dimanche 24 mars 2013

Editorial : Pour ne pas dire dictature…



Entre Mohamed Ould Bouamatou et le « pouvoir » (euphémisme utilisé par l’homme d’affaires pour ne pas nommer qui vous savez), la tension est à son comble. Sentant l’étau se resserrer autour de sa banque, désormais soumise à un pillage systématique de ses avoirs, par la Banque centrale, sous forme d’Avis à Tiers Détenteur  (les fameux ATD) en provenance du fisc et d’amendes venues de nulle part, Ould Bouamatou a décidé, la semaine dernière, de prendre les devants. En fermant unilatéralement les portes de son institution. N’ayant plus accès à ses dépôts, exclue du marché des changes, incapable de réaliser la moindre transaction, elle n’avait d’autre choix que de mettre la clé sous la porte. Un coup de maître réussi par le banquier qui, dans un communiqué au vitriol, sonne la résistance contre le pouvoir. Groggy, la Banque centrale reste quelques jours sans réagir, avant de contrecarrer en convoquant les responsables de la banque pour leur intimer l’ordre de rouvrir les guichets. Faute de quoi, des mesures seront prises « conformément à la loi bancaire » (ne pouffez pas de rire, SVP, on est en Mauritanie). Une loi sur laquelle cet institut d’émission s’est pourtant sciemment assis, au moment où il fallait porter tort à la GBM. Alors qu’il doit en être le garant. C’est aussi ça, la Mauritanie nouvelle.
Que va-t-il se passer à présent ? La BCM, s’étant subitement rappelée qu’il faut respecter ne serait-ce qu’un tout petit peu de forme, a décidé de prendre la voie « normale ». Elle vient d’adresser un blâme à la banque, en prélude à une série de mesures qui peuvent aller jusqu’au retrait de l’agrément. Mais ce qui s’est passé, avant ? On le passe par pertes et profits ? Les milliards soustraits des livres de la banque, en toute illégalité, ils sont où, monsieur le gouverneur ? Le fait qu’une banque soit dans la ligne de mire du pouvoir vous autorise-t-il à tripatouiller ses comptes ? N’est-il pas de votre devoir de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour éviter qu’une institution financière ne tombe en faillite, au risque d’entraîner tout le système financier dan son sillage ?
Il y a belle lurette que ce pays a perdu toute logique. On cherche noise à un homme d’affaires et, comme il n’est pas en place, on embastille son adjoint, pour des motifs totalement farfelus. Puis on arrête le président d’une initiative mise en place par ses soutiens. Parce qu’on a contesté le fait du Prince, on doit s’attendre à tout. Et il n’y aucun recours contre l’arbitraire. La police peut, aisément, trafiquer des procès-verbaux, la justice envoyer des innocents en prison, le fisc étrangler tout citoyen indocile et la Banque centrale faire ce qu’elle veut avec la loi.
Notre président ne manque pas pourtant une occasion de clamer que nous sommes un Etat de Droit, sans aucun prisonnier d’opinion. Certes, l’arbitraire s’est fait plus sélectif. S’ils avaient tiré sur une innocente ou dilapidé de l’argent public, Mohamed Ould Debagh et El Kory Ould Addad ne seraient certainement pas en prison à l’heure qu’il est. Toujours cette logique « proprement » militaire si spécifique à la Mauritanie où le champ de la plus extrême susceptibilité – celui des (très) gros sous – reste sous (très) sourcilleuse garde. Pour ne pas dire dictature…

                                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

1 commentaire: