mardi 22 décembre 2009

L’affaire BCM : Ould Nagi et Ould Oumarou entendus par le juge Un tournant décisif

Le juge d’instruction du 3ème cabinet du tribunal de Nouakchott, Mohamed Mahmoud Ould Mah, a entamé dimanche l’audition sur le fond des personnalités détenues à titre préventif dans l’affaire de détournement présumé opposant la Banque Centrale de Mauritanie (BCM) à l’ancien Gouverneur, ministre et ambassadeur en France, Sid’El Moctar Ould Nagi et des banquiers et hommes d’affaires.
L’interrogatoire sur le fond a débuté par l’ex gouverneur entendu sur les lieux de la détention. Cette étape est généralement considérée comme une phase déterminante dans toute procédure judiciaire dans la mesure où elle conditionne un possible non lieu ou un éventuel renvoi devant une juridiction, avec une possibilité de recours pour le prévenu et le parquet.
Les auditions dans le cadre de cette affaire se poursuivront dans les jours suivants avec l’ancien gouverneur adjoint de la BCM, Mohamed Ould Oumarou et les banquiers et hommes d’affaires Chriv Ould Abdallahi, actionnaire principal et Président du Conseil d’Administration de la BAMIS, Mohamed Ould Noueigued, PDG de la BNM et Abdou Maham, homme d’affaires et religieux.
La défense de Sid’El Moctar Ould Nagi est assurée par maîtres Moulaye El Ghali Ould Moulaye Ely et Lô Gourmo Abdoul. Avec un possible renfort de maître Aîssata Tall Sall, du barreau de Dakar, ex ministre. Ces trois avocats ont assuré la défense des intérêts de l’ancienne première dame, Mme Khattou Mint Boukhary, dans le cadre d’une affaire déclenchée par un groupe de sénateurs et pour la conduite d’une procédure en diffamation contre Baba Tandian, patron d’un groupe sénégalais de presse
Quant aux trois hommes d’affaires, ils sont défendus par une belle brochette d’avocats représentant la crème du barreau de Nouakchott au sein duquel on retrouve maîtres Brahim Ould Ebetty, Mahfoudh Ould Bettah, ex ministre de la justice et ancien bâtonnier pendant plus de 10 ans, Yakoub Diallo, ancien bâtonnier, le professeur Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Salah…Mais aussi un vieux routier du barreau de Paris, maître Mario Stasi, présent dans les prétoires depuis une cinquantaine d’années, ex bâtonnier et actuel Secrétaire Général de la Fédération Internationale des Barreaux de Tradition Juridique Commune.
Une belle bataille judiciaire en perspective dans une affaire aux relents politique, tribaux et économiques de plus en plus affichés.
Une grande question taraude tous les esprits et brûle les livres, à l’orée d’une information inédite : la justice est- elle réellement indépendante chez nous avec le système hérité de l’ancienne puissance coloniale, et nos traditions faites de soumission à l’autorité du moment ?

Enorme controverse
La conduite autonome de cette affaire par le juge d’instruction pourrait marquer un point décisif dans l’indépendance de la justice en Mauritanie. Théoriquement, ce magistrat est doté de toutes les prérogatives légales pour mener les investigations pouvant établir la culpabilité ou l’innocence des individus mis en cause dans une affaire dont la nature pénale soulève encore une énorme controverse.
Une manière de dire que le juge du pôle financier encore embryonnaire de l’appareil judiciaire a tous les moyens légaux de remettre en cause le « verdict de culpabilité » rendu par le président de la République, par voie de presse, ou alors de confirmer l’implication de ces hommes dans une espèce de deal contraire aux intérêts de la République.
Cela, en dépit de nombreuses contraintes : emprise du parquet, carrière gérée par le Haut Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), une instance justement présidée par la première personnalité du pays qui a déjà rendu son « jugement ».
Mais, le magistrat, « c’est d’abord l’homme », selon maître Boucounta Diallo, du barreau de Dakar. Un avocat qui a plaidé dans le cadre de plusieurs procès politiques et donc forcément « sensibles » en Afrique au cours des dernières années.
Il est à présent légitime de se demander quelles stratégies de défense adopteront les différents protagonistes de cette affaire. Seront-ils solidaires ou ce sera le chacun pour soir et l’Etat contre tous ?
AS

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