mercredi 8 mai 2013

Editorial : Vox populi…



« La situation sociale, très tendue, impose de dialoguer avec l'opposition. Par ailleurs, cette législature a dépassé le terme de son mandat. Le président n'a donc plus de majorité. Et quand on n'a plus de majorité, on n'est plus légitime. »  Elle est de qui, cette phrase ? D’un député ou d’un simple membre de  l’opposition mauritanienne, tant elle résume la situation ubuesque que nous vivons depuis octobre 2011 ? Non. Elle est du leader de l’opposition togolaise qui, dans une interview à Jeune Afrique, résume parfaitement ce que vit le Togo, à l’ombre de cet apprenti dictateur qu’est Faure Gnassingbé, un président-roi qui a hérité le pouvoir de son père. Elle est apparemment maudite, cette Afrique. Entre putschistes, galonnés ou pas, vieux séniles accrochés au pouvoir et roitelets ignares, l'agronome René Dumont ne croyait certainement pas si bien dire, en affirmant, dès les premières années d’indépendance, que notre continent était mal parti.
Quelle différence y-a-t-il, entre la Mauritanie et le Togo ? Aucune, à la lumière de la déclaration de l’opposant togolais. La situation sociale est la même. Plus que jamais tendue, avec des travailleurs qui élevent, de jour en jour, la voix, exigeant que cesse l’exploitation abusive dont ils ne cessent de faire l’objet. Les dockers ont été les premiers à sonner la charge. Ils ont eu gain de cause. Face à leur détermination, le pouvoir a fini par plier. D’autres corporations ne manqueront pas de s’engouffrer dans la brèche. On peut donc s’attendre à un été chaud.
Dialogue avec l’opposition ? Tout le monde l’appelle de ses vœux, depuis les Accords de Dakar mais le pouvoir ne cesse, lui, de freiner des deux pieds, pour maintenir un statu quo qui lui semble favorable. Jusqu’à quand ? Même si la législature a dépassé, comme au Togo, le terme de son mandat et que le président n’a plus, formellement, de majorité, il multiplie les subterfuges pour ne pas organiser de consultation électorale. Celle qui concernait le tiers du Sénat a été reportée, l’année dernière, sur demande de… l’opposition mais pas plus de vive voix que par écrit. Ould Abdel Aziz avait, pourtant, répété à l’envi que les élections auraient lieu bien dans les délais et qu’il n’y aurait, ô grand jamais, de vide constitutionnel. Son Premier ministre y avait, même, été de sa petite tirade, en déclarant, quelques minutes à peine avant le fameux report, que les élections sénatoriales auraient bel et bien lieu. Il est vrai qu’Ould Mohamed Laghdaf n’est pas à une couleuvre près.
Peut-on, dans ce cas, parler encore de majorité ? L’autre soir, dans un débat diffusé par la TVM , le professeur Lô Gourmo s’est évertué à démontrer, à deux députés de l’UPR, que le Parlement lui-même est forclos, le fait d’avoir voté la prolongation de son propre mandat ne pouvant, en aucun, cas, modifier cette implacable réalité. Plus personne n’est dupe. Tout le monde sait, à présent, qu’Ould Abdel Aziz n’a cure de considérations constitutionnelles. Le pouvoir était et reste au bout de son fusil. Et il n’y a qu’un guichet unique : le BASEP. Les opposants peuvent aller se rhabiller. En période de vaches grasses, la majorité silencieuse n’y verrait, sans doute, rien à dire.  Mais si ventre affamé n’a pas d’oreilles, il a, par contre, de la voix, aussi peu électorale, alors – et hélas, mais il eût fallu y penser plus tôt – que craintive du fusil : vox populi, vox dei: La voix du peuple, c’est la voix de Dieu.

                                                                                                            Ahmed Ould Cheikh

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