Messaoud a parlé.
Alors qu’on s’attendait à ce qu’il nous présente sa proposition pour une sortie
de crise, devenue, depuis un certain samedi 13 octobre, plus que jamais
d’actualité, le voilà convoquant la presse, pour lui dire… qu’il a parlé au
téléphone avec Ould Abdel Aziz ! Lequel est, selon lui, certes affaibli
mais en voie de guérison. A vingt-quatre heures d’un meeting que l’opposition
compte organiser pour réclamer la lumière sur les circonstances de la blessure
présidentielle et la durée d’invalidité du président, on peut se poser des
questions sur le timing de cette conférence de presse. Et sur le choix de
Messaoud. N’est-il pas président de
l’Assemblée nationale, donc d’un pouvoir législatif, censé être indépendant de
l’exécutif ? Pourquoi s’est-il transformé en porte-voix de la
majorité ? Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas d’autres canaux pour faire savoir,
à des Mauritaniens de plus en plus inquiets, qu’il est en voie de
rétablissement ? Certes le vieux leader est une personnalité respectable
et sa voix porte encore mais, à trop flirter avec le pouvoir, il risque d’y
laisser des plumes. D’ailleurs, il s’en est aisément rendu compte. Le peu
d’empressement, manifesté par les journalistes et, au-delà, par l’opinion publique,
à prendre, pour argent comptant, ses déclarations rassurantes sur l’état de
santé d’Aziz, lui est monté rapidement à
la tête. Il n’a pas hésité à s’en prendre, ouvertement et en termes pour le
moins peu amènes, à un de nos confrères qui le titillait sur les circonstances
et le timing de l’appel. Il n’en fallait pas plus pour que Messaoud sorte de
ses gonds. Et déverse sa bile sur la presse en général. Même s’il s’est excusé
quelques jours après, le mal était déjà fait. Quand l’argument de la force
prend le pas sur la force de l’argument, le résultat n’est pas nécessairement
ce à quoi on s’attendait.
Dans ce cas précis,
l’intervention de Messaoud n’aura fait qu’ajouter à la confusion d’une
situation déjà bien confuse. On ne sait toujours pas grand chose sur les
circonstances dans lesquelles le président a reçu une balle « amie »,
ni combien de temps il restera en convalescence, ni qui préside, actuellement,
à nos destinées, ni comment les choses vont évoluer, en l’absence prolongée
d’un chef omnipotent et omniscient. Les généraux en profiteront-ils pour se
retourner contre celui qui les a faits rois ? Ou faut-il avoir peur de
jeunes loups qui commencent à en avoir assez de l’hégémonie de leurs
chefs ? Dans l’un et l’autre cas, ce serait une catastrophe et un retour en arrière assuré. Mais ce que
nous vivons est tellement aberrant qu’aucune hypothèse ne peut être exclue. Si
notre Constitution avait prévu tous les cas de figure, si notre président
n’était pas un putschiste reconverti en démocrate très peu convaincu, si nos
institutions n’étaient pas périmées, si
les pouvoirs étaient réellement séparés ; bref, si nous vivions une
démocratie normale ; non seulement Messaoud n’aurait pas parlé et l’on
n’aurait, de surcroît, aucune crainte pour notre avenir.
L’inconvénient d’une
présence, un peu trop marquée, de certains militaires, dans le jeu politique a
l’énorme inconvénient d’aiguiser l’appétit d’autres collègues, privés de leur
part de gâteau. Un cercle vicieux dont on ne sort pas facilement. Nous en vivons
l’amère expérience depuis 1978. Pour combien de temps encore ? Quoiqu’il
advienne, à quelque chose malheur est bon. La blessure d’Aziz nous aura, au
moins, permis d’ouvrir les yeux sur l’absurdité de ce que nous vivons. Espérons
qu’on en sortira sans trop de casse !
Ahmed Ould Cheikh
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