vendredi 25 décembre 2009

Autour d’un thé à la rédaction du Calame

L’affaire des hommes d’affaires mis au frais pour un montant de14 milliards d’ouguiyas. Le cas d’Ould Nagi, ancien gouverneur de la Banque Centrale, traité comme le plus vulgaire des délinquants. L’histoire d’Ould Mogueya et de ses collègues médecins, heureusement libérés. Le rapt des trois espagnols, il y a trois semaines. Les tonitruantes sessions parlementaires. Les disgrâces. Les promotions. Les histoires diverses que racontent les gens de la rue, des bus et des taxis. Les sorties, parfois intempestives, de hauts responsables. La confusion entre les pouvoirs. Autant de questions qui meublent, entre autres, le quotidien des spécialistes des supputations, des ragots et des rumeurs. La dernière serait, selon un ami du journal, la décision du président Ould Abdel Aziz de diligenter une enquête contre lui-même. Histoire de montrer le bon exemple. Deux cas de figure. Si ça va, ça va. Si ça ne va pas, ça ne va pas. Mais au Calame, aujourd’hui, les convives du thé ont, surtout, parlé de la Grande muette. En Mauritanie, l’appellation ne lui colle pas bien car elle est, quand même, un peu bavarde. Les parlementaires avaient à examiner, ces jours-ci, un projet de loi relatif à la dénomination des grades des officiers supérieurs de l’armée nationale. Selon le ministre de la Défense, sa non-conformité avec celle des autres pays du monde suscite, souvent, des accrocs protocolaires auxquels la loi voudrait mettre fin. Notre vaillante armée nationale n’a, donc, comme problème que de faire correspondre ses grades avec ceux des autres armées du monde? Ridicule. Fondée lors de l’indépendance, mise à l’épreuve, en 1975, avec la guerre du Sahara (5.000 hommes, à peine), nos militaires ne brillent pas par le conformisme aux missions traditionnellement dévolues par la Constitution. Leur seul fait d’armes est d’avoir inscrit la Mauritanie dans le peloton de tête des pays régulièrement secoués par des coups d’Etat. Selon un député, notre armée n’est pas une armée de combat, mais une armée spécialiste en coups d’Etat. Les déroutes de Lemghaity, d’El Ghalawiya, de Tourine et le rapt des trois espagnols rappellent, malheureusement, l’impéritie, le manque de professionnalisme et la démission de notre armée. De 1978, date du renversement du régime civil de Moktar Ould Daddah, à nos jours, l’institution militaire a pris goût à la chose politique. Ses officiers supérieurs s’y sont admirablement enrichis – les fortunes militaires comptent parmi les plus grandes du pays – et sont de véritables hommes politiques qui ne se cachent pas de battre campagne pour leur candidat favori. La dernière présidentielle où les divers états-majors tenaient lieu de quartiers généraux est une preuve, formelle, de l’implication publique de cette institution dans les affaires politiques.
Avec un budget de 30 milliards, contre seulement 12 pour l’éducation et 9 pour la santé, l’institution militaire a, largement, les moyens de s’occuper de sa mission traditionnelle, clairement définie par les dispositions de la loi fondamentale. Pour cela, une (re)formation morale, intellectuelle et professionnelle s’impose. Elle doit rompre avec les pratiques anachroniques, comme le népotisme et la corruption. Pratiquement tous les officiers des différents corps – gendarmerie, armée nationale, garde, douane, police – sont fils d’anciens officiers de ces institutions. Rares sont les gradés qui n’ont pas été recruté sur pistons, enfants, neveux, cousins, proches parents ou amis. Plus que toute autre, l’institution militaire est malade. La gabegie, l’enrichissement illicite et la dilapidation des biens publics y ont atteint le paroxysme. C’est par elle que le changement doit commencer. L’armée doit rester à sa place. L’armée doit se consacrer à sa mission. L’armée doit capitaliser ses multiples échecs. L’armée doit, enfin, devenir une armée de métier et de combat. Sans cela, notre stabilité est compromise et la démocratie, vouée aux gémonies.

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