Les Haratines ont
marché, la semaine dernière, à Nouakchott. Et pas qu’eux. Toute la Mauritanie a
marché avec eux. Dans sa diversité. Si l’on exclut trois leaders de cette
communauté qui ont décidé de la lâcher, au moment où elle a le plus besoin de
se montrer forte et unie. Messaoud, Boydiel et Biram se sont, en effet,
rétractés. De façon inexpliquée et guère plus explicable. Chacun suivant son
agenda personnel a fini par ordonner, à ses militants, de ne pas prendre part à
la manifestation. N’empêche : la marche fut un succès. Partis de la
mosquée marocaine, les marcheurs ont battu le macadam jusqu’à la mosquée Ibn
Abass où un grand meeting a été organisé. Dans une ambiance bon enfant, les Mauritaniens
se sont donné la main pour dénoncer la marginalisation dont une communauté est
victime et demandé plus de justice sociale et d’équité. Ils ont condamné
plusieurs siècles de servitude, de domination, de labeur et d’exclusion.
Jamais, depuis
l’Indépendance, le problème des Haratines n’a été traité avec une volonté politique
sincère, pour lui trouver une solution définitive, capable d’assurer un règlement
cohérent à une situation plus complexe qu’il n’y paraît. Le mouvement El Hor,
fondé au milieu des années 70, fut la première secousse contre un ordre bâti
sur la domination. Les esclaves commençaient timidement à prendre conscience de leur situation. On
leur offrit, en 1981, une loi interdisant l’esclavage mais elle ne fut suivie
d’aucune mesure d’accompagnement, pour permettre aux affranchis de s’insérer
dans la vie active ou de bénéficier de terres. 1984 voit, enfin, un haratine entrer
au gouvernement. Mais
la loi de 2007,
criminalisant l’esclavage, ne fut qu’un énième coup d’épée dans l’eau. Elle n’a
jamais été appliquée. Les gardiens de l’Ordre règnent toujours en maîtres.
Que faire à
présent ? Il est grand temps que tout le monde se mette autour d’une table
et discute, en toute franchise. La Mauritanie a besoin de tous ses fils. Et
c’est plus qu’un anachronisme qu’au 21ème siècle, notre pays soit encore cité parmi les pays
où perdurent l’esclavage et la discrimination raciale. C’est calomnier notre
prophète (PBL) que de seulement laisser suggérer qu’il ait eu l’objectif de
perpétuer de telles situations. Nos oulémas doivent rendre, à l’islam, son
intention première. Rétablir l’esprit qui fit, de Bilal, une des plus hautes
figures de l’Oumma. Indiquer des voies, paisibles et équitables, d’accomplir
notre devise nationale : honneur, fraternité, justice. Les faits, hélas,
le démontrent : nous en sommes loin.
Ahmed Ould Cheikh
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