La
formation du gouvernement – 4, 5 ou 6, tant indéboulonnable est devenu
Moulaye Ould Mohamed Laghdaf – a réussi un tour de force : redonner du
sens à une expression plus que galvaudée. La montagne a bel et bien
accouché d’une souris. Cette naissance, on l’a attendue une bonne
dizaine de jours, on a tout raconté et son contraire, donné tel ministre
partant, tel président de parti entrant, promis un gouvernement élargi,
évoqué des compétences, proposé mille et une combinaisons possibles et
imaginables, une équipe-choc, capable de préparer la plus offensive
campagne électorale, pour la plus large victoire possible du guide
éclairé.
Finalement,
on a que ce qu’on mérite. La même équipe, agrémentée de quelques
entrants dont aucun ne sort du lot. Aucune compétence particulière,
aucun esprit supérieur, pas même une petite lumière. Des ministres à
notre image. Exact reflet de ce que nous sommes devenus : l’ombre de
nous-mêmes. Incolores, inodores et sans saveur, incapables de choisir
les meilleurs d’entre nous, s’il en reste. Le parfait nivellement par le
bas.
Un
gouvernement où le dosage (ethnique, tribal, régional) est le premier,
sinon le seul, critère présidant aux choix de ses membres. Selon une
règle implicite, mais qui a fini par faire jurisprudence,
chaque ethnie, chaque région et certaines tribus, numériquement
importantes – une élection en cache toujours une autre – doivent être
impérativement représentées au gouvernement. Le nouveau n’a pas dérogé à
la tradition, il l’a, même, accomplie : tomber au ras des pâquerettes. A
croire que ce pays est désormais maudit.
L’esprit
avachi par plus de trente-cinq années de régime militaire, nous ne
sommes, désormais plus, capables de la moindre réflexion. Notre pays
part à vau-l’eau, on applaudit. On pille nos ressources, on hoche la
tête. On nous prend pour des moutons de Panurge, on se laisse guider à
l’abattoir. On nous fait avaler des couleuvres, on s’essuie la bouche
sans l’ouvrir. On nous raconte des balivernes, on prend tout pour argent
comptant. On nous promet la lune, on tend la main. Mais, rassurez-vous,
ceux qui nous dirigent n’en sont pas mieux lotis. Un poil plus dociles,
peut-être, un art un peu plus consommé de la courbette, une propension
plus naturelle encore à s’aplatir, sinon de faire tapisserie…
Les
montagnes, « tu les crois figées, alors qu’elles passent, comme les
nuages », nous avait appris le Saint Coran. En notre Mauritanie de tous
les vents, elles se sont, à force d’aller et venir, tant amenuisées que
plus rien de grand, de noble, de généreux ne saurait en sortir. Fatalité
du destin ? Peut-être. Mais il reste, tout de même, que la foi – et
celle dont je parle ne limite, évidemment pas, à des considérations
barbues – peut toujours les soulever. L’avons-nous assez en nous-mêmes,
Mauritaniens, pour prendre lucidement conscience de notre avachissement
et faire au moins l’effort de nous donner une pente à gravir ?
Ahmed Ould Cheikh
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