Intervenant mercredi dernier, le 23 mai, dans un
colloque organisé par l’opposition sous le thème « La Mauritanie est elle
devenue un narco-Etat? », Dah Ould Abdel Jelil, ancien ministre de
l’Intérieur sous Ould Taya, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Pour
lui, un faisceau de preuves tangibles tendent à démontrer que notre pays est
devenu, au fil des ans, une plaque tournante du trafic de drogue dans la
sous-région. Rien qu’à voir les quantités saisies depuis 2007 – contre combien de tonnes passées entre les
mailles du filet ? – la drogue sud-américaine en chemin pour l’Europe
apprécie bel et bien notre route des sables. Il y a six ans, la première alerte
était donnée avec le fameux avion de Nouadhibou, qui débarqua précipitamment sa cargaison interdite sur le
tarmac de l’aéroport, avant de remettre les gaz et atterrir en plein désert. Victime
d’une dénonciation. Jusque là, on ne parlait que d’un groupe de jeunes, subitement
argentés, qu’on soupçonnait être tombés sur un filon… blanc.
La méthode,
utilisée désormais par les trafiquants, qui n’hésitaient plus à traverser
l’Atlantique à bord d’un petit avion alimenté en plein vol, et les quantités
saisies ont fini par convaincre les autorités que le danger était bien
réel. Ce qui n’empêchera pas tous les
protagonistes de l’affaire de prendre la poudre d’escampette, à commencer par
leur correspondant local. D’autres scandales défrayeront la chronique. Comme
celle du français Walter Amegan, extradé du Sénégal, et ses complices. Ou celui
de Lemzerreb, à l’extrême nord du pays, qui permit l’arrestation d’une
trentaine de trafiquants et la saisie d’un camion rempli à ras-bord de chanvre
indien. Amegan et ses amis seront libérés par un juge et l’on n’a plus jamais
entendu parler des hommes arrêtés à Lemzerreb.
Complicités ? Relations en assez hautes postures pour bénéficier de
non-lieux, remises de peine ou grâce présidentielle ? Et en échange de
quoi ? Questions sans réponses qui laissent le doute s’insinuer partout.
En fallait-il plus pour que Noel Mamère, le député
Vert européen, saute sur l’occasion et accuse le président Aziz d’être un
« parrain de la drogue dans la sous-région » ? Le parlementaire
français reviendra sur sa déclaration, quelques jours plus tard, en tentant de
minimiser sa portée mais le mal était déjà fait. Il a été assigné en justice.
Une première audience, dite de procédure, a déjà eu lieu le mercredi 24 mai et
le procès est fixé au 13 mai 2014.
A l’esclavage qui nous colle à la peau, il nous faut
donc, désormais, associer le trafic de drogue. Quand le nom du premier d’entre
nous y est mêlé, on ne peut plus y échapper. Surtout que, si l’on en croit
certains médias, il aurait reçu, discrètement, des personnes nommément impliquées
dans ce trafic au Mali et en Guinée-Bissau, comme le chef d’état-major des
armées de ce dernier pays, véritable narco-Etat, inculpé, par l’administration
américaine, pour son rôle dans ce commerce illicite. Et notre Président aurait,
également, gracié des personnes plus que mouillées dans des affaires dont le
moins qu’on puisse dire est qu’elles sont louches.
Faut-il y voir un lien de cause à effet ?
Prions pour que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve et que tous ces faits ne
soient que de simples coincidences. Qu’aucune
grâce n’ait jamais été accordée. Que le président n’ait reçu que des responsables
au-dessus de tout soupçon. Que toutes les personnes impliquées dans ce trafic soient
encore en train de purger leurs peines. Et
que les fameuses malles de Coumba Bâ ne contiennent rien d’autre que sa garde-robe.
On ne sortira de l’auberge que lorsque
toutes ces prières seront exaucées. Alors prions !
Ahmed Ould Cheikh
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