dimanche 8 mai 2011

Editorial : De l’eau dans le zrig, vite!

Le paysage politique mauritanien serait-il en pleine recomposition? La traditionnelle dualité pouvoir/opposition cédera-t-elle la place à un nouveau mode de confrontation où les jeunes des deux camps seront aux premières loges? La vieille garde, qu’Ould Abdel Aziz voulait enterrer, aura-t-elle, encore, son mot à dire?

Elle se démène, en tout cas. Ainsi, plusieurs membres fondateurs d’ADIL, le parti porté sur les fonts baptismaux par l’ancien président, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, parmi ceux qui ont rejoint la majorité présidentielle il n’y pas longtemps, ont décidé de geler leur participation à cette formation politique. Ils reprochent, à l’UPR, le parti/Etat, de n’avoir toujours pas mis en pratique l’accord d’entente qu’ils avaient signé avec lui et, à Ould Waghef, son empressement à courir derrière une majorité qui ne veut, pourtant pas, de lui. Tout le monde a encore en mémoire la rapidité avec laquelle Ould Abdel Aziz l’avait jeté en prison, pour avoir autorisé, lorsqu’il était Premier ministre, l’achat, par le commissariat à la Sécurité alimentaire, d’un «riz avarié» et proposé, lors d’un meeting à Rosso, de le libérer, s’il en mangeait une petite quantité. Quelques mois de mitard et un honneur jeté aux chiens n’ont, apparemment pas, dissuadé Ould Waghef de suivre celui qui lui fit tant de mal. Si bien qu’il aura été l’un des plus farouches défenseurs du ralliement d’ADIL à la majorité présidentielle, même sans accord formel. Et quel qu’en soit le prix, pour son parti qui a, de fait, volé en éclats, suite à cette adhésion. Le groupe qui l’avait accompagné, dans cette voie, vient de se rendre compte, à son tour, qu’elle est sans issue. Ould Abdel Aziz, disent-ils, démontre, jour après jour, qu’il n’a besoin de personne et n’accorde aucune importance aux nouveaux ralliés à sa cause.

Voilà comment ces hommes, qui comptent parmi les plus «politiques» du pays, ont entrepris une large concertation, avec les formations de la coordination de l’opposition et d’autres de la majorité (RD, Hatem, El Vadhila) ainsi qu’avec des personnalités indépendantes, notamment l’ancien président Ely Ould Mohamed Vall qui se serait dit «prêt à s’engager ouvertement», dans l’arène politique. Et il n’est pas exclu que des sensibilités de l’UPR même rejoignent un mouvement dont les contours ne sont, pourtant pas, encore bien définis. A quoi cela va-t-il aboutir? Une coordination? Un front uni contre Ould Abdel Aziz? Ou fera-t-il long feu, comme tant d’initiatives visant à fédérer l’opposition?

En tout cas, il existe au moins un facteur d’union, entre ces partis et ces hommes: la volonté d’en finir avec le président actuel, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fait pas l’unanimité, même dans son propre camp. Son parti connaît de sérieuses frictions et les satellites qui gravitent autour passent pour des figurants, sinon des potiches. Deux d’entre eux ont déjà claqué la porte et d’autres suivront.

Ould Abdel Aziz a-t-il, pour autant, des raisons de s’inquiéter? Il y a, en tout cas, de quoi – du moins si l’on ne veut pas jouer au casse-cou: la jeunesse qui entreprend de bouger; le front social qui commence à donner des signes guère plus encourageants, l’arène politique sans plus aucun répit envers le pouvoir. Si l’on ajoute, à ce cocktail, la situation économique plus que difficile, la morosité ambiante et le sentiment, général, que quelque chose ne tourne pas rond, le voilà carrément explosif. Et les explosions, comme on l’a vu récemment, on en sort difficilement indemne. Il y a de l’eau dans le gaz, monsieur le président : mettez-la, plutôt, dans votre zrig et vite…

Ahmed Ould Cheikh

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