mercredi 7 avril 2010

Habib Ould Mahfoudh, l’éternel incompris

Que la chose soit entendue : au Calame, la polémique n’est pas notre tasse de thé. Mais sur celle suscitée par « Mon hommage à Habib Ould Mahfoudh », écrit par Kemal Ould Mouhamedou le 14 février 2002 et publié à Taqadoumy le 24 mars 2010, je vous invite, chers lecteurs, à partager avec moi le commentaire ci-dessous d’Ahmedou Ould Moustapha, dans son style habituel, à la fois simple et recherché, en réponse à un parent qui lui demandait par e. mail s’il avait lu cet « Hommage ». Ledit parent m’a retransmis, pour lecture personnelle, ce courriel que je me fais un plaisir de vous livrer ici, et qu’importe si je devais violer l’intimité d’une correspondance privée. Lisez donc :

« Cher Dah

Je viens juste de lire ton message avec quelque retard (j’étais un peu occupé durant les dix derniers jours). Et c’est ainsi que j’ai cherché à Taqadoumy et trouvé le brûlot de Kemal Ould Mouhamedou sur Feu Habib Ould Mahfoudh. Ne connaissant ni l’un ni l’autre en personne, encore moins le degrés d’estime qu’ils se portaient, j’ai lu avec étonnement « l’hommage » du bien nommé Kemal qui constitue plutôt un salmigondis brillant en surface et oiseux dans le fond : les prosopopées et la logomachie ont embrumé son texte. Ses débordements étaient donc inévitables ; ce qui n’est point étonnant, finalement, puisqu’il semble n’avoir jamais été étouffé par la modestie. Si non au nom de quelle exégèse « défierait-il quiconque de citer plus de dix (mauritaniens) qui ont publié quoi que ce soit que l’on puisse qualifier d’œuvre littéraire » ? Comme si la réputation du pays de million de poètes était usurpée, à moins que la poésie ne soit pas pour lui la plus harmonieuse des formes d’expression littéraire. Encore qu’il n’a ni l’aura morale d’un célèbre écrivain ni même l’envergure intellectuelle de son frère (l’ex- MAE) pour décréter que nous n’étions qu’un peuple d’incultes et que les admirateurs de Habib n’étaient pas en mesure de faire la différence entre le ton léger des ‘’ Mauritanides’’ et le style sérieux du roman littéraire. Or, comme la plupart des gens de son Guidi natal, Habib avait bien ce sens d’humour prononcé avec lequel il exprimait l’impertinence du journaliste indépendant qu’il était. Et c’est en cela qu’il fut adulé par ses lecteurs comme l’a était l’auteur de SAN ANTONIO qui est, aujourd’hui encore, lu par des millions de personnes dont des académiciens et des Prix Nobel tel que le maître actuel de la littérature mondiale, le colombien Gabriel Garcia Marquez. Ensuite, tant que nous y sommes, c’est quand même curieux de s’imaginer ou de laisser percevoir en filigrane que la littérature était une marque déposée de la culture française… Mais remontons des procédures puériles aux structures utiles. Ce faisant, et au-delà de l’indigence de la cogitation sarcastique sur le barbarisme, peut-on dénier à un journaliste le talent d’écriture au seul motif qu’il n’a pas publié de livre ? Et doit-on, pour cette raison, reprocher à ses lecteurs leur unanimisme qui l’a porté au panthéon ? De toutes les querelles faites à Habib, c’est la plus oiseuse ; la plus lugubre aussi. Mr. Kemal se demande par ailleurs ‘’ce que penserait Sigmund Freud de la manie qu’avait Mahfoudh de donner des noms arabes à ses amis négros mauritaniens ’’. Et il explique aussitôt en psychanalyste : ‘’Appropriation catégorielle ou condescendance culturelle’’.

Se pose alors la double question qui en découle : est-ce que Kemal lui-même comprenait bien le calembour et les métaphores de Habib ? A-t-il vraiment lu Freud dont il psittacise en toute liberté la pensée ?

Notre ami Med Abdallahi, qui est avec moi depuis quelques minutes, m’a dit que ce jeune homme était peut-être empêtré à ce moment là dans une crise d’identité littéraire pour ne pas dire culturelle. Je pense par contre que son ambition était bien légitime, même s’il lui manquait encore la qualité qui le prédispose au statut d’iconoclaste et même s’il ne pouvait qu’exaspérer les admirateurs de Habib Ould Mahfoudh. Surtout que dans ce pays, autant qu’ailleurs, c’est un sacrilège que de vouloir faire retentir les voix d’outre-tombe. Salutations. »

1 commentaire:

  1. Ce texte a été rédigé avec brio. Une verve et une capacité à se défendre digne des plus grands avocats.

    RépondreSupprimer