mardi 29 décembre 2009

Editorial: Imbroglio saharien

A quoi joue la Mauritanie, dans l’affaire du Sahara? Alors que notre pays a, par le passé, toujours adopté une attitude de neutralité, dans un conflit qui nous concerne, pourtant, au premier chef, et brillé, par son absence, dans la recherche d’une solution, laissant les deux mini-puissances régionales se déchirer, le voilà qui se propulse, maladroitement, au devant de la scène. Trois événements sont venus nous rappeler que notre neutralité, pour ne pas dire passivité, est, désormais, un vain mot. Notre ambassadeur à Rabat, peu suspect d’agir sans directives claires et précises, se rend au Sahara, visite quelques villes et se fend d’une déclaration à la télé marocaine où il vante le «miracle» qui s’est produit dans cette région, depuis qu’elle est revenue au royaume chérifien. Ce fut, ensuite, le tour d’Atar d’être jumelée avec la ville de Laayoune. Alors que la Mauritanie reconnaît, officiellement, la République sahraouie et n’est jamais revenue sur cette décision, prise, par Ould Haidalla, en 1983, ce jumelage peut être interprété comme une reconnaissance du fait accompli. Enfin, lors d’un débat parlementaire, le député d’Akjoujt a demandé, à la Mauritanie, de reconsidérer sa position, vis-à-vis de la question du Sahara, et de revenir sur la reconnaissance de la RASD. Même au plus fort de la tension avec le Maroc de Hassan II, Ould Taya n’a, jamais, accepté de tomber dans ce piège. Il a, toujours, prôné et adopté une position neutre, vis-à-vis de ses deux puissants voisins, dont les capacités de nuisance sont énormes, pour un pays aussi fragile que le nôtre.
La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre. Sans protester officiellement, l’Algérie a annoncé un déploiement sans précédent de troupes le long de ses frontières sud, instituant, au passage, huit postes de contrôle, au-delà desquels il est interdit de circuler. Une façon de repousser les trafiquants, les bandits, les coupeurs de route et autres membres d’AQMI, vers les autres pays aux frontières poreuses et n’ayant pas les moyens de contrôler leurs vastes territoires. Si, en plus de tout cela, notre pays est dans la ligne de mire d’Al Qaida, il n’y a qu’un pas que les observateurs ont franchi pour dire que l’Algérie nous cherche, désormais, noise.
De nombreuses voix se sont élevées, depuis deux décennies, pour dénoncer l’implication de divers services secrets, notamment algériens, dans la radicalisation des contestations populaires musulmanes. On se souvient du fameux «El para», commandant le GSPC, père naturel de l’AQMI, et des embarras algériens lors de sa capture par des rebelles tchadiens. On se souvient, également, de la stratégie américaine qui lui a permis d’installer, en quelques cinquante ans, son réseau de bases militaires au Moyen-Orient. Or, les enjeux sahariens – hydrocarbures, minerais, eau – sont en telle exponentielle croissance qu’il devient de plus en plus rentable d’investir dans de troubles manipulations. Insécuriser pour justifier, a posteriori, la sécurisation, sans négliger de plus immédiates retombées… Des accords secrets sont, probablement, en cours d’exécution entre puissances régionales et mondiales. Le flirt un peu poussé du pouvoir d’Ould Abdel Aziz avec le Maroc aurait-il incité d’autres intérêts à orienter l’activité de l’AQMI vers la Mauritanie? Les ravisseurs des espagnols et des italiens ont agi avec une facilité déconcertante et leur mode opératoire indique, clairement, qu’ils n’étaient pas isolés. Ils bénéficiaient, probablement, de complicités et d’appuis logistiques. De là à dire qu’ils étaient en service commandé…
Dans cet écheveau complexe, que gagne la Mauritanie à se départir de sa neutralité? N’aurait-il pas mieux valu, pour le nouveau pouvoir, qui a, déjà, assez de problèmes à l’intérieur, d’éviter de s’en créer de nouveaux, à l’extérieur? Mais, dans la surenchère des enjeux sahariens, est-il possible de rester neutre? De grosses fortunes, françafricaines ou autres, se sont beaucoup investis, pour faire élire Ould Abdel Aziz. Ce n’était, évidemment pas, par pur altruisme envers les populations déshéritées de Mauritanie. Dénouer les fils de cette intrigue? Ce ne sera pas, semble-t-il, une sinécure…
Ahmed Ould Cheikh

1 commentaire:

  1. Merci pour cet article plein de vérité. Reste à espérer que le nouveau gouvernement mauritanien respecte le principe de neutralité envers ce conflit qui risque de déraper à tout moment.
    Le peuple sahraoui garde un sentiment de fraternité particulier envers le peuple mauritanien en vertu des liens historiques et culturels que les lient. Cela a une importance capitale qui ne doit pas être négligée.

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