Le
premier passant, un tant soit peu averti, vous le dira. Quelque chose
ne tourne pas rond, dans ce pays. Après les années d’abondance, marquées
par une hausse sans précédent des prix des matières premières, des
recettes fiscales et douanières, dépassant toutes les prévisions, notre
pays serait-il en train de manger son pain noir ? Il n’est, en effet,
nul besoin d’être savant pour se rendre compte que l’année 2015 sera une
année plus que difficile : Le prix du fer et du pétrole touchent le
fond, l’accord de pêche n’a pas été renouvelé avec les Européens, la
production céphalopodière, la plus importante pêcherie et celle qui
rapporte le plus en termes de devises, est au plus bas, les impôts font
désormais chou blanc, tant leur pression sur les opérateurs a été forte
l’année dernière, la sécheresse risque de décimer une grande partie de
notre cheptel, les avoirs du Trésor, au niveau de la Banque centrale, se
réduisent comme peau de chagrin, nos recettes en devises, dont Ould
Abdel Aziz s’enorgueillissait, ne sont plus qu’une goutte d’eau dans un
océan de besoins. Les observateurs ne s’y sont pas trompés. Ils ont bien
remarqué que notre guide éclairé avait « oublié », avant de commencer
sa dernière conférence de presse, de donner les chiffres du compte du
Trésor, des recettes en devises, des réalisations des Impôts et de la
Douane. Comme le bilan n’était plus aussi reluisant que les années
passées, lorsqu’il nous bombardait de chiffres, de tableaux et de
courbes, il s’est prêté, sans transition, au jeu des questions-réponses.
En refusant, systématiquement, de donner le moindre chiffre, même celui
de 4% de croissance que nous offrent, gracieusement, les « experts » du
FMI. Ils doivent être vraiment sorciers, ces spécialistes, pour être
les seuls à nous donner d’aussi bons résultats macro-économiques, quand
tous les indicateurs sont au rouge. Jugez-en vous vous-mêmes. Dans
l’Indice de Développement Humain (IDH) publié, chaque année, par le
PNUD, nous sommes passés de la 155ème place, en 2013, à la 161ème, en
2014. Le rapport Doing Business de la Banque Mondiale nous fait passer
de la 166ème, en 2010, à la 173ème, en 2014. Pour l’ONG Transparency
International, qui dévoile, chaque année, un Indice de Perception de la
Corruption (IPC), notre pays dégringole de la 119ème position, en 2013, à
la 124ème l’année dernière. Et vous savez la meilleure ? Avec 31% de
chômeurs en 2013, la Mauritanie se retrouve, selon l’Organisation
Internationale du Travail (OIT), leader mondial du chômage. Pas de quoi
donc pavoiser. Mais le peuple aime ça, pavoiser ! Alors,
visitationnons-le ! Tout occupé qu’il sera à accueillir son hôte de
marque ou à béer au spectacle, il en oubliera, peut-être, ses problèmes
quotidiens, en attendant que la situation s’améliore, que les prix des
matières premières redressent le nez ou que l’hivernage arrive. Et ne me
dites pas que ça coûte cher, ces grands mouvements de marionnettes ! Ça
fait tout de même tourner l’économie locale, hein ! C’est vrai, à
défaut de grives…
Ahmed Ould Cheikh
Ahmed Ould Cheikh
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