mardi 22 décembre 2009

Editorial: Libérez les ondes!

La semaine dernière, dans un excès de zèle dont ses responsables ont pris l’habitude, pour plaire au prince du moment, quel qu’il soit, la Télévision de Mauritanie (TVM) s’en est prise, violemment, à l’un des leaders de l’opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah, dont elle a dénaturé les propos et fustigé l’attitude vis-à-vis du pouvoir. Lors d’une conférence de presse, Ould Daddah, conformément à son habitude et à son rôle d’opposant, au sein d’un système qui se définit comme une démocratie, avait condamné l’arrestation des banquiers, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler «l’affaire Ould Nagi», et avait demandé que l’opération d’assainissement que veut mener le régime ne soit pas si sélective. C'est-à-dire qu’elle ne cesse de viser, uniquement, ceux qui ont eu «l’outrecuidance» de ne pas choisir le candidat du «changement rectifié du 06 août», lors de la dernière présidentielle.
Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire des laudateurs pour qui toute occasion est bonne de régler des comptes, avec l’opposition, en général, et avec cet opposant, en particulier, qui refusent de courber l’échine. Déjà, il y a quelques mois, lorsque les parlementaires de l’opposition avaient envahi l’Assemblée nationale, pour protester contre le coup d’Etat six-aoûtard, la TVM avait truqué un montage grossier d’images, pour tenter de discréditer leur action. Sans que cela ne suscite aucune réaction de sa tutelle, encore moins de la HAPA qui doit, normalement, jouer le rôle de régulateur du secteur et mettre en garde contre les éventuelles dérives. Au fait, depuis quand avez-vous entendu parler de ce «machin»? Haute autorité, tu parles! La HAPA a bien été happée, rectifiée à la moulinette.
Cette fois, pourtant, la bêtise TV(fu)Meuse n’est pas passée inaperçue. La diatribe en question a été censurée du journal télévisé en français de la soirée. Le président aurait, dit-on, montré quelque signe d’énervement, surtout lors du passage qui voyait Ould Daddah déclarer, sur le ton de l’ironie, qu’au rythme où la situation se dégrade, Ould Abdel Aziz mériterait, bientôt, son titre de «président des pauvres». Une pique née, d’ailleurs, dans le jardin du Calame qui ne s’était pas privé de la lancer, il n’y a pas longtemps. Et qui reste à contredire dans les faits. Se taire, fermer les yeux et se boucher les oreilles ne suffit pas. Les porte-monnaies sont vides: silence radio, cécité TV; les rapatriés grelottent de froid: silence radio, cécité TV; trois humanitaires espagnols kidnappés: silence radio, cécité TV. Mais à quoi servent, donc, radio et télévision si elles sont incapables de nous informer sur ce qui se passe dans notre propre pays, nous obligeant à nous rabattre sur les chaînes satellitaires, arabes ou autres?
On se veut, pourtant, en démocratie et, dans un tel système, qui se dit le règne de l’agora, du forum, du débat public, en théorie aux antipodes de toute dictature, les organes de communication ne peuvent, évidemment pas, se contenter de servir un seul homme, une seule idée, un seul projet, fût-il paradisiaque. S’il revient, en définitive, au chef de prendre la décision, c’est en pleine conscience – du moins la plus pleine possible – des contradictions dont elle est issue et de celles qu’elle suscitera, nécessairement. Les contribuables qui financent, directement ou indirectement, ces médias publics ont le droit d’obtenir, en retour, la plus complète information possible. Nous avons vu, avec le mentor de notre actuel général-président, où conduisent, fatalement, la rétention et le maquillage des faits. A cette gabegie qu’on prétend, aujourd’hui, éradiquer. A cette pauvreté, généralisée, dont la défense est devenue un argument électoral, voire une légitimité présidentielle. Par quel tour de passe-passe les mêmes comportements conduiraient-ils à plus de transparence, plus de réflexion et de responsabilité citoyennes, plus de richesses exprimées, partagées, échangées? Soyez, enfin, un vrai démocrate, monsieur le président: libérez les ondes!
Ahmed Ould Cheikh

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