Coup de tonnerre en Egypte où le nouveau président,
Mohamed Moursi, a subitement décidé de prendre le taureau par les cornes, en
admettant à la retraite le ministre de la Défense, Housseïn Tantaoui, et le
chef d’état-major, Sami Annane. Le premier a dirigé la transition, après la
chute de Hosni Moubarak, et hérité du poste de ministre de la Défense, après
l’élection présidentielle qui a vu la victoire du candidat des Frères
musulmans. On le considérait intouchable, tant l’armée est puissante, dans un
pays dont elle détient les leviers depuis 1952. Et, n’eût été la pression
populaire, elle allait faire élire son candidat à la magistrature suprême,
Ahmed Chafiq, l’ancien Premier ministre de Moubarak. Faisant contre mauvaise
fortune bon cœur, Tantaoui a cédé le pouvoir à Moursi, en prenant soin d’en
garder une partie au ministère où il s’est proposé. Mais le nouveau président,
craignant que son pays ne prenne le chemin de la Mauritanie ou de la Turquie,
où l’Armée soit reste au pouvoir soit en détient de larges pans, ne l’entendait
pas de cette oreille. Il a décidé de marquer son territoire et de démontrer,
une fois pour toutes, qui est le chef.
Imaginez Sidi Ould Cheikh Abdallahi en Mohamed
Moursi. La ressemblance semble, certes, très hasardeuse. Le premier a été
coopté par les militaires, pour barrer la route au candidat de l’opposition, et
le second a été élu contre l’avis de la Grande muette. La nuance est de taille.
Mais les circonstances faisant l’homme, si, dès sa prise de fonctions, Sidi
avait décidé de jouer à l’ingrat et de renvoyer les généraux qui l’avaient fait
roi, on n’en serait pas là où nous sommes. On ne serait pas tombés aussi bas
dans la déchéance. On n’aurait pas porté un coup, fatal, à notre démocratie
balubutiante. On aurait, déjà, organisé une autre élection présidentielle en 2012.
On n’aurait pas perdu tous ces financements, à cause du coup d’Etat de 2008. On
aurait renvoyé, pour de bon, les militaires dans leurs casernes. On n’aurait
pas autant de généraux, pour une armée de quelques milliers d’hommes. On
n’aurait pas un président qui méprise ses soutiens et n’a aucun respect pour
ses opposants. On n’aurait pas un président comptable du budget de l’Etat avec
lequel il « règle » ses comptes. On n’aurait pas un président dont
les proches, pauvres il y a peu, sont en train de brasser des milliards, alors
qu’il prétend faire de la lutte contre la gabegie son principal cheval de
bataille. On n’aurait pas un président qui intervient dans le plus petit marché
de l’Etat, pour qu’il soit attribué à tel ou tel. On n’aurait pas un président
qui parle, pendant plus de trois heures d’horloge, pour ne rien dire. On
n’aurait pas un président qui fonde une compagnie aérienne, structurellement
déficitaire, pour ses propres voyages qui ont coûté, au contribuable, près d’un
milliard d’ouguiyas, en trois ans. On n’aurait pas un président, dépourvu de
toute notion d’économie, qui décide de ramer à contre-courant, en fondant, à la
pelle, des sociétés publiques, alors que la tendance générale est au
désengagement de l’Etat. On n’aurait pas un pays isolé dont les relations avec
tous ses voisins sont au plus mal. On n’aurait pas un Etat qui vend tout, même
ses pièces d’état-civil.
Arrêtons-nous là ! Avec des si, disent les Français,
on mettrait Paris en bouteille. Certes mais il est permis de rêver. Tôt ou
tard, nous aurons notre Mohamed Moursi. Ce ne fut pas Sidioca. Ce sera un autre.
L’espoir fait vivre.
Ahmed Ould Cheikh
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