dimanche 2 juin 2013

Editorial : Seigneur de la coke, préservez-nous en !



Intervenant mercredi dernier, le 23 mai, dans un colloque organisé par l’opposition sous le thème « La Mauritanie est elle devenue un narco-Etat? », Dah Ould Abdel Jelil, ancien ministre de l’Intérieur sous Ould Taya, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Pour lui, un faisceau de preuves tangibles tendent à démontrer que notre pays est devenu, au fil des ans, une plaque tournante du trafic de drogue dans la sous-région. Rien qu’à voir les quantités saisies depuis 2007 –  contre combien de tonnes passées entre les mailles du filet ? – la drogue sud-américaine en chemin pour l’Europe apprécie bel et bien notre route des sables. Il y a six ans, la première alerte était donnée avec le fameux avion de Nouadhibou, qui débarqua  précipitamment sa cargaison interdite sur le tarmac de l’aéroport, avant de remettre les gaz et atterrir en plein désert. Victime d’une dénonciation. Jusque là, on  ne  parlait que d’un groupe de jeunes, subitement argentés, qu’on soupçonnait être tombés sur un filon… blanc.
 La méthode, utilisée désormais par les trafiquants, qui n’hésitaient plus à traverser l’Atlantique à bord d’un petit avion alimenté en plein vol, et les quantités saisies ont fini par convaincre les autorités que le danger était bien réel.  Ce qui n’empêchera pas tous les protagonistes de l’affaire de prendre la poudre d’escampette, à commencer par leur correspondant local. D’autres scandales défrayeront la chronique. Comme celle du français Walter Amegan, extradé du Sénégal, et ses complices. Ou celui de Lemzerreb, à l’extrême nord du pays, qui permit l’arrestation d’une trentaine de trafiquants et la saisie d’un camion rempli à ras-bord de chanvre indien. Amegan et ses amis seront libérés par un juge et l’on n’a plus jamais entendu parler des hommes arrêtés à Lemzerreb.  Complicités ? Relations en assez hautes postures pour bénéficier de non-lieux, remises de peine ou grâce présidentielle ? Et en échange de quoi ? Questions sans réponses qui laissent le doute s’insinuer partout.
En fallait-il plus pour que Noel Mamère, le député Vert européen, saute sur l’occasion et accuse le président Aziz d’être un « parrain de la drogue dans la sous-région » ? Le parlementaire français reviendra sur sa déclaration, quelques jours plus tard, en tentant de minimiser sa portée mais le mal était déjà fait. Il a été assigné en justice. Une première audience, dite de procédure, a déjà eu lieu le mercredi 24 mai et le procès est fixé au 13 mai 2014.
A l’esclavage qui nous colle à la peau, il nous faut donc, désormais, associer le trafic de drogue. Quand le nom du premier d’entre nous y est mêlé, on ne peut plus y échapper. Surtout que, si l’on en croit certains médias, il aurait reçu, discrètement, des personnes nommément impliquées dans ce trafic au Mali et en Guinée-Bissau, comme le chef d’état-major des armées de ce dernier pays, véritable narco-Etat, inculpé, par l’administration américaine, pour son rôle dans ce commerce illicite. Et notre Président aurait, également, gracié des personnes plus que mouillées dans des affaires dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont louches.
Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Prions pour que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve et que tous ces faits ne soient que de simples coincidences. Qu’aucune  grâce n’ait jamais été accordée. Que le président n’ait reçu que des responsables au-dessus de tout soupçon. Que toutes les personnes impliquées dans ce trafic soient encore en train de purger leurs peines.  Et que les fameuses malles de Coumba Bâ ne contiennent rien d’autre que sa garde-robe.  On ne sortira de l’auberge que lorsque toutes ces prières seront exaucées. Alors prions !
                                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh

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