jeudi 27 mai 2010

Autour d’un thé au Calame

Ah, ça tourne rond ! Tellement en rond que rien de spécial n’est à mettre sous la langue des buveurs de thé, régulièrement rassemblés dans les locaux de votre journal préféré. Rien que des informations ressassées maintes fois, de l’information «mâchée par les agneaux», comme on dit, en Hassaniya, d’une nouvelle qui a fait le tour des quatre coins du vrig (campement). En Mauritanie, quoiqu’on fasse, les discussions aboutiront, inévitablement, à la politique. Toute autre chose est anodine. Pourtant «beletig», l’art de la politique, fut, un temps, assimilé au mensonge, à la filouterie voire au faux et usage de faux. Tiens, au hasard et en vrac, l’escale de Joyandet. On n’en sait pas grand-chose, à part les déclarations diplomatiques exagérément reprises par les médias officiels. La préparation, intense, du président Ould Abdel Aziz à son premier sommet France-Afrique, programmé début juin, en France. La nomination d’un ancien commissaire des droits de l’Homme, à l’insertion et à la lutte contre la pauvreté, Sid ‘Ahmed Ould Elbou, comme médiateur de la République, en place de Sghair Ould Mbarek, promu, il y a quelques semaines, à la présidence du Conseil constitutionnel. Exemples éloquents du recyclage dont parlait Moussa Fall, dans une interview accordée, récemment, au Calame, d’hommes-clés d’un système dont les travers furent à l’origine du renversement de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Finalement, à part quelques-uns, les hommes et les femmes de l’avant 3 août 2005 sont, tous, revenus. Juste quelques redéploiements de forme, retour en liesse de l’homme de Doha, Ould Abdel Aziz au Basep, ajout de deux petites lettres (DS) à la fin de l’UPR, en prenant le soin de supprimer le U. Et hop, nous voilà revenus à une ère que, curieusement, beaucoup de Mauritaniens désenchantés regrettent aujourd’hui. Déjà, lors de la constitution du gouvernement de Waghf 1, un éditorial, fracassant, d’Ahmed Ould Cheikh intitulé: «Mauditanie»; parlait non pas d’un recyclage des anciens mais d’un acharnement thérapeutique. Pauvre Mauritanie. Maudite Mauritanie. De quoi s’agit-il maintenant? Encore une visite de plus à la caserne militaire de Jreida. Elle serait, d’après la TVM, inopinée. En fait, pas si imprévue que cela: selon un caporal qui a pu, malgré tout, subtiliser, à la fin de la visite, une antenne parabolique flambant neuve, les hommes avaient été mobilisés, il y a plus de dix jours, pour installer les moquettes neuves, les fauteuils et autres équipements électroménagers, destinés à faire croire au président que les militaires, ses bien-aimés militaires, sont tenus dans de bonnes conditions. L’occasion était toute rêvée, pour l’intendance militaire, de dépenser, en toute «légalité», des dizaines voire des centaines de millions, pour vingt à trente minutes d’une randonnée présidentielle, pas si importante que cela. Un petit calcul, ne serait-ce que mental, nous apprend que de tels déplacements sont ruineux et en porte-à-faux avec les principes d’assainissement des dépenses publiques. Certainement que l’Armée, pour des raisons évidentes – la sécurité du pays, notamment, et la bonne humeur de ses officiers, surtout – doit être ménagée, avec prudence. Les 30 milliards du ministère de la défense nationale ne sont pas de trop, a contrario de ce que pensent certains civils, peu informés sur les nombreuses missions de l’armée mauritanienne. Ça sert, à peine, à couvrir ses charges: salaires, équipements, voyages de formations, gazras, cheptels, campagnes d’implantation, manœuvres de toutes sortes, excursions extra-conjugales, escapades à l’étranger, caisses noires et, bien sûr, «divers». Chers civils, «Lmahou ve deygue rjil» (littéralement: celui qui n’est pas sur le champ de guerre est un héros). Depuis que le président a reconnu, publiquement il y a quelques mois, que notre armée est «mal formée» – un doux euphémisme – il s’emploie, hystériquement, à la doter de tout, au détriment des civils. Pour ces derniers, plus de voitures, plus de carburant. Entendons-nous bien: «plus» sans prononcer le s, c'est-à-dire rien du tout. Alors que pour l’armée, même si 90% des moyens de l’Etat doit y passer, plus (en prononçant cette fois, le s final) de logistique, d’avantages et d’attention. Instinct sécuritaire d’un général retraité, reconverti en démocrate en début de carrière qui connait tellement l’armée et ses coups fourrés qu’il ne prend aucun risque de susciter les conditions de l’arroseur arrosé. Tourne, tourne, tourne en rond, jusqu’à la fin de la chanson…

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