuelles et collectives. […] L'état de régression et la dégradation constatés au niveau  administratif et financier ne se sont pas arrêtés à ce point seulement, mais l'ont dépassé jusqu'à l'éviction de la simple main-d'œuvre nationale des moyens de subsistance naturels nationaux grâce aux richesses minérales, maritimes et agricoles. […] Les services administratifs sont dans une situation catastrophique car l'administration est revenue une époque antérieure marquée par le laisser aller et  la corruption […] Les marchés de complaisance et l'emploi sur des bases politiques et familiale ont refait surface […] L’opposition et l’Assemblée nationale dans le même sac, elles ne jouent plus aucun rôle ». Signé Ould Abdel Aziz.

Le ‘’président symbole’’, comme l’appellent ses rares soutiens (sans préciser de quoi au fait) n’imagine sans doute pas qu’il a brillamment décrit la situation qu’il nous a fait endurer pendant une décennie.

 Si, si, j’ai vérifié, ce n’est pas un fake new ! Vraiment gonflé, l’ex-Président ! Arrête, arrête, tu vas finir par éclater ! C’est « un peu » (beaucoup trop !) l’hôpital qui se moque de la charité.

                                                           Ahmed ould Cheikh

lundi 12 avril 2021

Editorial: Pignon tribal sur rue

 Saisissantes, les images parlent d’elles-mêmes. Saisissantes... et désespérantes, pour reprendre le qualificatif du professeur Lô Gourmo. La dernière visite du président de la République au Hodh Charghi a dévoilé une nouvelle fois le visage hideux d’un pays qui n’arrive toujours pas à se départir du carcan du tribalisme, dans toute sa laideur. Des banderoles affichant ouvertement les noms des tribus et/ou des familles, le long du parcours présidentiel souhaitaient la bienvenue à l’illustre hôte. Alors qu’on croyait la tribu, cette entité abstraite, en net recul, là voilà qui s’affiche à nouveau sans vergogne. Pour faire valoir ses valeurs morales, dans une saine compétition avec ses consœurs ? Loin de là, hélas ! Comme le dit si bien Lô Gourmo, la tribu est ici réduite à « un lobby, un groupe de pression, une force de frappe qui dérègle le fonctionnement normal de l'État et alimente les mécanismes des exclusions (des autres "tribus", ethnies et races) autant que ceux des usurpations (d'argent, de compétences, de titres, etc.) ».  Est-ce de n’avoir su lui donner un statut cohérent et lisible, dans le développement de la modernité, l’abandonnant ainsi à ses pires dévoiements ? Ou de n’avoir pu lui substituer un contrat social assez conséquent pour convaincre les porteurs de pancartes et de banderoles de l’attrape-nigauds où les confinent les sangsues de la chose publique ? Toujours est-il qu’en cette période de vaches faméliques, la tribu a pignon sur rue. Et il y a sans doute mieux à faire qu’à jouer aux Cassandres ou aux autruches…

                                                                                     Ahmed ould Cheikh

dimanche 4 avril 2021

Editorial: Primauté du bien commun

 La facilité déconcertante avec laquelle un individu a pu déjouer les règles de sécurité, en se  faufilant jusqu’au tarmac et  prendre possession d’un avion- heureusement vide, en dit long sur la situation qui prévaut dans un aéroport où rien ne doit être laissé au hasard. Imaginez si cette personne était armée ou tenait par devers  elle une bombe, même artisanale. Ou l’avion bondé de monde. Certes rien de tout cela ne s’est produit mais l’alerte a été chaude et doit servir de leçon pour éviter que l’irréparable ne se produise. Des questions se posent : Comment ce monsieur a-t-il pu atteindre le tarmac ? A-t-il enjambé le mur ? Pourquoi les caméras de surveillance ne l’ont-elles pas repéré ? N’y en avait-il tout simplement pas ? Comment a-t-il pu entrer dans l’avion ? Parla passerelle ? Que faisait-elle alors là, puisque l’avion était au parking ? Il est un secret de Polichinelle qu’il règne, sur le plan sécuritaire, une belle pagaille à l’aéroport Oum Tounsi dont les premiers responsables ne sont autres que ceux censés veiller à sa sécurité. N’importe qui peut s’introduire jusqu’à la salle d’embarquement sans être inquiété, pourvu qu’il soit bien épaulé.

Tout le monde garde encore en mémoire l’histoire du policier qui avait apporté, il y a quelques années, une arme à un apprenti terroriste à l’intérieur d’un avion qu’il tenta de détourner sur Las Palmas avant d’être maîtrisé par le commandant de bord et quelques passagers. Le policier fut révoqué… avant d’être réintégré.

Il paraît nécessaire de confier la sécurité à une société privée qui a déjà fait ses preuves ailleurs et qui appliquera, à tout le monde sans distinction, de strictes et rigoureuses mesures. La tâche ne lui sera pas aisée, on lui mettra beaucoup de bâtons dans les roues. Mais aussi vitaux puissent paraître, à certains, les intérêts économiques que touchera une telle décision, ils ne le seront jamais autant que celui, tout simple et décisif, de la survie de tous : un voyage en avion n’est pas une promenade à dos d’âne… Le bien commun n’est pas une vue de l’esprit : c’est d’abord une réalité concrète dont la primauté doit s’imposer à tous.

                                    Ahmed Ould Cheikh