dimanche 5 août 2012

Editorial : Crédibilité ? Mais de qui ?


Plusieurs fois annoncée, la visite, dans la région, de Laurent Fabius, le nouveau ministre français des Affaires étrangères, a finalement eu lieu cette semaine. Elle a été consacrée à la lutte contre le terrorisme, qui a déjà infesté le Mali et dont les effets néfastes menacent dangereusement la zone. Fabius ira, successivement, au Tchad, au Niger, au Sénégal et au Burkina Faso, en prenant bien soin d’exclure la Mauritanie de ce périple. Pourtant situé sur la ligne de front, notre pays, dont la France connaît parfaitement l’importance géostratégique et son osmose avec l’ensemble de la zone et des groupes humains qui la parcourent, du Tiris à l’Azawad, n’aura même pas droit à une escale. Officiellement, on évoque une surcharge d’agenda qui ne permettrait pas, au ministre, de trouver le temps de rencontrer et le président, et l’opposition et la société civile. Ce serait, en effet, du plus mauvais effet que de venir dans un pays dirigé par un homme fort à l’appartenance trop avérée avec cette Françafrique que la Gauche française prétend combattre, sans rencontrer une opposition dont le chef de file est un « frère » socialiste, en l’occurrence Ould Daddah. Surtout qu’il y a quelques semaines, le coup de fil d’Ould Abdel Aziz à Hollande – ou le contraire, on ne sait plus, tant les versions divergent – et l’annonce d’une possible visite de Fabius en Mauritanie avaient suscité une levée de boucliers de certains cercles français influents qui ne veulent pas, arguments de faits et de personnes à l’appui, que la France traite avec le « putschiste » de Nouakchott et qui s’appuient explicitement sur la proposition 58 du candidat François Hollande pendant sa campagne présidentielle. Du coup, le patron de la diplomatie française a été obligé de faire machine arrière, au moins dans un premier temps, en donnant la priorité à des pays du pré carré, censés être plus importants, pour la France, et dont les dirigeants ne sont pas aussi contestés que le nôtre à Paris maintenant que le cours y a changé et qu’à l’Elysée, les «intermédiaires » jusque là patentés, ne sont plus admis.. Cours anticipé il y a longtemps par le Premier Ministre de François Mitterrand… Laurent Fabius n’avait-il pas publié son trouble que soit reçu le général Jaruzelski, enfermant la Pologne et son avenir dans un soi-disant état de guerre pour y museler Solidarnosk et Lech Walesa ?
 La France pourra-t-elle, pour autant, se passer de la Mauritanie, dans sa lutte contre le terrorisme au Sahel ? Ignorer le pays qui historiquement et ataviquement connaît le mieux la succession et la psychologie des chefs et des recruteurs d’AQMI ? Difficile de répondre par l’affirmative quand on sait que Sarkozy avait demandé, à Ould Abdel Aziz, de jouer au gendarme dans la zone, encourageant et armant le MNLA, pour en faire un auxiliaire dans le combat contre les terroristes. Avec le résultat qu’on sait et les morts dont le français Michel Germaneau. Les socialistes ne seraient-ils pas si convaincus de l’engagement loyal de la Mauritanie dans cette guerre ? Aussi bien avec Macky Sall qu’avec Ouattara qu’il a déjà reçus, François Hollande a insisté sur la nécessité d’une intervention étrangère, sous couvert de la CEDEAO, pour libérer le Nord-Mali, et il y met manifestement le prix. Une façon de préciser l’option que privilégie la France pour le règlement de ce problème. Glissement vers l’Afrique noire, rupture totale avec la méthode Sarkozy ? C’est ce qui explique pourquoi Fabius ne s’est pas empressé de venir à Nouakchott, préférant lui consacrer une  hypothétique autre visite. Et dire qu’Ould Abdel Aziz comptait beaucoup sur le soutien de la France, pour financer sa guéguerre contre Al Qaïda. C’est son compère El Ghazouani qui a été convoqué pour consultation à Paris et qui a été décoré : plus fiable ? Après 1984 et 2008, la France se choisissant le meilleur sécuritaire ? Voilà qui va doucher ses ardeurs belliqueuses et… autres petits profits annexes…
Reste un défi pour l’opposition. Sa crédibilité ne peut dépendre du regard de l’ancienne métropole sur elle : toujours mitigé. Son succès et l’avenir du pays ne seront pas fonction des échecs et des erreurs d’Ould Abdel Aziz, d’une diplomatie régionale maladroite, de relations personnelles mauvaises avec des pairs pourtant décisifs de Dakar à Ouagadougou. Si la vraie réponse au terrorisme et aux sécessions, aux coups militaires est l’esprit démocratique et l’union nationale, l’opposition doit encore les formuler et en convaincre directement les Mauritaniens. La Mauritanie vraie ne renaîtra pas seulement par défaut du pouvoir actuel.

Ahmed Ould Cheikh

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