Mardi 28 mai, Zouérate, environ 10 heures :
des journaliers remontés s’attaquent à des édifices publics et brûlent des voitures. Victimes d’une
exploitation éhontée de la part de tâcherons sans scrupules, ils ne cessaient,
depuis des mois et des mois, de crier leur désarroi et leur ras-le-bol, face à
une situation qui fait d’eux de véritables esclaves des temps modernes. Tout le monde ou presque les avait pourtant
assurés d’un règlement rapide de leur problème. Ould Abdel Aziz en premier,
multipliant les promesses de….campagne qui, comme dit le dicton, n’engagent que
ceux qui y croient. Et eux, naïfs, ont pensé, un peu trop hâtivement, qu’une
fois aux commandes, celui qui se faisait appeler le président des pauvres allait
mettre fin aux abus dont ils sont les victimes. Or, depuis la naissance de la SNIM, personne n’a jamais osé
remettre en cause cette aberrante situation. A cause, peut-être, des enjeux énormes, des intérêts et des gros sous qu’elle draine et dont
profite, apparemment, pas mal de monde, civil et militaire.
Imaginez le tableau : des ouvriers, des
manœuvres et des gardiens
« sous-traités » – autrement dit, sous-payés – par des tâcherons
qui se sucrent sur leur dos, sans fournir le moindre effort. Si ce n’est les facturer,
au prix fort, à la SNIM,
leur payer des miettes et se retrouver avec un bon pactole, net d’impôts. Une activité génératrice, au bas mot, de quelques
centaines de millions d’ouguiyas, sinon plus, par an. Et dont le maintien en
l’état – mieux, l’accroissement – ne déplairait pas à pas mal de gens.
C’est dans ce contexte qu’est advenue la révolte de
mardi dernier. La coupe était pleine, il fallait qu’elle déborde. En sit-in
depuis plusieurs jours, les journaliers ne voyaient pas le bout du tunnel et ont
subitement décidé d’aller à la confrontation. Victime de ses atermoiements,
l’Etat s’est retrouvé piégé. Se sachant dans le tort, il ne pouvait frapper.
Mais trop de mollesse faisait craindre un effet boule de neige dans les autres villes
du pays, notamment à Nouadhibou, où d’innombrables travailleurs subissent la
même exploitation.
Pris dans la tourmente, le pouvoir dépêche, dare-dare,
deux ministres, le directeur général de la SNIM ; rappelle le wali, pour tenter de
calmer les esprits et trouver une solution. En fait, il n’a fait que s’aplatir, la
revendication essentielle – celle qui allait régler la question pour toujours,
à savoir l’embauche – n’a pas été satisfaite. Mais, dans le procès-verbal
sanctionnant la réunion entre les représentants des travailleurs et ceux de
l’Etat, il a été explicitement écrit que les fauteurs de troubles ne seraient
pas poursuivis. On aurait pu le faire sans l’écrire. Une maladresse qui sonne
le glas du peu d’autorité qui reste encore à l’Etat. Une prime à la casse et un
dangereux précédent qui risque de faire jurisprudence. Surtout que deux
affaires, pratiquement concomitantes, ont coïncidé avec les événements de
Zouérate et ébranlent un peu plus le respect dû à l’Etat : Un préfet
sérieusement amoché à Dar Naim et un conseiller à la présidence molesté devant
son lieu de travail.
Journaliers de tout le pays, unissez-vous ! La
meileure manière de vous faire entendre, désormais, est de tout brûler sur
votre passage. Une partie de vos doléances trouvera, enfin, une oreille attentive
et vos actes, aussi répréhensibles soient-ils, seront absous. C’est bien pieds
et mains liés que la
Mauritanie se précipite ainsi dans la modernité : en
s’arc-boutant sur la pire de ses traditions – l’exploitation éhontée de la
sueur d’autrui – et en négligeant la meilleure – le respect de la légalité.
Certes, on reconnaît bien, là, ce qui fait, à
l’évidence, force de loi mondialisée, de nos jours – « la fin justifie les
moyens » – mais de quelle fin parle-t-on, nous, Mauritaniens réputés
musulmans ?
Ahmed Ould Cheikh
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