Plusieurs fois annoncée, la visite, dans la région, de
Laurent Fabius, le nouveau ministre français des Affaires étrangères, a
finalement eu lieu cette semaine. Elle a été consacrée à la lutte contre le
terrorisme, qui a déjà infesté le Mali et dont les effets néfastes menacent
dangereusement la zone. Fabius ira, successivement, au Tchad, au Niger, au
Sénégal et au Burkina Faso, en prenant bien soin d’exclure la Mauritanie de ce
périple. Pourtant situé sur la ligne de front, notre pays, dont la France connaît parfaitement
l’importance géostratégique et son osmose avec l’ensemble de la zone et des
groupes humains qui la parcourent, du Tiris à l’Azawad, n’aura même pas droit à
une escale. Officiellement, on évoque une surcharge d’agenda qui ne permettrait
pas, au ministre, de trouver le temps de rencontrer et le président, et
l’opposition et la société civile. Ce serait, en effet, du plus mauvais effet
que de venir dans un pays dirigé par un homme fort à l’appartenance trop avérée
avec cette Françafrique que la
Gauche française prétend combattre, sans rencontrer une
opposition dont le chef de file est un « frère » socialiste, en l’occurrence
Ould Daddah. Surtout qu’il y a quelques semaines, le coup de fil d’Ould Abdel
Aziz à Hollande – ou le contraire, on ne sait plus, tant les versions divergent
– et l’annonce d’une possible visite de Fabius en Mauritanie avaient suscité
une levée de boucliers de certains cercles français influents qui ne veulent
pas, arguments de faits et de personnes à l’appui, que la France traite avec le «
putschiste » de Nouakchott et qui s’appuient explicitement sur la proposition
58 du candidat François Hollande pendant sa campagne présidentielle. Du coup,
le patron de la diplomatie française a été obligé de faire machine arrière, au
moins dans un premier temps, en donnant la priorité à des pays du pré carré,
censés être plus importants, pour la
France, et dont les dirigeants ne sont pas aussi contestés
que le nôtre à Paris maintenant que le cours y a changé et qu’à l’Elysée, les «intermédiaires
» jusque là patentés, ne sont plus admis.. Cours anticipé il y a longtemps par
le Premier Ministre de François Mitterrand… Laurent Fabius n’avait-il pas
publié son trouble que soit reçu le général Jaruzelski, enfermant la Pologne et son avenir dans
un soi-disant état de guerre pour y museler Solidarnosk et Lech Walesa ?
La France pourra-t-elle, pour
autant, se passer de la
Mauritanie, dans sa lutte contre le terrorisme au Sahel ? Ignorer
le pays qui historiquement et ataviquement connaît le mieux la succession et la
psychologie des chefs et des recruteurs d’AQMI ? Difficile de répondre par
l’affirmative quand on sait que Sarkozy avait demandé, à Ould Abdel Aziz, de
jouer au gendarme dans la zone, encourageant et armant le MNLA, pour en faire
un auxiliaire dans le combat contre les terroristes. Avec le résultat qu’on
sait et les morts dont le français Michel Germaneau. Les socialistes ne
seraient-ils pas si convaincus de l’engagement loyal de la Mauritanie dans cette
guerre ? Aussi bien avec Macky Sall qu’avec Ouattara qu’il a déjà reçus,
François Hollande a insisté sur la nécessité d’une intervention étrangère, sous
couvert de la CEDEAO,
pour libérer le Nord-Mali, et il y met manifestement le prix. Une façon de préciser
l’option que privilégie la
France pour le règlement de ce problème. Glissement vers
l’Afrique noire, rupture totale avec la méthode Sarkozy ? C’est ce qui explique
pourquoi Fabius ne s’est pas empressé de venir à Nouakchott, préférant lui
consacrer une hypothétique autre visite.
Et dire qu’Ould Abdel Aziz comptait beaucoup sur le soutien de la France, pour financer sa
guéguerre contre Al Qaïda. C’est son compère El Ghazouani qui a été convoqué
pour consultation à Paris et qui a été décoré : plus fiable ? Après 1984 et
2008, la France
se choisissant le meilleur sécuritaire ? Voilà qui va doucher ses ardeurs
belliqueuses et… autres petits profits annexes…
Reste un défi pour l’opposition. Sa crédibilité ne peut
dépendre du regard de l’ancienne métropole sur elle : toujours mitigé. Son
succès et l’avenir du pays ne seront pas fonction des échecs et des erreurs
d’Ould Abdel Aziz, d’une diplomatie régionale maladroite, de relations
personnelles mauvaises avec des pairs pourtant décisifs de Dakar à Ouagadougou.
Si la vraie réponse au terrorisme et aux sécessions, aux coups militaires est
l’esprit démocratique et l’union nationale, l’opposition doit encore les
formuler et en convaincre directement les Mauritaniens. La Mauritanie vraie ne
renaîtra pas seulement par défaut du pouvoir actuel.
Ahmed Ould Cheikh
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