Messaoud nous l’a encore fait. Ce qui n’était
qu’une vague rumeur s’est confirmé, lors du vote pour la présidence de la
communauté urbaine de Nouakchott. On évoquait, pêle-mêle, un accord entre le
leader de l’APP et Ould Abdel Aziz, en vertu duquel les délégués de ce parti
voteraient pour la candidate de l’UPR, au détriment de celui de
l’opposition ; une reconduction au perchoir de l’Assemblée
nationale ; des portefeuilles ministériels ; un grand poste honorifique…
Rien que du très classique, dans ce genre de négociations où l’intérêt
personnel prime sur celui de la collectivité ou du pays. Mais on avait, quelque
part, un petit doute, celui qui vous empêche de croire au fait accompli. Ben,
non, on avait tort : il l’a fait. Il a donné l’ordre, à ses conseillers,
de voter UPR, dédaignant le poste d’adjoint que pouvait donner Tawassoul à son
parti. Un nouveau coup de poignard dans le dos de l’opposition. Ce n’est pas le
premier et ne sera, certainement pas, le dernier.
En 2007, alors que le pouvoir était sur le point
de tomber entre les mains de
l’opposition, Messaoud fait volte-face et appelle à voter pour le candidat des
militaires. Un coup de tonnerre que personne n’est parvenu à expliquer. Même
une haine tenace ne pouvait justifier un tel revirement qui empêchait la
Mauritanie de tourner, définitivement, la page des militaires et de s’orienter
vers une démocratie civile et apaisée. Nous n’en avons pas toujours fini avec
les conséquences de cette décision : candidat des militaires renversé, par
ceux-là mêmes qui l’avaient fait roi, et pays coincé, depuis, dans un engrenage
dont il n’est pas près de sortir…
Coup d’État de 2008. Messaoud s’oppose à Ould Aziz,
avec une grande fermeté mais, depuis l’élection de 2009, quelque chose paraît s’être
à nouveau brisé, en lui. Deux années aux côtés de l’opposition radicale mais
position incompréhensible, lors du Printemps arabe. Il s’oppose au choix de la
rue, pour renverser le pouvoir, au motif que la Mauritanie est faible et ne
saurait supporter une révolution. En 2011, il coupe les ponts avec la COD et se
lance, aux côtés de Boydiel, dans un dialogue avec le pouvoir. La lune de miel
avec Ould Abdel Aziz est entamée.
En 2012, lors de l’absence prolongée de celui-ci,
pour cause de « balle amie », Messaoud improvise, alors que
l’opposition s’apprête à descendre dans la rue, une conférence de presse, pour
déclarer qu’il a parlé, le jour-même,
avec le Président et qu’il se porte bien. Une façon de couper l’herbe
sous les pieds de la COD et de démobiliser ses militants, convaincus,
jusqu’alors, qu’Aziz était out. On se demandait, depuis, de quoi se mêlait le
président du pouvoir législatif, censé être totalement indépendant de
l’exécutif, mais pas exempté, il est vrai, de lui faire la cour.
Le vote à la communauté urbaine est la goutte qui
fait déborder le vase des nausées. Mais elle semble, surtout, signer l’abandon de
Messaoud de toute prétention à la présidence. Quels opposants au pouvoir actuel
croiraient-ils, moins de six mois après ce coup de Jarnac, à l’alternative de
l’ex-président de l’Assemblée nationale ? Sa candidature n’aura plus
d’autre sens que de diluer le vote haratine, et encore… Messaoud hors-jeu, par
quelle déliquescence la décomposition annoncée de l’opposition va-t-elle se poursuivre ?
Mais le pouvoir, qui n’est certes pas, lui non plus, à l’abri de la corruption
– c’est le moins qu’on puisse dire – doit-il s’en réjouir ? Car se profile,
en filigrane, une bien plus préoccupante question : dans cette atmosphère
de pourriture généralisée qui se propage au sein même du peuple, que va-t-il
advenir de notre Nation ?
Ahmed Ould Cheikh
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