lundi 29 octobre 2012

Editorial : Du plomb dans la tête


Tir ami, legère blessure au bras, balle perdue dans le ventre présidentiel, opération chirurgicale de quelques heures puis évacuation en France le lendemain. La virée nocturne du président s’est transformée, en moins d’une heure, en affaire d’Etat. Où tout et son contraire ont été dits. Officiellement et avant même qu’on sache de quoi il en retourne, on nous a servi, sur un plateau, la version d’un tir de sommation d’éléments de l’Armée dont la voiture présidentielle avait forcé le barrage. On dit souvent que plus le mensonge est gros, plus il a de chances de passer. Mais là, on a  eu du mal à le gober. Et on s’est posé, à juste titre, quelques questions basiques. Pourquoi le lieutenant n’a-t-il pas tiré sur les pneus, au lieu de viser le chauffeur ? Et pourquoi seulement celui-ci et non les autres passagers, a priori aussi potentiellement dangereux ? Pourquoi une voiture n’appartenant pas à l’armée, avec, à son bord, un officier et un sous-officier, tous deux en tenue civile, loin de leur base, prendrait-elle en chasse une voiture, comme ça, au pif ? Si Ould Abdel Aziz a été réellement blessé à quarante kilomètres de Nouakchott, comment pouvait-il arriver à l’hôpital, en état de marcher, alors qu’il était censé avoir perdu  beaucoup de sang, vu la nature de sa blessure? Il y a encore beaucoup de zones d’ombre autour de cette affaire. Et ce n’est pas la calamiteuse sortie au journal télévisé du dimanche soir du lieutenant, auteur présumé des tirs, qui convaincra les sceptiques. Du coup, il y a fort à parier qu’on n’en saura pas davantage, avant quelques années ou quelques décennies. Les secrets d’Etat, comme ceux d’alcôve, sont, d’ordinaire, très  jalousement gardés.
Toujours est-il que les organes officiels de presse, les médias proches du pouvoir et une rumeur qui s’est propagée comme une traînée de poudre, ont fini, à force de nous mentir, par nous faire croire à cette version. Même Le Calame y est allé de son couplet, en titrant, à la Une : ‘’ Une imprudence majeure ’’. Imprudence certes, majeure aussi : il s’agissait, quand même, du premier citoyen du pays. Mais où, avec qui et qu’est-ce qui l’a provoquée? On ne saura, probablement jamais, la vérité, cette page ayant été tournée, du moins provisoirement, permettant, à la machine de propagande, d’exploiter le filon dans un tout autre sens. La santé du président, le peu de gravité de ses blessures, ses audiences à l’hôpital, ses coups de fil, son arrivée (très) prochaine à Nouakchott, pour assister à la prière de l’Aïd… Comme pour démontrer, à ceux qui en doutent encore, que son ombre plane bien sur le pays et que, même  diminué, il continue à régenter notre vie. Mais il y a un fait contre lequel tous les propagandistes réunis ne peuvent  pas grand-chose : rien ne sera plus comme avant. Notre président, qui a fait, du tout sécuritaire, sa priorité numéro un, a failli se faire avoir comme le premier venu. Va-t-il, pour autant, relativiser les choses et se dire que nul n’est pas plus infaillible qu’invulnérable, quelle que soit la force dont il dispose ? Va-t-il poser les pieds sur cette terre éphémère où la frontière, entre la vie et la mort, est ténue ? Espérons, pour lui, qu’il tirera les leçons de cette mésaventure. Pour son bien. Et le nôtre. Car à quelque chose malheur est bon.
Après avoir frôlé la catastrophe, à un tournant de son histoire, au moment où la menace de guerre, au Nord-Mali, fait peser les plus graves dangers, notre pays a besoin d’un sursaut patriotique, d’une gestion concertée – et non plus unilatérale – dirigée par une tête bien pensante, bien plombée et moins casse-cou. C’est un impératif, pour traverser, à moindre frais, cette étape cruciale. Faute de quoi, la balle, perdue ou non, risque de n’être qu’un épiphénomène, à l’échelle du big-bang en instance d’explosion…
Ahmed Ould Cheikh

samedi 20 octobre 2012

Editorial : Atypique…


Alors qu’il devait être, avec ses pairs, à Kinshasa, pour le sommet de la Francophonie, lui, le grand amateur de voyages inutiles, Ould Abdel Aziz s’est fait tirer dessus, samedi dernier, non loin de Nouakchott. Officiellement, par des éléments de l’Armée stationnées à Tweyla (40 kilomètres au nord de la capitale) dont il aurait négligé l’ordre de s’arrêter. Touché à l’abdomen, il a été immédiatement conduit à l’hôpital militaire où une équipe médicale l’a aussitôt opéré. Dès les premières heures de la soirée, les nouvelles, y compris les plus fantaisistes, ont commencé à circuler. Alors que les chaînes de télé et de radio étrangères multipliaient les flashs, la TVM faisait un gros plan sur le congrès de l’UPR, tandis que le pays tout entier avait les yeux rivés sur l’hôpital militaire. L’innovation et le courage n’étant pas les vertus cardinales de nos organes de presse publics, il a fallu tirer du lit le ministre de la Communication, le présenter, en boubou, sur le plateau du journal télévisé de 21 heures 30, et le laisser déclarer que le président n’était que ‘’ légèrement blessé au bras par un tir de semonces ’’ d’éléments de la gendarmerie. Rien qu’à voir la façon dont il parlait, on pouvait aisèment se rendre compte qu’il n’était guère convaincu de ce qu’il disait. Et l’opinion publique ne s’y est pas trompée, d’ailleurs, en accordant très peu de crédit à une hypothèse tirée par les cheveux. Au cas où elle s’avèrerait, il y a lieu, tout de même, de poser un tas de questions. Comment le président de la République pouvait-il circuler dans une voiture banalisée, en pleine zone militaire, sans prendre les précautions d’usage ? Pourquoi ne s’est-il pas arrêté aux premiers tirs de sommation ? Il est imbu de lui-même et entêté, certes, mais tout de même… S’il était, comme on l’a dit, sur le chemin du retour, il savait donc qu’il y avait des militaires dans la zone et un danger potentiel, pourquoi n’a-t-il pas fait preuve de prudence, en demandant une escorte ?
Toujours est-il qu’on s’est retrouvé avec un président mitraillé, à bout portant, qui ne doit la vie sauve qu’à la piètre qualité de tireur du lieutenant qui l’a, prétendument, pris en chasse. Evacué en France après une opération réussie, du moins en apparence, Ould Abdel Aziz a tenu à parler à la télévision, pour rassurer les Mauritaniens sur son état de santé. Fatigué, il avait de grandes difficultés à articuler mais la Nature (et le pouvoir) ayant horreur du vide, il voulait, d’abord, envoyer un message à ceux qui veulent l’enterrer un peu tôt, pour leur signifier qu’il est encore là. Et qu’il n’a pas abdiqué. Mais, en attendant, qui va tenir le pays ? La Constitution, faite sur mesure par Ould Taya, ne prévoyant pas de vacance temporaire du pouvoir, il y a de fortes chances que le Haut Conseil de Sécurité (HCS), structure issue de l’ancien HCE, renaisse de ses cendres, pour tirer les ficelles jusqu’au retour du président. A moins que celui-là ne décide de se passer de celui-ci, comme l’ont fait les Guinéens avec Dadis Camara. La comparaison est, certes, loin d’être flatteuse mais le parcours de notre président n’a absolument rien de normal. Ni la modalité de son accession au pouvoir, en destituant un président parce que celui-ci l’avait limogé, ni l’élection qu’il a organisée et gagnée, dès le premier tour, contre toute logique, ni la manière avec laquelle il dirige le pays et méprise ses habitants, encore moins la façon avec laquelle il a failli perdre la vie.
A l’issue de sa victoire en France, Hollande s’est voulu un président ‘’ normal ’’. En Mauritanie, nous avons un président atypique…
                                                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 14 octobre 2012

Editorial : Chassez le naturel…


Selon diverses sources et confidences recueillies auprès de la délégation, la mission dirigée par le commissaire aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire  et aux relations avec la société civile aurait connu un cuisant échec à Genève, contrairement à la thèse que certains membres de la délégation mauritanienne ont tenté d’accréditer, une fois revenus à Nouakchott. La réunion, organisée, en marge de la réunion des ministres de divers pays, entendait exposer les progrès réalisés en matière des droits de l’Homme en Mauritanie. L’affaire agiterait le sommet de l’Etat et des têtes pourraient bien tomber, au retour du ministre des Affaires étrangères à Nouakchott. En ligne de mire, le premier conseiller de l’ambassade de Mauritanie  en Suisse, accusé  d’avoir fait avorter ladite réunion. Dans quel intérêt ? Notre diplomate serait-il assez puissant pour faire infléchir RSF, l’ONU, la FIDH et autres organismes des droits de l’Homme ? Le directeur de cabinet de la présidence de la République aurait, en tout cas, été saisi pour le vider. Un bouc émissaire ?
Pour la petite histoire, seule une trentaine de personnes, dont quelque trois ambassadeurs de la sous-région, ont répondu à l’invitation des responsables mauritaniens. Cet échec serait dû, semble-t-il, à l’improvisation des organisateurs, notamment l’ambassadeur de Mauritanie en Suisse ; au choix du timing et au contenu de la journée. Les mêmes sources notent que l’ambassadeur, qui n’aurait pris part à aucune réunion avec ses pairs, a piloté en solo la préparation de l’évènement, ne traitant qu’avec des ONGs  africaines qui auraient « produit des factures ».  
Néanmoins, on se demande comment l’évènement aurait pu coûter « les yeux et la tête » à l’ambassade : salles gratuites, quelques sandwiches en guise de cocktail, service plus que minimal pour la petite trentaine de participants…  Selon toujours les mêmes sources, il s’agirait, en fait, d’une vulgaire opération de « blanchiment » au moment où le gouvernement mauritanien dit combattre la gabegie. Cela fait désordre et il serait temps qu’une mission de contrôle tire au clair cette affaire.
Rappelons qu’il y a quelques années, une affaire de gros sous avait déjà éclaboussé notre représentation diplomatique en France. Des missions fictives et autres combines du même genre avaient été pointées du doigt. Redondance ? En tout cas, affaire à suivre…
                                                                                                                                                   AOC