samedi 30 janvier 2021

Editorial: A bannir, sans tergiverser

 Partira, partira pas ? Le dossier dit de la corruption, dont l’enquête préliminaire confiée à la police chargée des crimes économiques et financiers a été bouclée depuis belle lurette, n’a toujours pas été transmis au Parquet. Des sources parfois autorisées, d’autres dites dignes de foi, n’ont cessé de donner son renvoi pour imminent. Mais on n’a rien vu venir. Lasse d’attendre et comme la nature a horreur du vide, l’opinion s’est tournée vers des enregistrements qui lui ont été servis, comme par miracle, en ce moment précis. Pour détourner l’attention ?  Un homme d’affaires qui s’entretient avec  son cousin, un ancien Premier ministre qui discute avec un ami, un responsable de la communication d’un parti qui rend compte à son vice-président... Les vocaux qui ont fuité n’ont rien apporté de nouveau : pas de déclarations fracassantes ni révélations sulfureuses. Juste un rappel que nul n’est à l’abri d’une telle violation de sa vie privée ou de ses communications personnelles. Des méthodes qui connurent leur apogée au cours de la dernière décennie et dont les responsables évoluent encore en toute impunité. Inacceptable dans un État qui se veut de droit. Une enquête minutieuse doit être menée pour que ceux qui s’adonnent à telles pratiques reçoivent les châtiments qu’ils méritent. En application de la loi, dans toute sa rigueur et quel qu’en soit le prix. Pour qu’il n’y ait plus jamais ça sous nos cieux. Aziz est parti en 2019. Faisons en sorte que sa page soit définitivement tournée.

                                                                                                Ahmed ould Cheikh

dimanche 24 janvier 2021

Editorial: Casseroles

C’est devenu une (mauvaise) habitude. Chaque fois qu’Ould Abdel Aziz est convoqué par la police chargée des crimes économiques et financiers (que le Parquet a chargé de mener l’enquête sur les scandales de la décennie) ou que le dossier de la corruption fait un pas en avant, un enregistrement audio, une vidéo ou des documents, que leurs auteurs pensent compromettants, sont jetés en pâture à l’opinion. Mettant en cause des hommes du pouvoir actuel ou des membres du sérail, ils sont censés porter un coup à leur crédit et à leur réputation. Comme pour leur signifier que nul n’est à l’abri et que ceux qui tirent les ficelles ne sont pas immunisés contre les coups tordus. Pas plus tard qu’hier, un enregistrement audio d’une conversation téléphonique entre Ould Bouamatou et un de ses parents a fait le tour du Web. Elle n’apporte pourtant rien de nouveau, sauf peut-être un message à ceux qui pensent qu’Ould Abdel Aziz et ses sbires ont jeté l’éponge. Bien naïfs ceux qui croient un instant qu’en onze ans de pouvoir, celui qui fit main basse sur le pays et acquit, aux frais du contribuable, les dernières technologies de suivi, traçage, enregistrements de communications et espionnage en tout genre, se laisserait faire sans combattre. Chaque jour qui passe nous renseigne un peu plus sur les capacités de nuisance de l’homme. Attendons-nous donc à de nouvelles révélations fracassantes dans les semaines à venir. À moins que la justice ne l’ait mis, d’ici là, au frais. En tous les cas, les casseroles qu’il traîne auront fait tant de bruit que tout le reste ne sera plus audible…

                                                                                                                   Ahmed ould Cheikh

dimanche 17 janvier 2021

Editorial: Dangereux précédent

 Le dossier dit de la corruption a enfin bougé. L’ex-Président Ould Abdel Aziz, les responsables et les hommes d’affaires qui y sont impliqués ont été convoqués par la police chargée des crimes économiques et financiers pour signer leurs procès-verbaux d’audition. Tous se sont prêtés au jeu, sauf Ould Abdel Aziz qui se planque toujours derrière l’article 93 de la Constitution censé lui garantir une immunité. Tout comme il n’a cessé de dénier aux policiers la possibilité de l’interroger, refusant systématiquement de répondre à leurs questions. Ce qui, tout compte fait, ne change rien à la donne. Les dossiers seront transmis au Parquet qui procédera, à son tour, à un nouvel interrogatoire avant d’envoyer tout ce beau monde devant un juge d’instruction qui peut, au vu des éléments dont il dispose, soit les envoyer tous en détention préventive ou les mettre sous contrôle judiciaire en attendant un procès. Qui s’annonce d’ores et déjà retentissant. C’est la première fois, en effet, qu’un ancien président de la République est trainé devant les tribunaux pour malversations, gabegie, détournement de deniers publics. En une décennie, Ould Abdel Aziz a saigné ce pays à blanc avec la complicité de responsables véreux et d’un clan vorace. Si la justice suit son cours normal – ce dont beaucoup commencent à douter vu la lenteur de la procédure –il n’aura que ce qu’il mérite : une expropriation en bonne et due et forme et quelques années derrière les barreaux. Mais il ya loin de la coupe aux lèvres. Le système qui nous dirige n’a pas encore dit son dernier mot. Laisseront-ils un des leurs jeté en pâture au risque d’un dangereux précédent ?

                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 10 janvier 2021

Editorial: Quintuplement de nos deuils?

 Une année s’achève. Sous le signe du Covid-19. Cette maudite pandémie qui a mis le monde sens dessus-dessous, nos nerfs à rude épreuve et nos économies à terre.  Qui a fermé les frontières, cloué les avions au sol et étouffé les systèmes de santé. Qui a pénalisé l’éducation, ruiné le sport et réduit au chômage des millions de personnes. Bref, un petit virus invisible à l’œil nu qui a tout chamboulé. Et qui n’est pas près de s’arrêter, vu sa deuxième vague que les scientifiques redoutaient et qui s’est révélée plus meurtrière que la précédente. Ici plus qu’ailleurs. Chaque jour apporte en effet son lot de contaminés et de décès. Des centaines de familles sont en deuil. Une peine d’autant plus insupportable que l’État, craignant une contamination en série, entoure la toilette mortuaire, la prière funèbre et l’enterrement d’un maximum de précautions, limitant à une dizaine de proches l’assistance à ces rites aussi nécessaires qu’apaisants.

Rapportés au nombre total d’habitants, les chiffres communiqués quotidiennement par le ministère de la Santé laissent perplexes. Pourquoi autant de morts (plus de trois cents) en si peu de temps (un mois et demi environ) ? L’épidémie échappe-t-elle désormais à tout contrôle ? La prise en charge des malades n’est-elle pas à la hauteur ? Quelle thérapie utilise-t-on dans nos structures hospitalières ? Nous avons besoin de savoir pour ne pas mourir (cov)idiots. Nous avons surtout besoin d’apprendre à vivre avec les virus : deux vagues… avant la énième ; Covid-19... avant Coplein-10000… l’urbanisme moderne multiplie les risques et les mutations. Bien plus que de nous obliger à nous masquer, à ne plus serrer la main de quiconque, à déserter les mosquées, les virus nous commandent de renforcer, chacun, nos défenses immunitaires ; à cultiver non pas la peur mais la santé de notre corps… et  de notre esprit. Avec notamment la lucide conscience de cette autre réalité : notre population a quintuplé en quatre-vingt ans. Au prix du quintuplement de nos deuils ?  

 

                                                                                           Ahmed Ould Cheikh