dimanche 25 mai 2014

Editorial: Flagorneurs dans l’âme

Une petite anecdote circula, il y a quelques années, à Nouakchott, lors de la naissance de l’UPR, le nouveau parti/Etat. Lui présentant la liste des cinquante membres du Conseil national de cette formation politique, le président du parti et son adjoint avaient, selon cette rumeur, expliqué, à Ould Abdel Aziz, qu’il ne serait pas mauvais d’en augmenter le nombre, pour englober le plus possible de sensibilités. Et le président de la République aurait répondu : « cinquante flagorneurs ne vous suffisent donc pas ? » On disait, par-là, qu’Ould Abdel Aziz, qui avait côtoyé Maaouya de très près et vu ce dont les Mauritaniens étaient capables, ne voulait pas voir les mêmes méthodes se renouveler. Pas avec lui, en tout cas. D’où son slogan de renouvellement de la classe politique.
Au vu de ce qui se passe, ces derniers jours, serait-il en train de changer d’avis ? Pas un jour, en effet, sans qu’une initiative lui demandant de se présenter pour un second mandat – même si c’est déjà fait – ou lui déclarant son soutien « sans conditions ». Il faudrait beau voir qu’elle en ait, d’ailleurs, des conditions. Mais bon, ce qui va sans dire va mieux en le disant, dit-on. Des dizaines et des dizaines d’initiatives, aux noms de régions, de collectivités ou même de familles, ont ainsi vu le jour, rien qu’au cours de la dernière semaine. Les orateurs qui se sont succédé ont, invariablement, demandé, aux militants et sympathisants, de «s’investir pour la réélection, au premier tour du président-candidat Mohamed Ould Abdel Aziz » avant de mettre en exergue « les réalisations importantes»  du premier mandat du président de la République,  qui ont contribué à « l’amélioration des conditions de vie des populations mauritaniennes ». Tous doivent, donc, «unir leurs efforts  derrière le président de la République, afin l’accompagner pour, d’abord, préserver les acquis ; ensuite, poursuivre et parachever l’œuvre qu’il a engagée, depuis  le 8 août 2008 ». Ça ne s’invente pas, ce genre de slogans copiés-collés et l’on se croit revenus dix ans en arrière, aux heures de gloire du PRDS et de son guide éclairé.
Ould Abdel Aziz n’a, pourtant pas, besoin de tout ça. Il est mieux placé que tout le monde pour savoir que ceux qui sont en train de l’applaudir, des deux mains, seront les premiers à déclarer leur soutien, à ses tombeurs, dès demain. Pourquoi se voiler, alors, la face ? En l’absence de vrais challengers, l’élection présidentielle ne sera, pour lui, qu’une promenade de santé. Il aurait tout à gagner à ne pas laisser ses soutiens s’abaisser au point de devenir ridicules. A moins qu’il ne cherche à montrer, à la face du Monde, la vraie nature des Mauritaniens : des flagorneurs dans l’âme.
                                                                                                              Ahmed Ould Cheikh

samedi 17 mai 2014

Editorial : Aux bottes, l’alternance !



Le bâtonnier de l’Ordre national des avocats et éphémère candidat à la présidentielle du 21 juin prochain, s’est retiré de la course. La nouvelle a été annoncée dimanche, en fin d’après-midi, lors d’une conférence de presse. Le bâtonnier, qui faisait ses premiers pas en politique, a jugé vain de participer à une élection qui n’offre aucune garantie de transparence. Il rejoint, ainsi, la position du Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) qui, après plusieurs rounds de négociations avec le pouvoir, a décidé, à l’unanimité, de ne pas prendre part au scrutin. Le forum considère, à juste titre, qu’il serait suicidaire de légitimer un processus sur lequel on n’a aucune prise. Comme lors de l’élection présidentielle de 2009, lorsque l’opposition s’est fait rouler dans la farine. Ould Abdel Aziz était certes coopté, à l’époque, par la Communauté internationale qui n’a ménagé aucun effort pour lui baliser la route qui mène à la Présidence.
Ould Bouhoubeyni – néophyte, il est vrai – était, pourtant, considéré comme un candidat crédible dont le discours, tranchant, risquait de faire mal. Grand pourfendeur du régime en place, il n’a eu de cesse de l’attaquer sur au moins un aspect qu’il maîtrise mieux que tout : l’indépendance de la Justice qu’il a toujours qualifiée de chimère. Sa présence risquait, donc, de crédibiliser, un tant soit peu, une élection sans aucun poids lourd de la politique en face d’Ould Abdel Aziz. Même Messaoud, qu’on pensait lié, pour un long bail, à notre rectificateur en chef, s’est démarqué de la consultation, en annonçant son boycott.
Que se passera-t-il, à présent ? S’achemine-t-on vers une élection sans enjeu ? Une victoire sans gloire pour le président sortant ? Un score à la Corée du Nord ? On pouvait pourtant éviter d’en arriver là. Si chacun avait mis du sien, on aurait pu aller à un scrutin apaisé. Pour qu’enfin cette crise qui couve, depuis 2009, ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Il est permis de rêver, non ? Ou doit-on se préparer, une nouvelle fois et comme toujours depuis trente-cinq ans, à l’inéluctabilité d’un coup d’État, dans un an, deux, dix, apparemment seule issue d’alternance, en notre république aux bottes ?
                                                                                            Ahmed Ould Cheikh

dimanche 11 mai 2014

Editorial : Marcher vers notre devise nationale



Les Haratines ont marché, la semaine dernière, à Nouakchott. Et pas qu’eux. Toute la Mauritanie a marché avec eux. Dans sa diversité. Si l’on exclut trois leaders de cette communauté qui ont décidé de la lâcher, au moment où elle a le plus besoin de se montrer forte et unie. Messaoud, Boydiel et Biram se sont, en effet, rétractés. De façon inexpliquée et guère plus explicable. Chacun suivant son agenda personnel a fini par ordonner, à ses militants, de ne pas prendre part à la manifestation. N’empêche : la marche fut un succès. Partis de la mosquée marocaine, les marcheurs ont battu le macadam jusqu’à la mosquée Ibn Abass où un grand meeting a été organisé. Dans une ambiance bon enfant, les Mauritaniens se sont donné la main pour dénoncer la marginalisation dont une communauté est victime et demandé plus de justice sociale et d’équité. Ils ont condamné plusieurs siècles de servitude, de domination, de labeur et d’exclusion.
Jamais, depuis l’Indépendance, le problème des Haratines n’a été traité avec une volonté politique sincère, pour lui trouver une solution définitive, capable d’assurer un règlement cohérent à une situation plus complexe qu’il n’y paraît. Le mouvement El Hor, fondé au milieu des années 70, fut la première secousse contre un ordre bâti sur la domination. Les esclaves commençaient timidement  à prendre conscience de leur situation. On leur offrit, en 1981, une loi interdisant l’esclavage mais elle ne fut suivie d’aucune mesure d’accompagnement, pour permettre aux affranchis de s’insérer dans la vie active ou de bénéficier de terres. 1984 voit, enfin, un haratine entrer au gouvernement. Mais
la loi de 2007, criminalisant l’esclavage, ne fut qu’un énième coup d’épée dans l’eau. Elle n’a jamais été appliquée. Les gardiens de l’Ordre règnent toujours en maîtres.
Que faire à présent ? Il est grand temps que tout le monde se mette autour d’une table et discute, en toute franchise. La Mauritanie a besoin de tous ses fils. Et c’est plus qu’un anachronisme qu’au 21ème  siècle, notre pays soit encore cité parmi les pays où perdurent l’esclavage et la discrimination raciale. C’est calomnier notre prophète (PBL) que de seulement laisser suggérer qu’il ait eu l’objectif de perpétuer de telles situations. Nos oulémas doivent rendre, à l’islam, son intention première. Rétablir l’esprit qui fit, de Bilal, une des plus hautes figures de l’Oumma. Indiquer des voies, paisibles et équitables, d’accomplir notre devise nationale : honneur, fraternité, justice. Les faits, hélas, le démontrent : nous en sommes loin.
                                                                                                         Ahmed Ould Cheikh

samedi 3 mai 2014

Editorial : De grâce, avancez !



Le dialogue est fini. Suspendu puis rompu.  Deux semaines durant, nous n’avions d’yeux que pour ce qui se tramait au Palais des congrès. Des chamailleries sur qui ouvrirait les débats. Des discussions à n’en plus finir sur qui représenterait le gouvernement. Et des débats, interminables, sur de multiples pierres d’achoppement qui les ont empêchés d’aller plus loin.  Avant que l’opposition ne s’avoue « vaincue » et ne se décide à déposer les armes. Certes, il serait facile d’accabler une opposition victime de ses divisions, de ses errements, de ses mauvais choix et de son absence de vision à court terme. Mais le pouvoir, aussi, porte une grande part de responsabilité dans cet échec. Fort de son emprise sur l’Etat, Ould Abdel Aziz aurait pu lâcher du lest. Il avait tout à gagner dans une élection consensuelle et transparente. Mais, jamais, depuis son élection en 2009, il n’a donné l’impression de vouloir véritablement discuter avec son opposition. Si l’on exclut le dialogue de 2011 où des avancées – importantes comparées à ce qui prévalait auparavant – ont été obtenues. De la poudre aux yeux, selon l’opposition radicale. Avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, on aurait pourtant pu faire l’économie de tous ces dialogues et passer aux choses sérieuses. Le pays a trop de difficultés pour continuer à se perdre ainsi en conjectures. Qui ne l’avancent pas d’un pouce vers le règlement d’une crise politique qui commence, sérieusement, à lui empoisonner la vie.
Alors, messieurs de la majorité et de l’opposition, de grâce !, retrouvez-vous autour d’une table, discutez de nouveau, projetez-vous vers l’avenir et pensez, une fois au moins, à ces pauvres citoyens qui crèvent la dalle, dans un pays pourtant riche en potentialités ! Mais si pauvre de sa classe politique…

P.S. qui n’a rien à voir
Pourquoi Ould Bilal a-t-il été limogé ?
La nouvelle a surpris plus d’un. Lors de sa dernière réunion, le Conseil des ministres a décidé le limogeage de Mohamed Ould Bilal, le directeur général de la SOMELEC. Sans donner d’explications. Ould Bilal, qui occupait le poste de ministre de l’Equipement sous Sidioca, avait été rapidement récupéré, après le coup d’Etat d’août 2008 par MOAA qui en fit le directeur de la SAMIA, d’ATTM et, enfin, de la SOMELEC. On les disait même proches. Comment expliquer, alors, ce qui s’apparente à une défenestration ? S’il s’agissait d’un problème de gestion, on aurait pu le dire, à titre d’avertissement aux apprentis-gabegistes visibles encore un peu partout. Cela conforterait, également, l’idée que la lutte contre la gabegie n’est pas un vain mot. Mais tout cela n’est encore qu’une hypothèse parmi d’autres. Attendons voir…
Ahmed Ould Cheikh