jeudi 7 janvier 2010

Qui sont-ils, ces militaires qui nous gouvernent? (troisième partie)

G) Le général Mohamed Ould Hadi
«Si le nez de Cléopatre eût été plus court, la face du monde aurait changé». Légitimement, les pensées de Pascal peuvent nous pousser à dire que si le général Mohamed Ould Hadi n’avait pas rencontré, sur son chemin, un certain Maouiya, à une certaine période, sa vie aurait été tellement prosaïque qu’elle ne susciterait aucun commentaire.
En quittant, dès 1975, le berceau familial d’Atar pour l’armée, nanti d’à peine un certificat sanctionnant ses humanités primaires, l’actuel général de brigade et directeur de la sûreté nationale, Mohamed Ould Hadi, est parmi ces privilégiés nés une cuillère dorée à la bouche. Cependant, ne soyons pas trop manichéens et, surtout, relativisons les apparences. Car, contrairement à ce que beaucoup d’officiers pensent, tacitement, ce n’est pas le président Maouiya qui mit Ould Hadi sur la rampe de lancement mais, plutôt, le colonel Yall Abdoulaye. En effet, au début des années 80, lors d’une inspection de ce dernier, à Bir Moghren – la 2ème région militaire du pays – le lieutenant Mohamed Ould Hadi était, alors, commandant d’un sous-groupement «type Farin», une conception née du colonel Moustapha Ould Mohamed Salek, chef d’état-major en 1978. L’organisation matérielle, la capacité opérationnelle, l’attitude, l’aptitude de la troupe, des cadres sous-officiers et officiers étaient telles que le colonel fût, aussitôt, conquis. On tenait à récompenser ce jeune officier pour l’impressionnante parade exhibée, avant même que le bataillon ne se mette à manœuvrer. C’est ainsi qu’on lui proposa, peu de temps après, le CFC d’Akjoujt - Centre de Formation des Caporaux – unité nouvellement fondée. La «marque» Ould Hadi est lancée, elle atteindra son «apothéose» avec l’avènement de Maouiya, le 12-12-1984, tombeur de Mohamed Khouna Ould Haidalla. Je tiens ces propos d’un éminent officier, major de la 1ère promotion de l’EMIA, mort à la fleur de l’âge. En effet, lors des discussions, interminables mais fécondes, à la base militaire de Wejaha de Nouadhibou, je profitais, constamment, des connaissances combien étendues du colonel Mohamed El Moctar Ould Sweid Ahmed, dit Dédé, pour mieux «cultiver mon jardin». Que la terre lui soit légère, amine.
Revenons à notre «météore». On fonda, à l’intention spécifique du capitaine Ould Hadi, le BCS (Bataillon de Commandement et des Services), unité autonome, au sein de l’état-major national, car le CFC n’étant plus à la pointure de celui-là. De ce fait, Ould Hadi devint incontournable, en quête du moindre renseignement, occupant, désormais, la «Une», volant, ainsi, la vedette au colonel Minnih, chef d’état-major et à son adjoint, le colonel Mohamed Ould Lekhal, pourtant réputé baroudeur et autoritaire. En 1991, à l’approche de la démocratisation, notre «engin spatial» amorça sa descente pour atterrir au BED (contre-espionnage), puis au Tiris Zemmour, comme gouverneur de région, avant d’être attaché militaire au Maroc. Disgrâce ou promotion? A l’époque, si Maouiya ne voulait plus de quelqu’un, il l’envoyait en «stage». On crut le feuilleton Ould Hadi fini, à jamais, mais comme le Phénix qui renaît de ses cendres, le voilà de retour, cette fois sur la scène politique, membre du HCE. On se demande comment et pourquoi le général-président Ould Abdel Aziz a tiré, de son long «sommeil hivernal» marocain, Ould Hadi, en le nommant général de brigade, sans la moindre prédisposition (cursus normal) ad hoc. Notre président a-t-il été «marabouté» ? Silence… raison d’Etat.
N’oublions pas que le premier policier de Mauritanie est le fils d’un respectable marabout. L’envie, atavique, de suivre les traces de son père pousse notre général, à ses heures désespérées, vers un mysticisme qui le met dans un état de solipsisme dont il a, seul, le secret. Il prend son chapelet, murmure des paroles incantatoires, fait cent grains à droite, un «touf» à gauche, tout en continuant de psalmodier, entre en transe et prédit l’avenir. L’homme, en lui-même, est foncièrement bon, n’en voulant à personne mais cultivant, en secret, le culte de la personnalité. Avec lui, la police n’a plus besoin de se hisser au diapason des normes «standard» internationales pour «cueillir» le renseignement car le général-marabout maîtrise la situation. Exception faite des kidnappings, récents, des trois espagnols et des deux italo-burkinabès.

H) Le colonel Dia Adama Oumar
En janvier 1974, il était prévu que celui-ci parte se former à l’académie militaire de Churchell, en Algérie, en même temps que N’diaga Dieng (gendarmerie), N’Diaye N’Diawar, Alioune Ould Mohamed, El Hadi Ould Seddigh, Abderrahmane Ould Boubacar, Niang Abdoul Aziz, etc. L’Algérie n’ayant octroyé que douze places, le destin en voulut autrement, pour Dia et Abass Alassane. Si ce dernier a pu partir à Meknès, Dia, par contre, a subi une «injustice» précoce. En effet, après huit mois de formation militaire, comme soldat, au CIAN de Rosso, supportant les caprices de l’adjudant-chef instructeur Mao, Dia est muté à Bir Mogrein, en qualité de soldat, dès l’éclatement de la guerre du Sahara, en décembre 1975.
Cependant, il finira par entamer son stage d’officier et sortira, le 1er juillet 1980, sous-lieutenant de l’EMIA d’Atar. Après deux ans à l’ENA de Nouakchott et un autre stage en France, le voilà diplômé d’intendance militaire. D’officier d’administration à la 5ème région (Néma), le commandant Dia Adama Oumar remplacera au SERAD (SERvice ADministratif) le commandant Ahmed Ould Chrouf, victime d’un règlement de comptes.
Notons qu’au moment des purges de 1990, Dia était détaché du côté de la lagune Ebrié, à l’ANAD (Accord de Non-Agression et de Défense) dégustant, calmement, l’inévitable atcheké sans poisson, au pays des Akan. Nommé premier argentier par le 1er magnat de l’armée, le colonel Boukhreïss, le colonel Dia quitta l’intendance pour le 4ème bureau, au temps du colonel El enArby Ould Jedeïne. En 2008, alors attaché militaire à Moscou, il est tiré, du froid glacial, par le général Ould Abdel Aziz, pour le poste de chef d’état-major particulier du président de la République.
Originaire de Boghé, aristocrate et ne s’en cachant pas, l’homme est un mauritanien dans l’âme, à cheval sur deux cultures (maure et pulaar). Connaissant le solfège – mélomane, donc – notre intendant, s’il n’est pas en train de compter les liasses d’argent, est un poète lyrique, à ses heures de désespoir. Au premier contact, on a l’impression qu’on est en face d’un officier accaparant, au regard rebutant, moustache à la Bismarck. Mais il n’en est rien. L’homme est plutôt méfiant, toujours aux aguets, comme un lièvre, animal craintif, s’il en est, à l’instar de tous les officiers d’administration de l’armée. Allez savoir pourquoi. Cultivé, compétent, notre torodo, proximité de l’émirat du Brakna oblige, sera-t-il en mesure d’honorer son poste actuel de chef d’état-major particulier, lui, l’intendant dont le rôle primordial est de pourvoir en solde, habillement et nourriture, les unités de l’armée? Cette fonction revient à un officier – fantassin, cavalier ou artilleur – ayant, au moins, son DEM (Diplôme d’Etat-Major) au plus, son cursus normal. Car ce poste est un «belvédère» panoramique, un PC tactique, permanent et évolutif, selon les situations, pour le président de la République, très occupé d’ailleurs, afin de prendre, constamment, la température de son armée, surtout au plan opérationnel et technique. Et si le colonel Dia Adama Oumar donnait un jour les coordonnées UTH (Universal Transverse Hercator) des combattants d’Al Qaïda en plein Océan Atlantique, alors que ces terroristes sont en train d’évoluer au beau milieu du Sahara.
J) Le colonel Mohamed Ould Znagui
Attitude spartiate, photogénique: sur cet officier, ancien sportif de renommée sous-régionale, la tenue militaire aurait pu séduire même le Mahatma Ghandi, symbole de la non-violence. Issu de la 2ème promotion de l’EMIA, le colonel Mohamed Ould Znagui en est sorti sous-lieutenant, le 1er juillet 1980. Il connut plusieurs postes successifs: 5ème région, 1ère région, à Boulenoir, EMIA-compagnie Ecole, 6ème région. Après avoir commandé cette dernière, il est muté attaché de défense, près l’ambassade de Mauritanie, à Dakar. Au mois d’août 2008, il est rappelé par le général-président, pour le poste d’adjoint au chef d’état-major national.
Si cet officier avait, dans son enfance, rencontré un coach visionnaire, il aurait pu vivre, aisément, du hand ou du volley-ball, au plan international. Mais il est trop tard, les années ont passées, l’homme, selon l’expression de Bergson, «vieillit». Depuis, le colonel Znagui a troqué la tenue de sport contre la fréquentation, assidue, de la mosquée. Ami personnel du général Mohamed Ould Abdel Aziz avec lequel il partagea plusieurs parties de chasse, cet officier a, dans son parcours, cultivé beaucoup d’affinités avec le colonel Mohamed Ould Lekhal, ancien ambassadeur de Mauritanie au Mali. Pourquoi Ould Lekhal n’a jamais pu accéder au poste de chef d’état-major, surtout du temps de Maouiya, alors qu’il était, psychologiquement et techniquement, prêt à assumer cette fonction? Parce qu’on craignait le baroudeur, ayant beaucoup de sympathisants soldats et cadres supérieurs, dans l’armée. Il était, toujours, surveillé comme le lait sur le feu. Pragmatique, fustigeant la bureaucratie militaire, l’homme de terrain joua un rôle cardinal, lors du conflit sénégalo-mauritanien de 1989, galvanisant, personnellement, les troupes, le long du fleuve, de N’Diago à l’Ouest, à Gouraye, à l’Est.
Du colonel Mohamed Ould Znagui, on retient le sens de la grandeur du chef guerrier, l’amour pour la vérité et un grand esprit opérationnel. Je pense qu’à l’avenir, il faut éviter de l’envoyer en mission, à l’extérieur, avec des officiers trop petits de taille par rapport à lui car ils risquent d’attirer l’attention de toute l’assistance. Si cet officier, originaire d’Akjoujt, avait l’allant des émirs Ahmed Ould M’Hamed de l’Adrar ou Ahmed Ould Deid du Trarza, la Mauritanie en aurait été changée.
Ely Ould Krombelé, ancien officier de l’armée
Orléans, France

Prochainement, incha Allahou: K) le général Ahmed Ould Bekrine; L) le colonel-médecin Mohamed Ould Ghoulam; M) le colonel Mesgharou Ould Sidi Ould Ghweizy

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