jeudi 14 avril 2011

Editorial : Pas d’omelette sans casser d’œufs

Le panel des chefs d’Etat, mandaté, par l’Union Africaine, pour tenter de trouver une issue à la crise libyenne, s’est envolé, ce dimanche, pour Tripoli. Reportée une première fois, pour cause d’embargo aérien, la mission des émissaires africains n’a été autorisée que parce que la communauté internationale commence à se rendre compte de l’impossibilité de régler militairement le conflit. Au cours des derniers jours, les USA ont décidé de se mettre en retrait, laissant, à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le soin de mener, elle-même, les opérations. Et un de leurs généraux, qui ne parle, certainement pas, dans le vide, s’est répandu dans plusieurs organes de presse, pour dire que la guerre serait longue et qu’il est pratiquement impossible, pour les révolutionnaires, de venir à bout du régime de Kadhafi. Du coup, l’OTAN a ralenti ses frappes, officiellement pour cause de mauvais temps. Pour les Européens, il s’agit, en fait mais sans le dire ouvertement, de laisser la chance à une solution pacifique. Voici l’UA mise à contribution. Mais ne croyez pas, un instant, que c’est d’elle-même que l’initiative est venue. Dans les relations internationales, comme dans la vie de tous les jours, la raison du plus fort est toujours la meilleure. Et, lorsque les USA ou l’UE, pour qui Kadhafi est le diable en personne avec qui nulle négociation n’est seulement envisageable, vous intiment l’ordre de courir chercher une solution, vous n’avez d’autre choix que de prendre vos jambes à votre cou. Les laissant dire, ensuite, pour sauver la face, que, comme le conflit oppose des Africains, c’est à l’Afrique de le régler.
Voici la question à présent posée: que peut faire le panel, dans cet univers kadhafien, pour ne pas dire kafkaïen? Le libyen ne veut pas entendre parler de départ ou de transition, persuadé qu’il est de son bon droit, que dis-je, de sa mission quasi-divine, et de l’agression dont il est «victime». Les mutins, eux, ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Le Guide libyen leur a fait tellement de mal qu’ils ne baisseront pas les armes, avant son éviction, définitive, du pouvoir, ainsi que ses fils. Et sont prêts à se battre, jusqu’au dernier, pour venir à bout d’un régime qui les a opprimés, pendant plus de quarante ans, les privant de leurs droits les plus élémentaires. Quelles solutions pourrait, dans ces conditions, préconiser le panel? Il semble y avoir plus d’arrangements à monnayer, en dessous de table, du côté de Mouammar qui ne semble pas, à soixante-neuf ans, à l’agonie, même si son pouvoir chancelle bigrement; que de celui d’une opposition facebookienne, sympathique, peut-être, mais à géométrie et desseins variables et, surtout, pas très achalandée. La France, notre modèle démocratique, n’a-t-elle pas eu, elle-même, sa Commune de Paris, avant que ne s’impose la troisième République? On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. Le panel s’accommoderait, sans doute, de cette sentence. Mais les sauvera-t-elle des révoltes, en suspens, de leurs propres peuples, bien plus attentifs qu’ils ne le croient, généralement, à la cuisine en cours dans les pays arabes?
Ahmed Ould Cheikh

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