Entre Mohamed Ould Bouamatou et
le « pouvoir » (euphémisme utilisé par l’homme d’affaires pour ne pas
nommer qui vous savez), la tension est à son comble. Sentant l’étau se
resserrer autour de sa banque, désormais soumise à un pillage systématique de
ses avoirs, par la Banque
centrale, sous forme d’Avis à Tiers Détenteur
(les fameux ATD) en provenance du fisc et d’amendes venues de nulle
part, Ould Bouamatou a décidé, la semaine dernière, de prendre les devants. En fermant
unilatéralement les portes de son institution. N’ayant plus accès à ses dépôts,
exclue du marché des changes, incapable de réaliser la moindre transaction, elle
n’avait d’autre choix que de mettre la clé sous la porte. Un coup de maître
réussi par le banquier qui, dans un communiqué au vitriol, sonne la résistance
contre le pouvoir. Groggy, la Banque
centrale reste quelques jours sans réagir, avant de contrecarrer en convoquant
les responsables de la banque pour leur intimer l’ordre de rouvrir les guichets.
Faute de quoi, des mesures seront prises « conformément à la loi bancaire »
(ne pouffez pas de rire, SVP, on est en Mauritanie). Une loi sur laquelle cet
institut d’émission s’est pourtant sciemment assis, au moment où il fallait
porter tort à la GBM. Alors
qu’il doit en être le garant. C’est aussi ça, la Mauritanie nouvelle.
Que va-t-il se passer à
présent ? La BCM,
s’étant subitement rappelée qu’il faut respecter ne serait-ce qu’un tout petit
peu de forme, a décidé de prendre la voie « normale ». Elle vient
d’adresser un blâme à la banque, en prélude à une série de mesures qui peuvent
aller jusqu’au retrait de l’agrément. Mais ce qui s’est passé, avant ? On
le passe par pertes et profits ? Les milliards soustraits des livres de la
banque, en toute illégalité, ils sont où, monsieur le gouverneur ? Le fait
qu’une banque soit dans la ligne de mire du pouvoir vous autorise-t-il à
tripatouiller ses comptes ? N’est-il pas de votre devoir de faire tout ce
qui est en votre pouvoir pour éviter qu’une institution financière ne tombe en
faillite, au risque d’entraîner tout le système financier dan son
sillage ?
Il y a belle lurette que ce pays
a perdu toute logique. On cherche noise à un homme d’affaires et, comme il
n’est pas en place, on embastille son adjoint, pour des motifs totalement
farfelus. Puis on arrête le président d’une initiative mise en place par ses
soutiens. Parce qu’on a contesté le fait du Prince, on doit s’attendre à tout.
Et il n’y aucun recours contre l’arbitraire. La police peut, aisément, trafiquer
des procès-verbaux, la justice envoyer des innocents en prison, le fisc étrangler
tout citoyen indocile et la Banque
centrale faire ce qu’elle veut avec la loi.
Notre président ne manque pas
pourtant une occasion de clamer que nous sommes un Etat de Droit, sans aucun
prisonnier d’opinion. Certes, l’arbitraire s’est fait plus sélectif. S’ils
avaient tiré sur une innocente ou dilapidé de l’argent public, Mohamed Ould
Debagh et El Kory Ould Addad ne seraient certainement pas en prison à l’heure
qu’il est. Toujours cette logique « proprement » militaire si
spécifique à la Mauritanie
où le champ de la plus extrême susceptibilité – celui des (très) gros sous –
reste sous (très) sourcilleuse garde. Pour ne pas dire dictature…
Ahmed Ould Cheikh
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimer