lundi 14 septembre 2015

Editorial: Tam-tam

Hassan II avait le sens de la formule. « Conférences tam-tam » : c’est ainsi qu’il n’hésita  pas à qualifier, au plus fort de leur vogue, les conférences nationales, devenues mode en Afrique, au début des années 90, en prélude à une démocratisation forcée et imposée par l’ancienne métropole. Il ne croyait pas si bien dire : toutes finirent en fiasco. En Mauritanie, nous n’avons pas eu notre conférence nationale mais ce qui s‘est déroulé, ce dernier lundi, au Palais des congrès, y ressemble étrangement.  Une pièce de mauvais goût, flanquée de troubadours, ça donne quoi, selon vous ? Les « Rencontres consultatives préliminaires au dialogue national inclusif » – ça ne s’invente pas – n’ont été qu’une outrageuse exhibition. En l’absence du FNDU et de la CUPAD, pourtant opposition dite « modérée et participante », et en présence des formations politiques dites de la « Majorité », de quelques dissidents de l’opposition et autres partillons-cartables, la messe ne pouvait être dite. Pour dialoguer, il faut être deux et l’entêtement s’est toujours révélé mauvais conseiller. A quoi serviront des recommandations approuvées par un seul camp ? Où nous mènera cet unilatéralisme ? En quoi de nouvelles élections aideront-elles le pays à sortir de la crise, si l’opposition continue à être exclue du jeu politique ? Ce ne sont pas quelques débauchés, en mal de promotion et juste avides de soupe, qui donneront de la crédibilité à des rencontres sur lesquelles personnne ne pariera un ouguiya.
Pour leur donner un cachet populaire – méthode Kagamé ? – l’UPR, PRDS version Aziz, a battu le rappel de ses troupes. Des cars ont été loués, pour transporter des militants ; une tente dressée, devant le Palais des Congrès, pour les abriter. Des centaines d’entre eux ont même eu droit à des cartons d’invitation, pour meubler la salle et combler le vide – béant – laissé par les boycottistes. Sachant pertinemment que l’opposition n’acceptera jamais de participer à un dialogue sans garanties écrites, le pouvoir s’est pourtant entêté à tenir ces assises, coûte que coûte. Pour un résultat nul. Citoyens et partenaires au développement restent persuadés qu’un dialogue inclusif ne peut se tenir sans la participation de tous.
Un autre tam-tam, autrement plus conséquent et lourd de significations, nous parvient de l’autre côté de l’Océan. Du Guatemala, plus précisément, dont le président de la République dort, depuis quatre jours, en prison, suite à un énorme scandale de corruption. Sous la pression de centaines de milliers de citoyens descendus dans la rue, à l’appel de la Société civile, le Parlement a dû lever l’immunité du chef de l’Etat et le procureur signer son ordre d’écrou, tandis qu’était avancée, dans la hâte, la date de l’élection présidentielle.
C’est un humoriste célèbre, version Dieudonné guatémaltèque, qui se retrouve largement en tête du premier tour organisé dimanche. Les citoyens sud-américains ont donc compris qu’il valait mieux en rire qu’en pleurer. Un fol espoir que les soutiens militaires dudit comique se chargeront, peut-être, de réduire à néant. Mais, tout de même, un sacré tam-tam dont nous ferions bien, Mauritaniens, de méditer le sens. Tant qu’il nous reste une bouche, pour dénoncer ou rire, avant de n’avoir plus que nos yeux, pour pleurer…     
                                                                                 Ahmed ould Cheikh

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