Depuis quelques années, nos
forces de sécurité ne font pas dans la dentelle. Elles ont désormais la
gâchette et la matraque faciles. Après Lamine Mangane, mort d’une balle, tirée
à bout portant, à Maghama, et Cheikh Ould Moualla, décédé à Nouakchott, après
avoir inhalé de grandes quantités de gaz lacrymogènes, Mohamed Ould Mechdouvi
est tombé, la semaine dernière, à Akjoujt, victime d’un passage à tabac en
règle, commis par des éléments de la
Garde nationale, alors qu’il observait, avec d’autres
employés de la MCM,
un droit garanti par la
Constitution : celui d’aller en grève contre
l’arbitraire. En grève contre une entreprise étrangère qui a fait main basse
sur une partie de nos ressources, dans une opacité totale, dont les chefs se
comportent en véritables colons, dont les camions, chargés de minerais,
détériorent, chaque jour un peu plus, la route. Une entreprise dont la
politique environnementale se limite à verser, à ciel ouvert, du cyanure et autres
produits toxiques, dont on n’a aucune idée des quantités d’or et de cuivre
qu’elle produit, ni à quel prix elle les vend, dont l’impact sur le pays est
quasi nul -avec à peine 3,5% de la production versés au Trésor public-, dont
les employés sont exploités et sous-payés, et qui n’observe aucune politique
sociale, menaçant de fermer boutique, si on la titille un peu. Tenez, pas plus tard qu’hier, leur service « communication »,
qu’on n’a jamais entendu auparavant, malgré la gravité de la situation, se fend
d’un communiqué : « la
MCM
est disposée à reprendre les opérations, dès que les conditions
de sécurité le permettront et que nos employés seront de retour au travail ».
Eurêka ! On savait MCM experte dans la recherche des filons mais on ne la
pensait pas capable d’un raisonnement aussi imparable. Conditions de sécurité ?
Elles n’ont jamais été autant mieux assurées. Les sociétés de gardiennage et la Garde nationale, devenue en
un tour de main, un terrible instrument de répression, veillent au grain. Le
retour des employés, lui, se fera lorsqu’un minimum de considération et de
droits leur sera concédé.
A moins que l’Etat ne continue à
privilégier la manière forte, en tentant de brimer le droit de grève, en
brisant les dos des grévistes. Qui ne pourront plus, du coup, ni reprendre le
travail, encore moins s’asseoir autour d’une table pour discuter. Bêtise, donc,
que cette intervention musclée de la Garde. Rechercherait-on
le raidissement des positions qu’on ne s’y prendrait pas autrement. A croire
que ceux qui ont décidé de privilégier la manière forte ne veulent pas que le
travail reprenne de sitôt. D’où des interrogations légitimes : Qui a pris
la décision d’attaquer les grévistes, au petit matin ? Qui a ordonné qu’on
les violente, au risque d’en tuer quelques uns ? Pourquoi ne fait-on pas plutôt pression sur
la société, afin qu’elle lâche du lest, au lieu de s’attaquer aux plus faibles ?
Que donne MCM, pour avoir toujours une oreille aussi attentive auprès des
pouvoirs publics ?
L’or est, certes, une denrée rare
et très précieuse, par les temps qui courent, et notre pauvre pays ne peut se
permettre le luxe de ne pas tirer un maximum de profits de toutes ses
ressources. Mais de là à s’aplatir pour
qu’en échange de quelques dividendes, une entreprise, étrangère de surcroît,
nous suce jusqu’à la moelle, pollue notre environnement, maltraite nos
compatriotes et menace de fermer son usine, si l’on ne se plie pas à ses
exigences ! Un geste que tout pouvoir, ayant un minimum de bon sens, ne
saurait accomplir. Ce bon sens dont le proverbe disait qu’il est la qualité la
mieux partagée. En Mauritanie, certainement pas !
Ahmed Ould Cheikh
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