Ils
étaient tous là, ministres, hauts fonctionnaires, députés, applaudisseurs,
simples citoyens. Venus accueillir Ould Abdel Aziz qui se pare, désormais, du
titre de président en exercice de l’Union africaine, ils ont voulu partager,
avec le peuple mauritanien, « ce moment de pur bonheur », pour reprendre
les termes d’une applaudisseuse, lunettes noires et casquette vissée sur la
tête. On la voulait imposante, la fête. Elle ne le sera que très peu. Le mot
d’ordre, lancé aux citoyens (on ne sait toujours par qui) pour affluer vers
l’aéroport, a été peu suivi. Très loin du rassemblement lors du retour d’Aziz
après sa « balle amie ». La majorité de nos concitoyens ne sait,
probablement, pas ce que l’Union Africaine veut dire, ni ce que sa présidence
apportera à leur quotidien de plus en plus difficile. La tête n’était donc pas
à la fête, sauf dans la presse officielle où l’événement a été traité en long
et en large, en amont et en aval, comme dirait l’autre. On a invité un tas de
monde, pour disserter sur la « portée historique » d’une telle
présidence et l’on s’est même permis le luxe de la comparer à celle de Mokhtar
Ould Daddah qui fut, pourtant, obtenue par mérite, elle, et non par défaut. A
l’époque – le 23 juin 1971, très exactement – feu Mokhtar avait été élu, haut
la main, par ses pairs et ce n’étaient
pas n’importe quels pairs. Membre fondateur de l’OUA, il avait porté la voix de
l’Afrique et réussi la prouesse d’amener les Etats d’Afrique subsaharienne à
rompre avec l’entité sioniste. Il s’était battu, avec force, contre
l’Apartheid, avait demandé et obtenu que le Conseil de sécurité se réunisse à
Addis Abbeba, spécialement pour débattre de cette question. Un petit pays comme
le nôtre avait voix au chapitre et l’on n’était pas peu fiers d’avoir un
président, qui avait fondé un pays ex nihilo et discutait, d’égal à égal, avec
les grands de ce monde et les honneurs dus à son rang.
Quarante-trois
ans après la distinction continentale du père de notre nation, notre bilan
porte moins à bomber le torse : avalanche de coups d’Etat – la plaie ouverte par celui de 2008, dernier
en date, est toujours ouverte – qui ont fait, de notre pays, le détenteur d’un
record très peu enviable ; succession de présidents militaires, plus
préoccupés par des questions bassement matérielles que par le rayonnement de la
Mauritanie ; affairismes et trafics en tout genre, népotisme et corruption
banalisées, j’en passe, par respect pour vos narines et vos estomacs… Non, ce
n’est pas une présidence de l’UA, obtenue parce qu’aucun autre président d’Afrique
du Nord n’était présent au sommet de leurs pairs continentaux, qui fera avaler
la pilule d’une image de marque passablement écornée, doublée d’une situation
intérieure désastreuse. On priera seulement le Tout Miséricordieux pour que
notre Rectificateur national ne fasse pas de l’Union africaine ce qu’il a fait
de la Mauritanie…
Ahmed
Ould Cheikh
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