mardi 2 février 2010

Editorial : Influences espagnoles

L’Union européenne a décidé, la semaine dernière, de reprendre sa coopération, pleine et entière, avec la Mauritanie. Ainsi a décidé son conseil, réuni à Bruxelles. Que deviennent, donc, Hanevy Ould Dehah, en particulier; la liberté d’expression, en général; et, accessoirement, le dialogue inclusif, tel que recommandé par l’Accord de Dakar? Pourtant, le 20 décembre dernier, avait été signée, à Nouakchott, par le directeur général de la Commission européenne, Stefano Manservisi, et Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, une déclaration d‘intentions qui disposait, en tête des engagements pris par le gouvernement mauritanien actuel, ceux concernant les «droits de l’Homme, les libertés et droits fondamentaux, la poursuite de l’ouverture des médias et l’amélioration du cadre légal, assurant une plus grande liberté d’association, et la dépénalisation des délits de presse».Qu’a-t-on fait, de tout cela, pour mériter l’ouverture des vannes financières? Les médias officiels se sont-ils ouverts à l’opposition? A quel niveau se situe la loi libéralisant les ondes? A-t-on jamais évoqué la dépénalisation des délits de presse? Hanevy ne croupit-il pas, toujours, en prison, malgré l’expiration de sa peine? Où en est le dialogue entre le pouvoir et l’opposition?
Certes, le gouvernement a entamé un dialogue mais avec les islamistes emprisonnés et pour des raisons encore inavouées. Incontestablement, les vertus du dialogue sont incommensurables mais comment expliquer qu’on puisse s’asseoir autour d’une table et discuter avec des gens qui ont tué des innocents, terni l’image du pays et dont le repentir est loin d’être évident, convaincus qu’ils sont sur le «bon chemin»? Et, en même temps, refuser, obstinément, de discuter avec des hommes comme Ould Daddah, Messaoud ou Ould Maouloud qui n’ont, pourtant, jamais tué personne? La raison en est toute simple: qu’ils mettent le pays à feu et à sang, les terroristes ont l’incomparable avantage de ne pas rechercher le pouvoir, contrairement à ceux qui se battent, depuis de longues années, pour une vraie Mauritanie nouvelle.
Sans présumer des «efforts» de la France dont les intérêts ne sont, certes pas, moindres, c’est bien l’Espagne qui semble mener la danse, dans le tintamarre médiatique émanant du Palais ocre. L’Espagne qui, après avoir, très tôt, milité contre les sanctions, puis pesé, de tout son poids, pour que l’UE reprenne sa coopération avec la Mauritanie, parrainera, en avril prochain, une réunion des donateurs pour aider le pays. Faisant du contrôle des flux migratoires vers les Canaries une priorité «sécuritaire», Ould Abdel Aziz ne manquera pas, en retour, d’accorder toutes les facilités aux bateaux espagnols, lorsque l’accord de pêche avec l’UE arrivera à expiration. On se souvient, en outre, que c’était, précisément, l’argument sécuritaire, l’enrobage espagnol pour faire avaler le coup six-aoûtard, à ses partenaires de l’UE. C’est pourquoi l’enlèvement, le mois dernier, de trois humanitaires espagnols, sur la route Nouakchott-Nouadhibou, est venu, un peu, comme un cheveu sur la soupe. C’est ce qui explique que Ould Abdel Aziz fait tout son possible pour obtenir la libération de ceux-ci, avec grand bruit autour de négociations qui aboutiront, à terme, à la libération d’hommes qu’AQMI ou assimilés réclame, en échange des espagnols. La boucle est bouclée: les affaires sont les affaires…
Ahmed Ould Cheikh

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