Cette
semaine a eu lieu un événement totalement inédit, une première dans
l’histoire politique de notre pays ; un scoop, comme diraient les
journalistes en mal de sensations, une rencontre qui va décrisper,
définitivement, la scène politique : le Premier ministre a reçu Ould
Maouloud, le président de l’UFP. Au menu des discussions, la future
élection présidentielle et les voies et moyens de la rendre consensuelle
et transparente. Comme si les deux hommes ne s’étaient jamais
rencontrés par le passé. Comme si le pouvoir n’a jamais exprimé, du bout
des lèvres, il est vrai, son désir d’associer toutes les parties à la
préparation des élections. Comme si Messaoud et Boydiel, les maîtres
d’œuvre du dialogue de 2011, ne s’étaient jamais fendus de déclarations
sur les bonnes intentions de ce pouvoir. Comme s’il n’y a jamais eu
d’accords de Dakar, paraphés devant la Communauté internationale. On
veut, à présent, nous faire croire que le président est animé de la
meilleure volonté du monde pour que l’élection présidentielle soit
incontestable et incontestée. A présent qu’il a organisé « ses »
élections municipales et législatives, gagnées haut la main, en
l’absence de challengers sérieux et crédibles, et qu’il dispose d’une
confortable majorité à l’Assemblée, il peut voir venir. A ce rythme, la
présidentielle ne devrait lui être qu’une simple formalité. Mais
pourra-t-il continuer sur cette voie sans casse ? Certes les principaux
partenaires du pays, notamment les Occidentaux, pour qui Aziz paraît la
meilleure garantie contre le terrorisme et l’immigration, se complaisent
encore dans cette situation. Mais pour combien de temps ? La France,
notre principal allié, se sent de plus en plus gênée par le soutien
apporté, ouvertement, à un régime d’essence putschiste. D’où son appui,
encore discret, certes, mais déjà bien réel, au forum que l’opposition
organisera, dans les prochains jours, pour débattre de la prochaine
présidentielle. De là à dire qu’elle commence à lâcher Ould Abdel Aziz,
il n’y a qu’un pas que personne ne se hasarde, encore, à franchir.
Désormais,
plus personne n’est dupe. Tout le monde s’est rendu compte que les
dernières élections n’étaient qu’une mascarade, organisée par
entêtement. Et qu’elles ne reflètent, en rien, la véritable carte
politique du pays. Pire, elles ont aggravé la crise que nous vivons
depuis 2009 et accentué le fossé entre le pouvoir et l’opposition
radicale. Qu’on ne s’y trompe donc pas. Dans ces conditions, une
présidentielle ne servira pas à grand-chose. Ould Abdel Aziz en est déjà
conscient. D’où les appels du pied de son Premier ministre, qui a déjà
rencontré Ould Maouloud et demandé à voir Ould Daddah. Qui lui a opposé
une fin de non-recevoir. Déjà échaudée par les expériences passées,
l’opposition refuse, à présent, de jouer les faire-valoir. Et d’être
utilisée pour crédibiliser une élection sur laquelle elle n’a aucune
prise. Commission électorale, administration, fichier électoral, tout
est entre les mains du pouvoir. Comme si, dans un match, l’arbitre,
censé être neutre, appartenait, ouvertement, à un camp. C’est ce que
l’opposition a compris, en 2013, rejetant le processus dans son
ensemble. Il est peu probable qu’elle ne se fasse prendre, cette fois.
Quand
et comment prendra fin le tourne-en-rond qui fige notre pays ? Plus
exactement, qui ne cesse de l’enfoncer, chaque jour un peu plus, dans un
système pervers où la flagornerie, le passe-droit et la concussion font
office de compétences, sont les seules susceptibles de mener aux postes
de « responsabilité ». C’est dire que l’incompétence et
l’irresponsabilité sont de règle. Une pourriture que seule une réelle
démocratie, assurant de vraies possibilités d’alternance, est à même de
nettoyer. En exigeant, des gouvernants, autres résultats que de la
poudre aux yeux. Et encore, cela prendra du temps, au prix de probables
convulsions, dangereuses, certes, pour une nation aussi jeune que la
nôtre. Alors, il ne nous reste plus qu’à tournicoter, en attendant le
prochain coup d’Etat ? J’en ai le tournis…
Ahmed Ould Cheikh
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