dimanche 11 mai 2014

Editorial : Marcher vers notre devise nationale



Les Haratines ont marché, la semaine dernière, à Nouakchott. Et pas qu’eux. Toute la Mauritanie a marché avec eux. Dans sa diversité. Si l’on exclut trois leaders de cette communauté qui ont décidé de la lâcher, au moment où elle a le plus besoin de se montrer forte et unie. Messaoud, Boydiel et Biram se sont, en effet, rétractés. De façon inexpliquée et guère plus explicable. Chacun suivant son agenda personnel a fini par ordonner, à ses militants, de ne pas prendre part à la manifestation. N’empêche : la marche fut un succès. Partis de la mosquée marocaine, les marcheurs ont battu le macadam jusqu’à la mosquée Ibn Abass où un grand meeting a été organisé. Dans une ambiance bon enfant, les Mauritaniens se sont donné la main pour dénoncer la marginalisation dont une communauté est victime et demandé plus de justice sociale et d’équité. Ils ont condamné plusieurs siècles de servitude, de domination, de labeur et d’exclusion.
Jamais, depuis l’Indépendance, le problème des Haratines n’a été traité avec une volonté politique sincère, pour lui trouver une solution définitive, capable d’assurer un règlement cohérent à une situation plus complexe qu’il n’y paraît. Le mouvement El Hor, fondé au milieu des années 70, fut la première secousse contre un ordre bâti sur la domination. Les esclaves commençaient timidement  à prendre conscience de leur situation. On leur offrit, en 1981, une loi interdisant l’esclavage mais elle ne fut suivie d’aucune mesure d’accompagnement, pour permettre aux affranchis de s’insérer dans la vie active ou de bénéficier de terres. 1984 voit, enfin, un haratine entrer au gouvernement. Mais
la loi de 2007, criminalisant l’esclavage, ne fut qu’un énième coup d’épée dans l’eau. Elle n’a jamais été appliquée. Les gardiens de l’Ordre règnent toujours en maîtres.
Que faire à présent ? Il est grand temps que tout le monde se mette autour d’une table et discute, en toute franchise. La Mauritanie a besoin de tous ses fils. Et c’est plus qu’un anachronisme qu’au 21ème  siècle, notre pays soit encore cité parmi les pays où perdurent l’esclavage et la discrimination raciale. C’est calomnier notre prophète (PBL) que de seulement laisser suggérer qu’il ait eu l’objectif de perpétuer de telles situations. Nos oulémas doivent rendre, à l’islam, son intention première. Rétablir l’esprit qui fit, de Bilal, une des plus hautes figures de l’Oumma. Indiquer des voies, paisibles et équitables, d’accomplir notre devise nationale : honneur, fraternité, justice. Les faits, hélas, le démontrent : nous en sommes loin.
                                                                                                         Ahmed Ould Cheikh

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