mercredi 17 août 2011

Editorial : Parlons chiffres!

Lors de sa dernière prestation télévisée, le 6 août dernier, à l’occasion du deuxième anniversaire de son investiture à la tête de l’Etat, le président a beaucoup parlé. Quatre heures d’horloge lui ont à peine suffi, pour faire passer son message. Quatre heures au cours desquelles il a donné très peu de chiffres alors que, normalement, il faisait le bilan de ses trois ans passés à la tête de l’Etat. Il nous a juste appris qu’il est intervenu, une fois, dans un processus d’attribution de marché public au profit d’une société nationale, en l’occurrence ATTM. Ce qui constitue, si notre guide éclairé ne le sait pas, une violation du code des marchés publics, punie par la loi. La Banque Mondiale, un de nos principaux partenaires au développement, traite de «manœuvre frauduleuse» toute tentative d’intervention d’un agent public ou privé, dans un marché en cours. Le président, qui avait reconnu, l’année dernière, qu’il violait la Loi des finances, en dépensant de l’argent hors budget, revient, de nouveau, à la charge. La loi est faite pour être violée, non? Et si l’exemple vient d’en haut…
Ould Abdel Aziz a, ensuite, fait parler la poudre, en nous jetant, à la figure, des chiffres censés nous prouver que notre économie se porte comme un charme: 500 millions de dollars d’avoirs, en devises, et un compte du Trésor, à la BCM, créditeur de 37 milliards d‘ouguiyas. En cette période de récession, les Etats-Unis pourraient difficilement faire mieux. Mais ce qu’ignore le commun des mortels, ébahi devant un tel étalage de richesse, c’est qu’il ne s’agit, là, que d’une vérité tronquée. A quoi sert-il de posséder 500 millions de dollars, quand vos engagements dépassent le milliard ? Que représentent 37 milliards d’ouguiyas, face à une dette intérieure de plus de 120 milliards? Un des plus grands acquis de la Transition 2005/2007 est qu’elle a soldé toute la dette intérieure. Et, depuis 2008, l’Etat n’a fait que vivre sur le dos de ses créanciers, battant des records d’insolvabilité. On ne cesse, pourtant, de nous chanter que la lutte contre la gabegie a porté ses fruits, que les dépenses ont été maitrisées et que l’Etat ne vit plus au dessus de ses moyens. Que l’Etat ne vit plus avec ses moyens mais les thésaurise, devrait-on dire. Cet argent devait, normalement, servir à faire face aux engagements, renflouer les sociétés d’Etat qui croulent sous les déficits et soutenir l’ouguiya qui s’effondre, face aux devises étrangères. Le compte du Trésor, à la Banque centrale, n’a besoin de tout cet argent, il pourrait même être débiteur, à la limite. Ce n’est, pas nécessairement, un signe de bonne santé économique ni de bonne gestion d’accumuler autant d’argent. Sauf à vouloir s’en vanter.
Dans une économie aussi fragile que la nôtre, où tout dépend de l’Etat, fermer les vannes du robinet pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Il s’agirait, plutôt, d’édicter des règles strictes de gestion, choisir les hommes qu’il faut et laisser l’Etat jouer son rôle de régulateur. Il n’est pas possible pour une seule personne, fut-elle président, de régenter toute une économie, de la plus petite dépense jusqu’aux grands équilibres macro-économiques. Les Mauritaniens seraient-ils à ce point peu dignes de confiance? A vous de juger!

AOC

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