« La situation sociale, très tendue, impose de dialoguer avec l'opposition.
Par ailleurs, cette législature a dépassé le terme de son mandat. Le président
n'a donc plus de majorité. Et quand on n'a plus de majorité, on n'est plus
légitime. » Elle est de qui,
cette phrase ? D’un député ou d’un simple membre de l’opposition mauritanienne, tant elle résume
la situation ubuesque que nous vivons depuis octobre 2011 ? Non. Elle est
du leader de l’opposition togolaise qui, dans une interview à Jeune Afrique,
résume parfaitement ce que vit le Togo, à l’ombre de cet apprenti dictateur
qu’est Faure Gnassingbé, un président-roi qui a hérité le pouvoir de son père.
Elle est apparemment maudite, cette Afrique. Entre putschistes, galonnés ou
pas, vieux séniles accrochés au pouvoir et roitelets ignares, l'agronome
René Dumont ne croyait certainement pas si bien dire, en affirmant, dès
les premières années d’indépendance, que notre continent était mal parti.
Quelle différence y-a-t-il, entre la Mauritanie et le Togo ? Aucune,
à la lumière de la déclaration de l’opposant togolais. La situation sociale est
la même. Plus que jamais tendue, avec des travailleurs qui élevent, de jour en
jour, la voix, exigeant que cesse l’exploitation abusive dont ils ne cessent de
faire l’objet. Les dockers ont été les premiers à sonner la charge. Ils ont eu
gain de cause. Face à leur détermination, le pouvoir a fini par plier. D’autres
corporations ne manqueront pas de s’engouffrer dans la brèche. On peut donc
s’attendre à un été chaud.
Dialogue avec l’opposition ? Tout le monde l’appelle de ses vœux,
depuis les Accords de Dakar mais le pouvoir ne cesse, lui, de freiner des deux
pieds, pour maintenir un statu quo qui lui semble favorable. Jusqu’à
quand ? Même si la législature a dépassé, comme au Togo, le terme de son
mandat et que le président n’a plus, formellement, de majorité, il multiplie
les subterfuges pour ne pas organiser de consultation électorale. Celle qui concernait
le tiers du Sénat a été reportée, l’année dernière, sur demande de…
l’opposition mais pas plus de vive voix que par écrit. Ould Abdel Aziz avait,
pourtant, répété à l’envi que les élections auraient lieu bien dans les délais
et qu’il n’y aurait, ô grand jamais, de vide constitutionnel. Son Premier
ministre y avait, même, été de sa petite tirade, en déclarant, quelques minutes
à peine avant le fameux report, que les élections sénatoriales auraient bel et
bien lieu. Il est vrai qu’Ould Mohamed Laghdaf n’est pas à une couleuvre près.
Peut-on, dans ce cas, parler encore de majorité ? L’autre soir, dans
un débat diffusé par la TVM , le professeur Lô Gourmo s’est évertué à
démontrer, à deux députés de l’UPR, que le Parlement lui-même est forclos, le
fait d’avoir voté la prolongation de son propre mandat ne pouvant, en aucun,
cas, modifier cette implacable réalité. Plus personne n’est dupe. Tout le monde
sait, à présent, qu’Ould Abdel Aziz n’a cure de considérations constitutionnelles.
Le pouvoir était et reste au bout de son fusil. Et il n’y a qu’un guichet
unique : le BASEP. Les opposants peuvent aller se rhabiller. En période de
vaches grasses, la majorité silencieuse n’y verrait, sans doute, rien à dire. Mais si ventre affamé n’a pas d’oreilles, il
a, par contre, de la voix, aussi peu électorale, alors – et hélas, mais il eût
fallu y penser plus tôt – que craintive du fusil : vox populi, vox dei: La
voix du peuple, c’est la voix de Dieu.
Ahmed Ould Cheikh
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