vendredi 12 février 2010

Autour d’un thé au Calame

Le pays marque le pas. C’est l’avis, controversé, bien évidemment, d’un des convives du thé du Calame. Pourtant, lui répond son voisin de chaise, les gens travaillent. En quelques mois, la ville a été pourvue de plusieurs dizaines de kilomètres de voirie. Et puis, toi, ce n’est pas ce que tu disais, il y a quelques semaines, au siège de l’Union Pour la République, alors qu’on préparait les journées de la jeunesse du parti. Hé, sois cohérent! Ne suis pas les pas de ces éternels mécontents, jamais satisfaits, insatiables pourfendeurs des régimes en place! Le pays avance. Militairement, à pas cadencés. Tu verras, dans moins d’un an, le transport public sera organisé. Les recommandations des journées que les responsables de ce secteur ont initiées le garantissent. Selon le ministre de la Santé, les malades du cancer ne partiront plus se soigner à Pétaouchnock. Ils auront, juste, besoin de deux cents ouguiyas, pour se rendre en face de l’immeuble El Mamy où les attend un centre d’oncologie qui sera doté, dit notre enthousiaste, des dernières installations dont le coup d’envoi des travaux a été – tapageusement, maugrée son voisin – donné par le président de la République, «Hafiwahou Lahou Wara’ ahou»: que Dieu le garde et le protège de ses amis, ses ennemis il s’en charge.
Le pays marche. Sinon, il se serait arrêté. Que de voitures! Que de banques! Que de voyages! Partout, la Mauritanie marque des points. L’union Européenne est sur le point de rouvrir les robinets. L’Iran, la Turquie, le Venezuela ont, tour à tour, reçu, avec les honneurs, le président. Les conséquences suivront. Les fonctionnaires se frottent les mains et attendent la fin du mois de février, pour percevoir des indemnités nouvelles qui viendraient grossir leurs salaires et améliorer leurs conditions de vie. Le dialogue avec les présumés terroristes est sur le point de se terminer positivement. La paix reviendra. La hache de guerre sera enterrée. Le calumet de la paix fumé. Qui a dit qu’une seule main n’applaudit pas? Pourtant, malgré la carence du gouvernement, des hauts fonctionnaires, des walis, des hakems et autres, le grand chef fait marcher la lourde machine, seul. Emprisonne, seul. Libère, seul. Casse les décisions de justice, seul. Remets, seul, en cause les accords passés à son insu. Nomme et dénomme, seul. Mais ça marche. Regardez du côté du centre international des conférences de Nouakchott, dit palais des congrès. Rencontre des oulémas, sur la modération en islam. Journées portes ouvertes sur le secteur des transports. Journées de la vieillesse UPR. Journées de la jeunesse UPR. Journées des femmes UPR. Suivront, certainement, celles des proxenètes et entremetteurs UPR. Plus de quelques centaines de millions pour toutes ces manifestations. Au frais de qui?
Ould Nagi et Ould Oumarou, enfin libres. Le premier ne payera rien, le second remboursera un peu moins de 300.000 dollars. Les deux hommes se prépareraient à rentrer dans une certaine bonne grâce. Alors, Hanefi, bon courage. Tu es tombé sur plus fort que toi. Les juges, les avocats, un ministre et un palais de la Justice, un procureur et trois ratons-laveurs. La démocratie. La communauté internationale. La France, patrie des Droits de l’Homme. Les accords de Dakar. La liberté de la presse. La Commission africaine. Jean Ping. Ban Kimoon. Barak Obama. Que d’injustices! Que de mépris! Que de petitesse! Bon courage, Hanefi. Tiens bon, l’obscurité s’estompera. La lumière de la vérité et de la justice jaillira, inéluctablement, et expédiera loin, très loin, dans les profondeurs de l’oubli, les tyrans et leurs collabos.

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