mardi 3 août 2010

Editorial : Sept fois dans sa bouche…

Le président du RFD et leader de l’opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah, a été reçu, cette semaine, par le président de la République Ould Abdel Aziz. Un geste fort, quand on sait que les deux hommes, qui étaient d’accord sur la nécessité de bouter Sidi Ould Cheikh Abdallahi hors du pouvoir, avaient fait un bout de chemin ensemble, avant de divorcer avec fracas. Et ce, bien avant la présidentielle de 2009. En fait, sitôt qu’Ould Daddah se fut persuadé que les militaires n’avaient pas l’intention de quitter le pouvoir et qu’ils l’avaient berné, une seconde fois. La déchirure atteindra son paroxysme, après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle qui, pour le leader du RFD, ne reflètent, en rien, le rapport de forces dans le pays. Ould Daddah refusera, dès lors, de reconnaître l’élection d’Ould Abdel Aziz et s’engagera, avec les autres partis de l’opposition, dans une logique de confrontation avec le pouvoir. Du moment, disaient-ils, que le chef de l’Etat refuse le dialogue prôné par les Accords de Dakar. Ce à quoi Ould Abdel Aziz rétorquait, par soutiens interposés, qu’il faut, d’abord, le reconnaître comme président, pour prétendre dialoguer avec lui. Une logique imparable. Encore que les fameux Accords ne pouvaient préciser, évidemment, s’il s’agissait de dialoguer entre un chef de l’Etat et ses adversaires ou entre un président de la République et ses opposants… Quoiqu’il en soit, et comme pour distiller le doute dans l’esprit de ceux-ci, Ould Abdel Aziz multiplie les gestes de bonne volonté. Il reçoit Ould El Waghf, à deux reprises, puis Boydiel, une fois, et leur exprime toute sa disponibilité à ouvrir un dialogue, sans conditions, avec toute l’opposition. Classé parmi les «durs», au même titre que Messaoud et Ould Maouloud, Ould Daddah, qui s’est, subitement, rappelé que le fait de ne pas avoir reconnu l’élection d’Ould Taya n’avait pas empêché celui-ci de rester treize ans au pouvoir, commence à revoir sa copie, à 68 ans, soit sept ans avant la limite d’âge de tout présidentiable mauritanien. Il se fait recevoir par Ould Abdel Aziz, de 14 ans son cadet – au moins deux, sinon trois, quinquennats, moyennant quelque aménagement constitutionnel – au milieu d’une réunion du bureau exécutif de son parti dont le communiqué final évoque, au détour d’une phrase, «Mohamed Ould Abdel Aziz, président de la République». Le ton est donné et ce n’est plus le même. Ould Daddah, qui considère n’avoir aucune leçon à recevoir de l’opposition, dont des leaders ont déjà été reçus, les uns par Ould Abdel Aziz, d’autres par Ould Taya et d’autres encore, qui l’ont lâché au moment où il avait le plus besoin d’eux, fait sienne la realpolitik. Une position qui peut s’avérer payante, à court terme. Des cadres de son parti se verront, probablement, proposer des postes de responsabilité et l’institution de l’opposition sera, certainement, réhabilitée. Mais le revers de la médaille? Les deux hommes, qui se connaissent trop bien pour ne plus se faire confiance, ne chemineront pas longtemps ensemble. Tout le monde a encore en mémoire les sorties, fracassantes, d’Ould Abdel Aziz qui répétait, au cours de ses meetings et conférences de presse, qu’«Ould Daddah, qui ne pense qu’à accéder au pouvoir, l’a supplié de faire un coup d’Etat contre Sidi». Le président du RFD considère, pour sa part, qu’il a été trahi par Ould Abdel Aziz qui lui a «octroyé» un score humiliant, lors de la dernière présidentielle. Que faut-il en déduire? Qu’Ould Abdel Aziz détient, à présent, toutes les cartes et veut affaiblir l’opposition, en la divisant? Qu’il va utiliser Ould Daddah, pour démontrer aux partenaires étrangers qu’il est disposé au dialogue? Qu’Ould Daddah va se faire avoir, à nouveau? Qu’on va, désormais, avoir une opposition modérée et une autre plus dure, à l’égard du régime?

Le vieil adage ne croyait certainement pas si bien dire en décrétant qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche, avant de parler. Et je ne parle pas de l’autre, pour qui le silence est d’or…

Ahmed Ould Cheikh

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