mercredi 10 février 2010

Affaires canariennes

Vous êtes commerçant mauritanien? Vous faites des affaires avec l’Espagne? A Las Palmas? Aïe, aïe, aïe, pauvre de vous, les temps ne sont plus ce qu’ils étaient! Au consulat, à Nouakchott, inutile d’envoyer votre agent pour suivre le dossier de votre visa. On veut vous voir, monsieur, vous mesurer, vous anthropomorphiser, avez-vous votre réservation d’hôtel, où comptez-vous vous rendre, par quel chemin, selon quelle, peut-être louche, procédure? Vous avez de l’argent, frais, à mettre sur la table? Sous la table? Dans les encoignures du bureau?
Admettons que vous retrouviez, enfin, le doux climat des Canaries, qui vous enchantaient, il y a une décennie ou deux, à peine. Vous n’êtes pas, pour autant, entré dans l’auberge espagnole. Vexations et brimades, contrôles intempestifs d’identité, vérification de chambres d’hôtel, bref, délit de sale gueule d’immigré, vous attendent, au quotidien. Alors, por favor, dépensez votre argent, rapidos, et fissa, retour à Nouakchott! Sans coup de pied au cul, notez bien, si vous ne dépassez pas les délais prescrits!
Pensez, à votre retour, à vous plaindre auprès de monsieur l’ambassadeur. Il vous expliquera, peut-être, qu’avec les vagues, déferlantes, des immigrés clandestins, le discernement et la politesse ne sont plus, tout-à-fait – hélas, mon bon monsieur – à l’ordre du jour. Mais tout de même: «les Canaries ne cessent de nous séduire par leurs paysages, contrastés [c’est le moins qu’on puisse dire, effectivement] et par leur exotisme à la portée de plus d’une bourse. Là, à trois heures des principales capitales européennes…» Soudain, monsieur l’ambassadeur s’est tu. La brochure touristique ne parle pas de l’éventuelle proximité de capitales africaines. La dérive des continents, je présume… En tout cas, souriez, en quittant l’ambassade, vous êtes, très probablement, filmés…

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