dimanche 2 décembre 2012

Editorial : Fais-toi rare, on t’aimera !



Ould Abdel Aziz est enfin rentré à Nouakchott. Quarante  jours après son évacuation vers la capitale française, pour y subir des soins,  après avoir reçu une balle ‘’amie’’, le président  a foulé le sol national ce samedi 24 novembre. Une foule immense est venue l’acueillir à sa descente d’avion  et tout au long du parcours menant à la Présidence. Un accueil pas aussi spontané qu’on s’est efforcé de nous faire croire et que n’ont cessé de marteler les commentateurs de Radio-Mauritanie et de la TVM. Les ministères, les directions, les établissements publics et, même, certains privés ont obligé leurs employés à être présents en ce jour de repos, pour participer à l’accueil, et chaque département avait un emplacement bien réservé, sur le chemin de la Présidence. Aucun ministre ou  directeur ne voulait être en reste. L’UPR  a, lui aussi, battu le rappel de ses troupes. Les hommes d’affaires proches du pouvoir se  sont également joints à la fête.  Ils ont mobilisé d’énormes moyens pour  louer des bus et assurer le transport des populations des quatre coins de la capitale. Pour l’oligarchie politico-militaro-affairiste, qui tient ce pays en otage depuis 1978, il fallait, à tout prix, réussir le challenge. Trois jours après l’imposant meeting de l’opposition, les ténors du pouvoir tenaient à montrer au président que l’Azizanie se porte toujours bien et que ni la bévue du boss ni son absence n’ont en rien altéré le soutien des Mauritaniens à sa politique ‘’éclairée’’. Quitte à employer des méthodes dignes des structures d’éducation des masses dans leur plus vile expression. Feignent-ils d’ignorer que la présence massive des foules n’est un baromètre pour rien du tout ? Ont-ils oublié que Maaouya drainait autant de monde ? Et que, le 3 août 2005, cette même foule qui acclamait celui-ci  s’est retournée, comme un seul homme, pour dénoncer son pouvoir et applaudir ses tombeurs ? Personne ne semble s’en soucier. Les mêmes visages ont débité les mêmes insanités. Comme frappés d’amnésie. Sans se poser la moindre question. Il y a pourtant de quoi s’interroger.
Quarante jours sont passés. On ne sait toujours rien sur les circonstances exactes de la blessure du président, pas grand-chose sur sa santé,  ni sur les éventuelles séquelles du dol.  Après deux apparitions, furtives, avec le ministre français de la Défense et le médecin qui le soignait, et, alors qu’on glosait sur une probable rechute, le voilà qui surprend tout le monde, en se faisant recevoir par Hollande. Le président français qui l’évitait, pourtant, comme la peste et ne lui avait envoyé ni son Premier ministre, ni son ministre des Affaires étrangères, durant sa convalescence, lui a offert, ainsi, un cadeau inespéré. A 24 heures d’un meeting de l’opposition, qui devait dénoncer la vacance du pouvoir, l’intrusion de la France, dans le jeu politique national, ne peut être fortuite. A-t-elle reçu des garanties, quant à l’implication de la Mauritanie dans la guerre au Mali, alors qu’Ould Abdel Aziz s’y refusait  jusque là ? Hollande n’a-t-il pas déclaré, à leur sortie d’audience, que « le dialogue est impossible avec les terroristes » ? Autrement dit, « nous sommes tous les deux d’accord : la guerre est la seule issue pour libérer le Nord-Mali ». Aziz a, aussitôt, opiné du chef, avant de se dédire, quelques heures après,  lors d’une interview à France 24, où il a dit et répété que le dialogue doit être privilégié. Un revirement que les Français n’ont certainement pas manqué de relever.  Et qui n’est pourtant pas surprenant, de la part d’un homme habitué à toutes sortes de pirouettes pour arriver à ses fins. Mais, tôt ou tard, il faut faire face à la réalité. Et la nôtre s’appelle : pouvoir personnel, forclusion des institutions, échéances électorales à préciser, gestion opaque des deniers publics, incapacité gouvernementale, omnipotence de l’Armée. La liste n’est pas exhaustive. Trouvons d’abord des solutions à ces maux. Il y va de notre survie.
Ahmed Ould Cheikh

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire