Hamdi Ould Iyahi, sous-lieutenant dans l’armée de l’air, a été emporté
dans la fleur de l’âge – 22ans ! – ainsi que deux autres militaires et
quatre civils, par un avion assassin, jeudi 11 juillet, à l’aéroport de Nouakchott.
Le jeune homme avait l’aviation dans le sang et se savait en éternel danger. Ainsi,
lorsqu’une de ses tantes implorait le Tout-Puissant de lui donner longue vie,
il répondait invariablement : « Comment pourrais-je vivre longtemps,
alors que je pilote un tacot ? ». Il faisait allusion à l’état
pitoyable des avions qui composent la flotte de la DIRAIR (DIRection de l’AIR
de l’armée). Et, souriant à son cousin, inquiet, qui lui demandait pourquoi
acceptait-il de voler dans des avions à problèmes : « Si l’on attend
que tout soit OK, on ne volera jamais ». Des paroles prémonitoires,
immédiatement remémorées, lorsque sa famille a appris la terrible nouvelle. La
dernière d’une longue série de crashs.
Les avions chinois, achetés au milieu des années 90 – ou plutôt
échangés, contre des licences de pêche – ont provoqué une véritable hécatombe,
dans notre armée de l’air. Les accidents de Nouadhibou, 1996 ; Néma, 1998 ;
Chinguitty, 2011, et Nouakchott, cette année, l’ont décimée, la privant
d’hommes de grande valeur et bien formés. Mais le plus grave, en cette affaire,
est qu’au moins deux des quatre missions mortelles n’avaient rien à voir avec
l’armée. Celle de 1996 devait ramener du matériel de Las Palmas, pour équiper
des villas au Palais des Congrès, et celle de jeudi dernier était au service de
Kinross, pour ramener de l’or de Tasiast, avant son acheminement vers l’Europe.
Un contrat imposé à cette société. Pour que l’armée ait sa part dans tout ce
qui bouge. N’y a-t-il pas d’entreprises privées capables d’assurer ces
rotations ? Pourquoi la société ne se dote pas, elle-même, d’un aéronef, pour
s’acquitter de cette besogne inhérente à son commerce ? Que fait l’armée
de l’air dans cette galère ?
D’autres questions restent en suspens : comment nos militaires se
font-ils payer et où va l’argent ? L’opinion publique doit être
informée. On ne peut pas continuer à voir ses enfants envoyés au casse-pipe,
sans piper mot, au motif qu’ils se sont enrôlés dans l’armée. Pourquoi cet
argent n’a pas servi à la maintenance des avions, véritables cercueils volants,
faute d’entretien ? Pourquoi notre aviation militaire reste si mal en point ?
Comment peut-on laisser des avions voler, connaissant pertinemment les risques
démesurés qu’ils font courir aux pilotes et aux passagers ? Pourquoi ne
tirons-nous jamais des leçons du passé ?
Il est grand temps d’en finir avec l’improvisation. L’aviation est un domaine
trop dangereux et pointu pour y autoriser le moindre laisser-aller. Il en va de
la vie d’êtres humains. Jouons carte sur table : ou l’on a les moyens de
voler ou l’on ne les a pas. Et, de façon plus générale, si l’on n’est pas
certain de pouvoir assurer, soi-même, la maintenance d’un quelconque matériel,
il faut, ou y renoncer, ou inclure, dans l’achat, un service après-vente. Il
faut des avions pour exporter notre or ? Que celui-ci les finance, tout au
long de leur usage ! Une licence de pêche d’x années pour les
Chinois ? Qu’ils signent, en contrepartie, une licence d’entretien de
leurs avions, pour la même durée ! La gabegie, ça suffit : on en
meurt.
Ahmed Ould Cheikh
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