samedi 15 février 2014

Editorial : Vase de nausées



Messaoud nous l’a encore fait. Ce qui n’était qu’une vague rumeur s’est confirmé, lors du vote pour la présidence de la communauté urbaine de Nouakchott. On évoquait, pêle-mêle, un accord entre le leader de l’APP et Ould Abdel Aziz, en vertu duquel les délégués de ce parti voteraient pour la candidate de l’UPR, au détriment de celui de l’opposition ; une reconduction au perchoir de l’Assemblée nationale ; des portefeuilles ministériels ; un grand poste honorifique… Rien que du très classique, dans ce genre de négociations où l’intérêt personnel prime sur celui de la collectivité ou du pays. Mais on avait, quelque part, un petit doute, celui qui vous empêche de croire au fait accompli. Ben, non, on avait tort : il l’a fait. Il a donné l’ordre, à ses conseillers, de voter UPR, dédaignant le poste d’adjoint que pouvait donner Tawassoul à son parti. Un nouveau coup de poignard dans le dos de l’opposition. Ce n’est pas le premier et ne sera, certainement pas, le dernier.
En 2007, alors que le pouvoir était sur le point de  tomber entre les mains de l’opposition, Messaoud fait volte-face et appelle à voter pour le candidat des militaires. Un coup de tonnerre que personne n’est parvenu à expliquer. Même une haine tenace ne pouvait justifier un tel revirement qui empêchait la Mauritanie de tourner, définitivement, la page des militaires et de s’orienter vers une démocratie civile et apaisée. Nous n’en avons pas toujours fini avec les conséquences de cette décision : candidat des militaires renversé, par ceux-là mêmes qui l’avaient fait roi, et pays coincé, depuis, dans un engrenage dont il n’est pas près de sortir…
Coup d’État de 2008. Messaoud s’oppose à Ould Aziz, avec une grande fermeté mais, depuis l’élection de 2009, quelque chose paraît s’être à nouveau brisé, en lui. Deux années aux côtés de l’opposition radicale mais position incompréhensible, lors du Printemps arabe. Il s’oppose au choix de la rue, pour renverser le pouvoir, au motif que la Mauritanie est faible et ne saurait supporter une révolution. En 2011, il coupe les ponts avec la COD et se lance, aux côtés de Boydiel, dans un dialogue avec le pouvoir. La lune de miel avec Ould Abdel Aziz est entamée.
En 2012, lors de l’absence prolongée de celui-ci, pour cause de « balle amie », Messaoud improvise, alors que l’opposition s’apprête à descendre dans la rue, une conférence de presse, pour déclarer qu’il a parlé, le jour-même,  avec le Président et qu’il se porte bien. Une façon de couper l’herbe sous les pieds de la COD et de démobiliser ses militants, convaincus, jusqu’alors, qu’Aziz était out. On se demandait, depuis, de quoi se mêlait le président du pouvoir législatif, censé être totalement indépendant de l’exécutif, mais pas exempté, il est vrai, de lui faire la cour.
Le vote à la communauté urbaine est la goutte qui fait déborder le vase des nausées. Mais elle semble, surtout, signer l’abandon de Messaoud de toute prétention à la présidence. Quels opposants au pouvoir actuel croiraient-ils, moins de six mois après ce coup de Jarnac, à l’alternative de l’ex-président de l’Assemblée nationale ? Sa candidature n’aura plus d’autre sens que de diluer le vote haratine, et encore… Messaoud hors-jeu, par quelle déliquescence la décomposition annoncée de l’opposition va-t-elle se poursuivre ? Mais le pouvoir, qui n’est certes pas, lui non plus, à l’abri de la corruption – c’est le moins qu’on puisse dire – doit-il s’en réjouir ? Car se profile, en filigrane, une bien plus préoccupante question : dans cette atmosphère de pourriture généralisée qui se propage au sein même du peuple, que va-t-il advenir de notre Nation ? 
                                                                                                   Ahmed Ould Cheikh

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